Définition de ENCORE
Prononciation : an-ko-r'
DÉFINITIONS
1
Jusqu'au moment dont il s'agit. Elle vit encore. Dans dix ans il existera encore. Cela se faisait encore à cette époque. J'attends encore.Je ne demande pas que vous cessiez encore Ou de haïr Flavie ou d'aimer Théodore
de Pierre CORNEILLE dans Théod. III, 5
Pour le coeur, si je puis vous le dire entre nous, Je ne m'aperçois pas qu'il soit encore à vous
de Pierre CORNEILLE dans Sur. II, 1
Les dogmatistes sont encore à répondre depuis que le monde dure
de Blaise PASCAL dans Grand. 25
Elle se fait un Dieu de ce prince charmant, Et vous doutez encor qu'elle en fasse un amant
de Jean RACINE dans Alex. I, 1
Mes malheurs font encor toute ma renommée
de Jean RACINE dans Bajaz. II, 1
Ah ! douleur non encore éprouvée
de Jean RACINE dans Phèd. IV, 6
Il ne répond encor qu'au nom d'Éliacin
de Jean RACINE dans Athal. I, 2
Il ne connaît encor d'autre père que toi
de Jean RACINE dans ib. I, 2
Les premiers revers Qui frappèrent mes yeux à peine encore ouverts
Je cours encore, se dit pour exprimer qu'on ne reparut plus, qu'on ne recommença pas, qu'une chose est entièrement laissée de côté, qu'on ne s'en occupe plus.
Cela dit, maître loup s'enfuit et court encor
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. I, 5
Je pris la clef du cabinet et puis les lettres d'État et cours encore
Et le petit chien pas plus haut que cela [chien enragé dont on prétendait avoir été mordu] ? - Il court encore
de SCRIBE et DELESTRE-POIRSON dans le Nouv. Pourc. sc. 21
S'emploie quelquefois substantivement comme les si, les mais.
Et les encore, enfin tout le phoebé
de Jean de LA FONTAINE dans Comment l'esprit.
Le moment où l'on dit d'une femme : elle est encore bien jolie ! cet encore gâte bien l'éloge
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Adèle et Théod. t. I, lett. XI, p. 69, dans POUGENS.
D'encore en encore, en allant d'un encore à un autre encore, en allant encore plus loin.
Il suit sa pointe, et d'encor en encor....
de Jean de LA FONTAINE dans Comment l'esprit.
2
De nouveau, Quoi ! vous le faites encore ? J'en veux encore.Soleil si doux au déclin de l'automne, Arbres jaunis, je viens vous voir encor, N'espérant pas que la haine pardonne à mes chansons leur trop rapide essor
de Pierre Jean de BÉRANGER dans Adieux.
3
De plus. Outre l'amende il fut encore condamné à la prison.4
Il indique aussi augmentation, surcroît. Il est encore plus riche que son frère. Il exigea encore davantage Cela augmentait encore sa tristesse.Pense-t-il [l'esprit fort] nous avoir réjouis, de nous dire qu'il doute si notre âme est autre chose qu'un peu de vent et de fumée, et encore de nous le dire d'un ton de voix fier et content ?
La philosophie ne peut faire aucun bien que la religion ne fasse encore mieux, et la religion en fait beaucoup que la philosophie ne saurait faire
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Ém. IV, note 41
5
En un sens restrictif, qui équivaut à : remarquez, remarquons, faites attention ; en ce cas, on met ordinairement le pronom sujet après le verbe. Ce mot n'est guère usité que dans telle science, encore ne l'emploie-t-on que rarement.Je n'y sais qu'un remède, encore est-il fâcheux
de Pierre CORNEILLE dans Rodog. IV, 3
Encor n'usa-t-il pas de toute sa puissance
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. VI, 3
Un seul arbre s'offrit, tel encor que l'orage Maltraita le pigeon en dépit du feuillage
de Jean de LA FONTAINE dans ib. IX, 2
Encor, dans mon malheur de trop près observée, Je n'osais dans mes pleurs me noyer à loisir
de Jean RACINE dans Phèdre, IV, c.
Si le sujet est un nom ordinaire, il ne se met pas après le verbe ; seulement : on répète le pronom.
Que sa prétention fût ou non légitime, Encor ce traitement paraît-il inhumain
de Jean de ROTROU dans Antig. IV, 1
6
Car encore, c'est-à-dire passe pour, on admettrait que....Les vieillards déploraient ces sévères destins ; Les animaux périr ! car encor les humains, Tous avaient dû tomber sous les célestes armes
de Jean de LA FONTAINE dans Phil. et Baucis.
7
Du moins. Encore s'il voulait se relâcher sur ce point, on pourrait lui accorder tout le reste.Encore est-il plus raisonnable que je ne pensais, et je croyais avoir bien plus de peine à m'en dégager
Encor si la saison s'avançait davantage ! Attendez les zéphyrs ; qui vous presse ?
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. IX, 2
Encor si nous pouvions prolonger son erreur !
8
Pas encore, se dit (par abréviation pour : non pas encore) après une question où l'on demande si la chose dont il s'agit est faite ou doit être faite. Faut-il venir ? pas encore. Est-il venu ? pas encore.Il se dit aussi pour : non encore ; mais cet emploi n'est pas à recommander ; il faut dire : non encore.
Ce qu'elle peut sur un coeur pas encore accoutumé à la force
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Car. Inconst.
9
Encore ! pris elliptiquement, signifie, suivant l'occasion et le verbe sous-entendu, soit recommencez, ajoutez ; soit l'improbation et le mécontentement que fait éprouver un fait qui se renouvelle. Quoi ! petit polisson, encore !10
Mais encore, s'emploie comme corrélatif de non-seulement. Non-seulement il est libéral, mais encore il est prodigue.11
Mais encore s'emploie interrogativement avec la signification d'une certaine insistance pour obtenir un détail plus précis. Dites vos raisons. - Je ne veux pas. - Mais encore ?12
Encore que, Nature : loc. conj. gouvernant le subjonctif, quoique, bien que.Encor qu'à mon devoir je coure sans terreur
de Pierre CORNEILLE dans Hor. II, 3
Encor qu'il soit sans crime, il n'est pas innocent
de Pierre CORNEILLE dans Nicom. II, 1
On a peur de le voir encor qu'on le désire
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. VIII, 13
Encor que le pouvoir au désir ne réponde, Nos hôtes agréeront les soins qui leur sont dus
de Jean de LA FONTAINE dans Phil. et Bauc.
Encor que son retour En un grand embarras jette ici mon amour....
Encore qu'ils soient fort opposés à ceux qui commettent des crimes
de Blaise PASCAL dans Prov. 8
Encore que notre esprit soit de nature à vivre toujours, il abandonne à la mort tout ce qu'il consacre aux choses mortelles
Les Grecs et les Romains ont célébré sa [de la ville de Thèbes] magnificence et sa grandeur, encore qu'ils n'en eussent vu que les ruines
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Hist. III, 3
Florien fut tué, et Probus forcé par les soldats à recevoir l'empire, encore qu'il les menaçât de les faire vivre dans l'ordre
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans ib. I, 10
Encore que les Hollandais eussent pris Pondichéry....
On peut aussi construire encore que avec le conditionnel ; cependant c'est une tournure vieillie.
Encore que vous me donneriez mille écus, je ne ferai pas cela
de CHIFFLET dans Grammaire, p. 130
Encore que se construit avec des noms et des adverbes.
Et ce souhait impie encore qu'impuissant
de Pierre CORNEILLE dans Hor. IV, 6
Vous en êtes la cause encor qu'innocemment
de Pierre CORNEILLE dans Polyeucte, IV, 6
REMARQUE
1
En poésie, on écrit indifféremment encore et encor, suivant le besoin. L'ancienne prose écrivait aussi encores.HISTORIQUE
1
XIe s.Et uncore le mande l'on [que on le somme encore] que il vienge à dreit [qu'il vienne devant le juge]
dans Lois de Guill. 45
Charles respont : uncor pourra garir
dans Ch. de Rol. x
2
XIIe s.Encore aurons d'Espaigne le reignier [royaume]
dans Ronc. p. 41
Mais [je] ne sai pas encor certainement Quel guerredon ele me voudra rendre
dans Couci, v
N' [ni] encor, amors, ne vous ai reproché Mon service....
dans ib. VII
Heürs, servirs et talens Me pourront encor valoir
dans ib. XI
Que [car] mon langage ont blasmé li François Et mes chançons, oïant les Champenois Et la contesse encoir, dont plus me poise [fâche]
de QUESNES dans Romancero, p. 83
Encoir ne soit ma parole françoise, Si la peut-on bien entendre en françois
de QUESNES dans ib.
Cel jour firent François d'Anseys chevalier, Car ancores servoit au role d'escuier
dans Saxons, IV
Guiteclin, fait-il, sire, moult peuz estre joians ; Ancor sera cest monz [monde] touz à toi apendanz
dans ib.
Encor ne savoit Karles du domage neant
dans ib. XI
À mon pooir [je] vous ai conseillé mainte fie [fois] Et ancor vous conseil
dans ib. X
3
XIIIe s.[Que Dieu] Doint qu'encor leur en soit li guerredons rendus
dans Berte, XXIV
Encor s'en peuvent cil qui or sont, percevoir
dans ib. LXV
Encore lui semble Berte plus belle à esgarder
dans ib. CXII
4
XVIe s.Encores que mon feu pere, Grandgousier, eust adonné tout son estude à ce que je prouffictasse
de François RABELAIS dans Pant. II, 8
Je t'en donnay quelque goust quand tu estoys encores petit
de François RABELAIS dans ib.
Il n'est point besoing que vous prenez la peine de venir encores, pour les raisons que je vous manderay
Si est-ce que encores [pourtant] en y a il qui....
de Michel de MONTAIGNE dans I, 26
La peur est encores plus insupportable que la mort
de Michel de MONTAIGNE dans I, 64
Il n'est demeuré de luy que ce discours, encores par rencontre
de Michel de MONTAIGNE dans I, 206
Quand vous voyez une riche demeure, encores que vous ne sachez qui en est le maistre....
de Michel de MONTAIGNE dans II, 271
Encor qu'Homere est le premier compté, De s'arrester les autres n'ont eu garde
de LA BOÉT. dans 478
Or ceste ci, or ceste là il treuve, Et puis encor une autre toute neuve
de LA BOÉT. dans 479
Ce lieu s'appelle encores à present Theseia
de Jacques AMYOT dans Thés. 5
Si matin qu'il n'estoit pas encores jour
de Jacques AMYOT dans Public. 18
Si survint encores une autre armée, laquelle gasta tout le territoire de Rome
de Jacques AMYOT dans ib. 32
Pere, dit-il, nous avons assez de pinte de vin pour vous et pour moi, encore [pourvu] que vous n'en buviez point
de Bonaventure DESPÉRIERS dans Contes, LII
ÉTYMOLOGIE
1
Génev. oncore ; picard, core, couere, coir, ecouere (Breteuil), ouere ; norm. co ; environs de Paris, core ; bourguig. enco ; bressan, oncor ; anc. espag. encara ; ital. ancora ; du latin hanc horam, jusqu'à cette heure. La forme uncore vient de unquam hora.