Définition de DENIER
Prononciation : de-nié ; l'r ne se lie jamais ; au pluriel, l's se lie : des de-nié-z argentés
DÉFINITIONS
1
Monnaie romaine d'argent, qui d'abord valut dix as et plus tard seize. Jusqu'à la fin de la République, le denier fut fixé au poids de 84 à la livre ; ce qui représente, en poids, 3 gr. 85, et en valeur, 0 fr. 82 c.Il vend pour trente deniers celui qui devait être la rédemption du monde
de Louis BOURDALOUE dans Myst. Passion de J. C. t. I, p. 262
2
Ancienne monnaie française d'argent.Le denier était la deux-cent-quarantième partie d'une livre d'argent
Il y avait aussi des deniers d'or. Ne pas donner une chose pour denier d'or, l'estimer très haut.
Sorte de monnaie de cuivre, ayant cours pour la douzième partie d'un sou, et dite aussi denier tournois, denier de prix ou de cours.
Vingt pistoles rapportent par année dix-huit livres six sous huit deniers, à ne les placer qu'au denier douze
Le denier, depuis longtemps démonétisé, est devenu une simple monnaie de compte.
Rendre compte à livres, sous et deniers, rendre un compte avec la dernière exactitude.
Net comme un denier, très propre, sans doute à cause d'un denier récemment frappé, qui est net et brillant ; car, autrement, la circulation ternit bien vite les monnaies de cuivre.
Claire comme un bassin, nette comme un denier
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Sat. X
C'est la parfaite Deiopée, Un vrai visage de poupée ; Au reste, on ne peut le nier, Elle est nette comme un denier
de Paul SCARRON dans Virg. trav. I
Sémantique : Fig.
Un débiteur dont il faut exiger jusqu'au dernier denier
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Élus.... chacun repousse Jeanne qui n'a pas un denier, BÉRANG. Jeanne la Rousse.
Plus d'un pauvre vient implorer Le denier que je puis répandre
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Juif errant.
Sémantique : Poétiquement, le funèbre denier, la petite pièce de monnaie que, suivant la mythologie, il fallait donner à Caron pour passer le fleuve des enfers.
Une larme.... c'est là ce funèbre denier, Ce tribut qu'à la mort tout mortel doit payer
de Alphonse de LAMARTINE dans Harold, 49
Le denier de la veuve, l'aumône faite par le pauvre.
Voilà d'étranges présents ; c'est le denier de la veuve
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 511
Denier de la veuve, se dit aussi d'une chétive somme qui fait toute la ressource d'une personne.
À l'égard du contrôleur général, que Dieu absolve, il me fait aussi perdre à moi environ cinq à six cents livres, et c'est le denier de la veuve
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Lett. à Voltaire, 26 oct. 1770
3
Denier fort, ou fort denier, ce qu'il faut ajouter à la fraction qui excède une somme pour avoir la valeur de la plus petite monnaie au-dessus de la fraction. Le fort denier de trois francs quatre centimes est un centime [ce qui fait un sou]. Le fort denier est pour le marchand.4
Denier de St Pierre, tribut qui se payait à Rome le jour de la fête de St Pierre aux Liens, et, aujourd'hui, argent recueilli parmi les catholiques pour subvenir aux besoins du pape. Nom d'un ancien droit que l'Angleterre payait au pape et qui fut établi en 740 par le roi Ina.5
Denier à Dieu, contribution qui, dans l'origine, se payant sur tous les marchés et engagements, devait être employée à quelque acte de piété.Aujourd'hui, arrhes pour une location, pour un marché.
Deux cents francs un garçon, sans le denier à Dieu, sabots, blouse et chapeau pour la première année
de Paul Louis COURIER dans II, 278
Le propriétaire du lieu, Ayant eu le denier à Dieu, Crut la [Didon] tromper et ne lui vendre Qu'autant de lieu que peut comprendre La peau d'un boeuf, tant grand fût-il
de Paul SCARRON dans Virg. trav. I
Deniers d'entrée, argent donné en sus d'un marché, et qui, à la différence des arrhes et du denier à Dieu, est remis après la convention.
6
Une somme d'argent indéterminée.Il fit une grande levée de deniers sur les peuples
de Claude Favre de VAUGELAS dans Q. C. liv. IV, dans RICHELET
Il n'est que d'être libre et en deniers comptants
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Épît. II
Quatre ou cinq mille écus est un denier considérable et qui vaut bien la peine qu'un homme manque à sa parole
Le pouvoir de faire justice acheté à deniers comptants
de Jean de LA BRUYÈRE dans Disc. s. Théophr.
Sémantique : En termes de jurisprudence. Deniers dotaux, pupillaires. Deniers clairs et liquides, deniers qui se trouvent en nature dans une succession. Deniers à découvert, deniers qu'on exhibe en offrant le payement.
Les deniers publics, les fonds appartenant à l'État, à une ville. Un comptable de deniers publics.
Je crois voir en ceci l'image d'une ville Où l'on met les deniers à la merci des gens ; Échevins, prévôts des marchands, Tout fait sa main....
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. VIII, 7
À peine étiez-vous hors de l'enfance que vous conseillâtes à votre oncle Périclès d'engager la guerre pour éviter de rendre compte des deniers publics
Tirer un grand denier, un bon denier de quelque chose, en tirer une grande somme d'argent. Phrase peu usitée présentement.
J'y mettrais bien mon denier, se dit d'une chose dont on ferait volontiers l'acquisition si elle était à vendre.
Sémantique : Fig. Vendre quelqu'un à beaux deniers comptants, le trahir pour de l'argent, par intérêt.
Votre procureur s'entendra avec votre partie et vous vendra à beaux deniers comptants
Cette locution signifie aussi être plus fin, plus habile qu'un autre. Il le vendrait à beaux deniers comptants, il est plus adroit que lui, il obtiendrait sur lui tous les avantages qu'il voudrait.
Sémantique : Terme d'ancienne pratique. Faire bons les deniers, garantir la somme.
7
La partie d'un capital ou revenu qui est prélevée au profit de quelqu'un. Le dixième denier de toute prise était dû à l'amiral, c'est-à-dire un denier sur dix, autrement dit le dixième ; le quinzième denier est un quinzième, et ainsi de suite. Cette locution n'est plus usitée.Centième denier, nom du droit de la paulette quand il fut réduit au centième du prix des offices.
8
Intérêt d'une somme, d'un capital. Le denier cinq, dix, vingt, l'intérêt valant le cinquième, le dixième, le vingtième du capital, c'est-à-dire 20, 10, 5 pour cent.L'argent à tout denier se prêta sans usure
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Sat. XI
Je commence par m'écrier sur le denier six ; je n'en avais point entendu parler depuis l'emprunt que fait le fils de l'avare dans la comédie de Molière ; je crois que vous avez voulu dire six et quart, qui est un denier dont j'ai entendu parler en Provence, qui va, ce me semble, au denier seize ; mais le denier six est si usuraire que je ne crois pas qu'un notaire en voulût faire un contrat ; c'est pour 10000 francs, 1666 livres 13 sous
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 605
L'avis de M. le contrôleur général serait de placer votre argent sur la ville au denier dix-huit
Cent francs au denier cinq, combien font-ils ? - Vingt livres
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans 8
Les rentes qui étaient au denier dix tombèrent au denier vingt
Voulez-vous prendre, au denier quatorze, cinq mille francs qu'un honnête serrurier de ma connaissance a amassés par son travail et par ses épargnes ?
de Alain René LESAGE dans Turcaret, III, 9
Le denier de l'ordonnance, le denier du roi, synonyme de ce qu'on nomme aujourd'hui taux légal, c'est-à-dire le taux légal auquel s'estiment les intérêts adjugés, le placement à rente d'une somme, etc.
Denier fort, intérêt excédant le taux ordinaire.
Vendre une chose au denier vingt, au denier trente, au denier quarante, etc. la vendre pour un prix établi sur la supputation que cette chose rapportera le 20e, le 30e, le 40e de la valeur. Il a acheté Barbesieux au denier seize, SÉV.
On dit dans un sens analogue estimer au denier trente, au denier quarante.
Toutes ces locutions tombent en désuétude ; elles sont remplacées par celles-ci : 5 pour 100, 3 et demi pour 100, 2 et demi pour 100, etc.
9
Désignation d'une certaine part qu'on avait dans une affaire (perte ou gain), c'est-à-dire la 240e part (le denier étant la 240e partie de la livre). Deux deniers équivalent à un 120e, trois deniers à un 80e, et ainsi de suite. Il avait deux deniers dans la ferme.Sens vieilli.
10
Sémantique : Terme de monnayage. Denier de poids ou, absolument, denier, le tiers du gros ou la 24e partie de l'once et la 192e du marc, ce qui revient à la 785e partie du kilogramme. Le marc contient 8 onces ; l'once, 8 gros ; le gros, 3 deniers ; le denier, 24 grains ; ainsi il y a au marc 8 onces, 64 gros, 192 deniers et 4608 grains, Édit sur les monnaies, t. VI, f° 164, aux archives des finances.Denier de fin, ou, simplement, denier, chacune des parties de fin contenues dans une quantité quelconque d'argent que l'on suppose partagée en douze parties égales. L'argent pur est dit de l'argent à douze deniers. On évalue la bonté de l'argent par deniers, et celle de l'or par carats.
Les bossettes de son mors sont d'or à vingt-trois carats ; ses fers sont d'argent à onze deniers
Denier de fin ou de loi, le degré de pureté de l'argent.
Denier de boîte, pièce d'or et d'argent que les gardes doivent prendre quand ils font la délivrance, et qui se conservent dans une boîte pour servir de règle dans la suite à la cour des monnaies.
Deniers de monnayage, toutes sortes d'espèces d'or, d'argent ou de cuivre qui ont reçu la dernière façon.
PROVERBES
1
Exemple : Il n'y a point d'huis qui ne lui doive denier, se dit d'un valet musard qui s'arrête souvent en chemin.2
Exemple : Cette chose vaut mieux denier qu'elle ne valait maille, se dit d'une chose qui, payée plus cher, vaut mieux qu'elle ne valait payée moins cher, c'est-à-dire d'une chose qui a été améliorée.HISTORIQUE
1
XIe s.E quatre deners al ceper [geôlier]
dans Lois de Guill. 4
Pris l'en ad or et aveir et deners
dans Ch. de Rol. LXXXVIII
Sis bons escus un dener ne lui vaut
dans ib. XI
2
XIIe s.N'i perdra Charles [ce] qui vaille un seul diner
dans Ronc. p. 34
Et si ont en nos terres pris les quatre deniers
dans Sax. XVI
Or volt que il li rende ses acuntes pleniers De quanqu'ot en baillie, quant fu ses chanceliers, De trente mile livres de sterlins en deniers
dans Th. le mart. 43
Tut saisi, en sa main, e terres e mustiers, E vif aveir e mort, blé, rentes e deniers
dans ib. 64
E li deniers Saint Piere fu dunkes retenuz : Si fu al eschekier e portez e renduz
dans ib. 66
Là fors le prinrent li felon losengier, Et nos auvec, par Dieu le droiturier, Si somes povre que n'avommes denier
dans Raoul de C. 276
3
XIIIe s.S'il i a nulle beste qui comence à feblir, metez les costages [dépenses] pur lui sauver ; car om dit : Beneit soit li dener qui sauve la libre [la livre], Économie rurale
dans Bibl. des Chartes, 4e série, t. II, p. 368
Si ne se purent à celle fois acorder, por ce qu'il lor sembla qu'il n'avoient mie encore deniers assez
de Geoffroi de VILLEHARDOUIN dans VIII
Et que de mes deniers chascun d'eus [je] rachetai
dans Berte, VII
Il est acordé et ordené que nul mestres foulons ne preigne denrées d'ores avant, queles que eles soient, bones ou mauveses, pour leur salaires des dras parer, fors deniers ses [secs, argent comptant], sanz nule fraude
dans Liv. des mét. 400
Et vont disant que povres sont, Et les grasses pitances ont, Et les grans deniers en tresor
dans la Rose, 8147
Se vous l'avez felon trouvé ; Il iert [sera] autres au derrenier ; Ge le congnois cum ung denier
dans ib. 3146
Et li denier qui en vienent sont au segneur
de Philippe de BEAUMANOIR dans 43
Donques, pot on veir que, se denier de rente sont deu à certain jour, ou blés ou aveines, ou ce qui est deu de terme passé....
de Philippe de BEAUMANOIR dans XXIII, 9
Noz entendons que marciés est fes si tost comme il est creantés à tenir par l'acort des parties, entre gens qui poent fere marciés, ou si tost que denier Dieu en est donés
de Philippe de BEAUMANOIR dans XXXIV, 60
Ertaut de Nogent fu li bourgeois du monde que le conte creoit le plus, et fu si riche que il fist le chastel de Nogent l'Ertaut de ses deniers
de Jean, PRINCE DE JOINVILLE dans 205
Ne faire marchié ne bailler denier à Dé
de Victor Henri-Joseph Brahain, dit DU CANGE dans junctura.
4
XIVe s.Nulz ne faisoit les chans arer, Les blez soier, les vignes faire, Qui en donnast [quand on en donnerait] triple salaire, Non certes pour un denier vint ; Tant estoient mort [dans la peste noire]....
de MACHAULT dans p. 75
5
XVe s.J'ai loué à mes deniers celle nef pour faire sur ce voyage ma volonté
de Jean FROISSART dans II, II, 220
Parmi ses deniers payans [par le moyen de]
de Jean FROISSART dans I, I, 264
Je ne donrai de vos franchises trois deniers
de Jean FROISSART dans II, II, 53
Un gros bourgeois qui compte ses deniers par default d'autre besongne
de Alain CHARTIER dans Quadriloge invectif.
Ne blasmez, pour ce, mon mestier ; Je gagne denier à denier ; C'est loings du tresor de Venise
de Charles D'ORLÉANS dans Rondeau.
Qui du marchié le denier à Dieu prent, Il n'y peut plus mectre rabat ne creue
de Charles D'ORLÉANS dans ib.
Tout marché d'amour, quoy qu'il monte, Se parfait sans deniers à Dieu
de COQUILLART dans p. 37
Ce fut pour le denier à Dieu ; Et encore si j'eusse dit, La main sur le pot, par ce dit, Mon denier me fust demouré
dans Patelin, V. 392
Et ne perdirent pas ung denier vaillant, mais payoit chascun son escot comme s'il eust esté en Flandres
de Philippe de COMMINES dans I, 5
Receu et nourry six ans, ayant deniers de luy pour son vivre
de Philippe de COMMINES dans I, 12
Elle est [la duché de Normandie] de grant estime, et se y leve de grans deniers
de Philippe de COMMINES dans I, 13
Le denier oublié ou mesconté, grace ne gré
de Antoine LE ROUX DE LINCY dans Prov. t. II, p. 126
6
XVIe s.Deniers refusez ne se passent pas
de GABRIEL MEURIER dans dans LEROUX DE LINCY, t. II, p. 125
Denier sur denier bastit la maison
de GABRIEL MEURIER dans ib.
Il employe bien ses quatre deniers [il mange bien à proportion de ce qu'il paye]
de GABRIEL MEURIER dans ib. p. 126
ÉTYMOLOGIE
1
Bourguig. denei ; wallon, denidié, denigé, denier à Dieu ; provenç. dener, denier, dinier ; catal. diner ; espagn. dinero ; portug. dinheiro ; ital. denaro ; du latin denarius, de deni, dix (voy. DÉNAIRE), parce que le denier valait à l'origine dix as.SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
1
Évaluation du poids des fils de soie.Filer en neuf, en dix deniers
dans Journ. offic. 24 juill. 1872, p. 5048, 1re col.