Définition de TALENT

DÉFINITIONS - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : ta-lan ; le t se lie : un ta-lan-t extraordinaire ; au pluriel, l's se lie : des ta-len-z extraordin

DÉFINITIONS

1
Sémantique : Terme d'antiquité. Nom d'un poids, chez les Grecs, qui variait suivant les pays, qui fut primitivement de 19440 grammes, et que la réforme de Solon porta chez les Athéniens à 27000 grammes.
Talent d'argent, talent d'or, valeur de compte qui désignait le poids d'un talent en argent, en or. Le talent en argent de 19440 grammes valait 4140 francs, et celui de 27000 grammes valait 5750 francs. Le talent d'or valait environ seize fois autant que le talent d'argent, rapport qui diminua, l'or étant devenu plus commun.
Parabole des talents, parabole dans laquelle un maître, partant en voyage, donne des talents à ses serviteurs ; le premier et le second les font valoir ; le troisième enfouit le sien, Év. St Mathieu, xxv, 14 et suiv.
La parabole des talents et celle des mines semble avoir été prononcée en confirmation des dernières paroles que nous avons lues de saint Luc : celui à qui on donne beaucoup, on lui redemande beaucoup
Si votre corps est un talent précieux qui doit profiter entre les mains de Dieu, mettez-le de bonne heure dans le commerce, et n'attendez pas à le lui donner qu'il le faille enfouir dans la terre
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans dans RÉMUSAT, Infl. de la scol. sur la langue franç. p. 401
Il [du Plessis Mornay] fit sa confession, avouant qu'il avait beaucoup reçu et peu profilé, et, comme on lui répondait qu'il avait fidèlement employé son talent....
de DE FÉLICE dans Hist. des prot. de France, liv. III, p. 302
Enfouir son talent, ne pas faire valoir les avantages qu'on possède.
Mlle Gervaise était fort jolie en sa jeunesse et n'enfouissait pas le talent, car elle se servait admirablement bien de sa beauté
de Gédéon TALLEMANT, Sieur Des Réaux, dit TALLEMAND DES RÉAUX dans dans RÉMUSAT, Infl. de la scol. sur la lang. franç. p. 400
2
Sémantique : Fig. Aptitude distinguée, capacité, habileté donnée par la nature ou acquise par le travail (ainsi dit, comme l'a montré M. de Rémusat, par une métaphore tirée des talents de l'Évangile).
Vous connaissez mon bien, mon talent, ma naissance
Ne forçons point notre talent ; Nous ne ferions rien avec grâce
de Jean de LA FONTAINE dans ib. IV, 5
[Les madrigaux] C'est mon talent particulier, et je travaille à mettre en madrigaux toute l'histoire romaine
Ses divins attributs [de Dieu] paraissaient-ils mieux dans les cieux qu'il a formés de ses doigts, que dans ces rares talents qu'il distribue comme il lui plaît aux hommes extraordinaires ?
[Mme d'Aiguillon] trouvait-elle des gens de bien inconnus ou négligés, elle leur procurait des emplois selon leurs talents
Toutes les fautes de M. de Vendôme sont oubliées, et c'est un héros : il n'aurait aucun talent s'il était malheureux
J'ai cent mille vertus en louis bien comptés ; Est-il quelque talent que l'argent ne me donne ? C'est ainsi qu'en son coeur ce financier raisonne
La nature, fertile en esprits excellents, Sait entre les auteurs partager les talents
Soyez plutôt maçon, si c'est votre talent
Quoique vous ayez la paix chez vous, vous ne laisserez pas de traiter avec de grands honneurs ceux qui auront le talent de la guerre
D'autres qui placent heureusement et avec succès, dans les négociations les plus délicates, les talents qu'ils ont de bien parler et de bien écrire
de Jean de LA BRUYÈRE dans Disc. de récep.
Il est peut-être aussi rare de connaître son talent que d'en avoir un bien décidé
de D'OLIVET dans Hist. Acad. t. II, p. 243, dans POUGENS
Voici comme je définis le talent : un don que Dieu nous a fait en secret, et que nous révélons sans le savoir
de Charles-Louis de Secondat MONTESQUIEU dans Pens. div. p. 267, dans POUGENS
Un homme à qui il manque un talent se dédommage en le méprisant
On doit se consoler de n'avoir pas les grands talents, comme on se console de n'avoir pas les grandes places : on peut être au-dessus de l'un et de l'autre par le coeur
de VAUVENARGUES. dans Pensées, 68
La vie est courte ; il n'y a pas un moment à perdre à l'âge où je suis ; la vie des talents est encore plus courte
Celui qui n'a qu'un talent peut être un grand génie ; celui qui en a plusieurs est plus aimable
Il y avait à Florence un dominicain nommé Jérôme Savonarole ; c'était un de ces prédicateurs à qui le talent de parler en chaire fait croire qu'ils peuvent gouverner les peuples
Il est à remarquer que, Racine ayant consulté Corneille sur sa tragédie d'Alexandre, Corneille lui conseilla de ne plus faire de tragédies, et lui dit qu'il n'avait aucun talent pour ce genre d'écrire
Il me semble que ceux de nos talents qui demandent de l'exécution, ne vont pas ordinairement jusqu'à soixante ans dans toute leur force
de Charles Pinot, sieur DUCLOS dans Consid. moeurs, 1
Mentir est le talent de ceux qui n'en ont pas
de Marie-Joseph CHÉNIER dans la Calomnie.
Enfouir ses talents, rendre ses talents inutiles ou par modestie, ou par défaut d'habileté, ou par paresse.
Sémantique : Fig. et familièrement. Il n'a pas le talent de vous plaire, se dit par une sorte de reproche à quelqu'un qui a pour un autre une aversion mal motivée.
Je sais qu'elle n'a pas le talent de vous plaire
de A. DUVAL dans Tyran dom. II, 4
Demi-talent, habileté incomplète dans un art, dans les lettres.
L'impossibilité de s'appliquer et le goût de la dissipation ne lui ont permis d'acquérir que des demi-talents en tout genre
Cet amour-propre malheureux qui accompagne les demi-talents
On a dit en ce sens : mi-talent.
Il [le comte de Charolois] a cultivé ce mi-talent en s'enfermant en solitude par incomplaisance et misanthropie
de D'ARGENSON dans Mém. t. II, p. 406
Homme de talent, celui qui a du talent, qui possède un talent.
Homme à talents, celui qui est habile en différents arts.
Les singes sont des gens à talents que nous prenons pour des gens d'esprit
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Morc. choisis, p. 112
Ces dernières presque toutes filles à talents, chez lesquelles on faisait de la musique ou des bals
Dans les corps à talents, nulle distinction ne fait ombrage, si ce n'est celle du talent
de Paul Louis COURIER dans à MM. de l'Acad.
Peintre à talent, celui qui s'applique à quelque genre particulier de peinture, comme à faire le portrait, le paysage, à peindre des tabagies, des batailles, des animaux, etc.
3
La personne même qui possède un talent.
Les talents dénués de fortune aspirent tous à Paris
Le sage n'oublie point que, s'il est un respect extérieur que les talents doivent aux titres, il en est un autre plus réel que les titres doivent aux talents
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Oeuv. t. III, p 69
Jeunes talents qui entrez dans la carrière du théâtre, étudiez la nature, approfondissez l'art
de CAHUSAC dans Danses anc. et mod. III, IV, 7
Sur leurs premiers talents je m'étais modelé
de Casimir DELAVIGNE dans Comédiens, I, 6
Demi-talent, celui qui ne possède qu'un demi-talent.
Pour un homme à talents qui s'élève, dont on est jaloux, et qu'on voudrait perdre, il sort de dessous terre mille demi-talents qu'on accueille pendant deux jours, qu'on précipite ensuite dans un éternel oubli
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lois de Minos, Épît.

HISTORIQUE

1
XIe s.
Fier sunt si hume, n'unt talent [volonté] qu'il li faillent
dans Ch. de Rol. CCXXVI
2
XIIe s.
Talent est num de peis.... li Rumain le peis de treis vint livres e duze, e li altre le peis de siz vinz livres apelent un talent
dans Rois, p. 244
Grant pechez est et grant paine D'amor servir faintement, Si com la fausse gent vaine Qui font semblant sans talent [passion]
dans Couci, IV
3
XIIIe s.
Car de li [elle] honorer a chascuns bon talent
dans Berte, IX
4
XVe s.
Ce vous vient de mauvais talent Nourry en couraige felon
de Charles D'ORLÉANS dans Ball. 43
Il m'est pris talent que je fasse à Pilate une requeste Qui ne sera pas deshonneste
dans la Pass. de N. S. J. C
5
XVIe s.
Ils feront semblant d'estre plus joyeulx que souvent ne seront, et quelquefoys riront lorsque n'en auront talent
Talent, ancien mot, pour volonté

ÉTYMOLOGIE

1
Wallon, dalant, désir, besoin ; provenç. talen, talant, talan, désir, volonté ; espagn. et ital. talento, même sens ; du latin talentum, du grec, sorte de poids, balance. Se rapporte au grec, tollere, racine sanscr. tul, soulever, peser. Le sens étymologique est un poids ; il n'a pas passé dans les langues romanes ; mais de l'idée de poids qui emporte la balance, elles lui ont donné, par une figure remarquable, la signification de volonté, de désir.
Là ne devaient pas s'arrêter les transformations ; au XVIIe siècle, talent perdit le sens de désir, de volonté, et il prit celui de don de la nature, d'aptitude ; c'est, comme on a vu, une métaphore tirée de la parabole de l'Évangile ; métaphore du reste en usage dans les écoles dès les hauts temps, comme M. de Rémusat l'a fait voir par ce passage d'Abélard : Quasi [Deus] indignaretur illa litteralis scientiae talenta, quae utrique nostrum commiserat, ad sui nominis honorem non dispensari
de ABAEL. dans Op. p. 101, éd. COUSIN

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
TALENT. Ajoutez :
2
Il s'est dit pour art, genre.
L'Académie, connaissant la capacité et suffisance du sieur Hyacinthe Rigaud, peintre, par les divers ouvrages qu'il a faits, tant sur les talents de l'histoire que des portraits...
dans Lettres de l'Académie, 2 janv. 1700, dans Mémoires inédits sur l'Académie de peinture, publiés par Dussieux, etc., t. II, p. 133
M. de Troy était doué d'excellentes qualités, aimant son talent, s'en faisant honneur
dans ib. p. 272
L'aîné s'est adonné au même talent que son père [la gravure des médailles]
dans ib. p. 328

Synonymes de TALENT

Termes proches de TALENT

Phonétiquement proche de TALENT