Définition de RAISONNER

DÉFINITIONS - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : rè-zo-né

DÉFINITIONS

1
Faire usage de la raison.
Pourquoi ne nous fâchons-nous pas si on dit que nous avons mal à la tête, et que nous nous fâchons de ce qu'on dit que nous raisonnons mal ?
de Blaise PASCAL dans Pens. V, 10, éd. HAVET.
C'est sans raisonner qu'un enfant qui tète ajuste ses lèvres et sa langue de la manière la plus propre à tirer le lait qui est dans la mamelle
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Conn. V, 3
Soutenons bien nos droits ; sot est celui qui donne ; C'est ainsi devers Caen que tout Normand raisonne
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Ép. II
Dans une nation libre, il est très souvent indifférent que les particuliers raisonnent bien ou mal ; il suffit qu'ils raisonnent
de Charles-Louis de Secondat MONTESQUIEU dans Esp. XIX, 27
Raisonner avec les enfants était la grande maxime de Locke ; c'est la plus en vogue aujourd'hui, son succès ne me paraît pas pourtant fort propre à la mettre en crédit ; et pour moi je ne vois rien de plus sot que ces enfants avec qui l'on a tant raisonné
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Ém. II
Sémantique : Fig.
Lorsque l'on vient à voir vos célestes appas, Un coeur se laisse prendre et ne raisonne pas
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Tart. III, 3
Sémantique : Familièrement. Raisonner comme une pantoufle, voy. PANTOUFLE.
On dit quelquefois aussi : raisonner comme un tambour mouillé, très mal raisonner (jeu de mots entre raisonner et résonner).
Nature : S. m. Manie de raisonner.
On a banni les démons et les fées ; Sous la raison les grâces étouffées Livrent nos coeurs à l'insipidité ; Le raisonner tristement s'accrédite ; On court hélas ! après la vérité : Ah ! croyez-moi, l'erreur a son mérite
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Ce qui plaît aux dames.
Je suis pour ses tragédies [de Corneille] ce que la Couture était pour les sermons ; il disait qu'il n'aimait pas le brailler, et qu'il n'entendait pas le raisonner
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. d'Alemb. 19 déc. 1764
2
Sémantique : Particulièrement. Parvenir, au moyen de rapports connus, à des rapports qu'on ne connaissait pas.
Raisonner, c'est prouver une chose par une autre
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Connaiss. I, 13
Raisonner est se servir de deux jugements pour en faire un troisième, comme, lorsqu'ayant jugé que toute vertu est louable, et que la patience est une vertu, j'en conclus que la patience est louable
de Charles Pinot, sieur DUCLOS dans Oeuv. t. IX, p. 53
L'art de raisonner consiste à comparer ensemble deux choses par le moyen d'une troisième
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Mél. etc. t. V, p. V
L'art de raisonner se réduit à une langue bien faite
de Etienne Bonnot de CONDILLAC dans Traité des syst. ch. 3
Raisonner, c'est comparer des idées afin de passer, des rapports qui sont connus, à la découverte de ceux qui ne le sont pas
de Etienne Bonnot de CONDILLAC dans Hist. anc. III, 26
3
Chercher et alléguer des raisons touchant une affaire, une question, etc. discourir sur quelque chose.
Je suis bien sot de m'amuser à raisonner avec vous
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans D. Juan, III, 1
Tout en raisonnant, je crois que nous sommes égarés
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans ib. III, 1
Voilà par où commence l'esprit de révolte : on raisonne sur le précepte, et l'obéissance est mise en doute
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Hist. II, 1
Et la troupe, à l'instant cessant de fredonner, D'un ton gravement fou s'est mise à raisonner
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Sat. III
Vous devez choisir, non pas l'homme qui raisonne le mieux sur les lois, mais celui qui les pratique avec la plus constante vertu
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans Tél. VI
J'envisage le siècle de Louis XIV comme celui du génie, et le siècle présent comme ce lui qui raisonne sur le génie
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Frag. sur l'hist. XX
4
Répliquer, alléguer des excuses, au lieu de recevoir docilement des ordres ou des réprimandes.
Je suis reine ; et qui sait porter une couronne, Quand il a prononcé, n'aime point qu'on raisonne
de Pierre CORNEILLE dans Sertor. IV, 2
Ce ne sont pas des conseils que je vous demande ; faites ce que je vous dis, sans tant raisonner
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Théât. d'éduc. Tendr. matern. sc. 4
Ne raisonnez pas tant ; vous raisonnez, je crois ; si vous raisonnez davantage, phrases qui se disent à un enfant, à une personne inférieure, quand on veut mettre fin à ses répliques.
5
Sémantique : Terme de marine. Raisonner à la chaloupe, se dit d'un vaisseau, lorsqu'il est obligé de montrer ses passe-ports à la chaloupe qui vient les reconnaître, et de lui rendre compte de sa route.
Cela se dit aussi, sur les fleuves, des bureaux de péage.
Examinez si l'on ne pourrait pas mettre le payement de tous ces péages en un seul droit, pour épargner aux barques qui voiturent sur le Rhône la peine qu'ont les conducteurs de raisonner en tous les bureaux où ces péages se lèvent
dans Corresp. de Colbert, II, 139
6
Nature : V. a. Appliquer le raisonnement à quelque chose. Il raisonne tout ce qu'il fait.
Raisonner quelqu'un, chercher à l'amener à une sage résolution.
Non, vous avez beau faire et beau me raisonner, Rien de ce que je dis ne peut me détourner
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Mis. V, 1
7
Raisonner métaphysique, politique, etc. converser sur la métaphysique, la politique, etc.
Je voudrais bien raisonner métaphysique avec un Gaulois
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Dial. XXIX, 12
8
Se raisonner, Nature : v. réfl. Soumettre son esprit à la raison.
C'est en vain qu'il veut se vaincre et se raisonner ; un tremblement universel agite tout son corps
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Voeux témér. t. III, p. 170, dans POUGENS
9
Être raisonné, être soumis au raisonnement.
Il y a des idées qui veulent être relevées ; il y en a qui veulent que l'image les abaisse au ton du style familier ; ce grand art n'a point de règles, et ne saurait se raisonner
de Jean-François MARMONTEL dans Oeuv. t. VIII, p. 183

HISTORIQUE

1
XIIIe s.
Car la corde en la bouche ne la laisse raisnier [parler]
dans Berte, XI
2
XIVe s.
Le raisonna par telles paroles [lui tint ce discours]
dans Chr. de St-Denis, t. I, f° 26, dans LACURNE
3
XVe s.
Une chose faisoit à raisonner [à considérer] ; l'yver approchoit....
de Jean FROISSART dans liv. III, f° 348
4
XVIe s.
S'ils condamnoient ou louoient ce personnage ou ce faict, il falloit raisonner leur dire
de Michel de MONTAIGNE dans I, 151

ÉTYMOLOGIE

1
Raison ; provenç. razonar, rasonar ; catal. rahonar ; espagn. razonar ; portug. razoar ; ital. ragionare. Raisnier, qui est la forme ancienne, avait surtout la signification de parler.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
Répliquer, alléguer des excuses. Ajoutez :
Avec un régime indirect.
Comment ventrebleu, dit le Sultan, si j'en veux faire usage ? je commence par vous, si vous me raisonnez
de Denis DIDEROT dans Bijoux indiscrets, I, 5

Synonymes de RAISONNER

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