Définition de PLEUR

DÉFINITIONS - REMARQUE - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : pleur

DÉFINITIONS

1
Nature : Au singulier. Écoulement de larmes, le sens propre du latin plorare étant verser abondamment des larmes.
Le pleur m'en vient aux yeux
de JODELLE dans Didon, v.
Princes et rois et la tourbe menue Jetaient maint pleur, poussaient maint et maint cri
de Jean de LA FONTAINE dans Belphég.
Il est peu usité au singulier en ce sens ; ou bien on le dit en plaisantant : jeter un pleur.
2
Nature : Au plur. Larmes.
Quoi ! vous causez sa perte, et n'avez point de pleurs ?
de Pierre CORNEILLE dans Suréna, v, 5
Savante en l'art des pleurs, comme en l'art de mentir
de Jean de LA FONTAINE dans l'Eunuque, I, 1
Vous m'aimez, ma chère enfant, et vous me le dites d'une manière que je ne puis soutenir sans des pleurs en abondance
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 9 févr. 1671
Pour me tirer des pleurs il faut que vous pleuriez
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Art p. III
J'ai vu couler des pleurs qu'il voulait retenir
de Jean RACINE dans Bérén. IV, 2
Il pense voir en pleurs dissiper cet orage
de Jean RACINE dans Andr. v, 1
Je meurs, et sur la tombe où lentement j'arrive, Nul ne viendra verser des pleurs
de Nicolas GILBERT dans Ode imitée de plus. psaumes.
César pleure à l'aspect du buste d'Alexandre ; Pleurs affreux, que de sang vous avez fait répandre !
de Jacques DELILLE dans Imag. VII
Ce roi d'Égypte qui, parvenu au comble du malheur, ne put verser une larme en voyant son fils marcher au supplice, et fondit en pleurs lorsqu'il aperçut un de ses amis chargé de fers tendre la main aux passants
de Auguste Marseille BARTHÉLEMY, dit L'ABBÉ BARTHÉLEMY dans Anach. ch. 71
Rien n'égale en pouvoir les pleurs de la beauté
de Francois LANOUE, dit Lanoue Bras de Fer dans Coquette corr. v, 1
De longs pleurs muets
de Casimir DELAVIGNE dans Fille du Cid, I, 7
Ici c'est ce vieillard que l'ingrate Ionie A vu de mers en mers promener ses malheurs ; Aveugle, il mendiait au prix de son génie Un pain mouillé de pleurs
de Alphonse de LAMARTINE dans Méd. I, 14
Il fixait sur la mer un oeil mouillé de pleurs
de P. LEBRUN dans Ulysse, III, 1
Des pleurs de joie, des pleurs que la joie fait couler.
Le peuple impatient verse des pleurs de joie
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Mérope, v, 8
Sémantique : Fig. Essuyer les pleurs de quelqu'un, le consoler.
Sémantique : Fig. Essuyer ses pleurs, sécher ses pleurs, se consoler.
Sèche tes pleurs, Sabine, ou les cache à ma vue
de Pierre CORNEILLE dans Hor. IV, 7
Sémantique : Par exagération et pour exprimer une profonde affliction. Être baigné, trempé de pleurs, être en pleurs, être tout en pleurs, être noyé de pleurs, noyé dans les pleurs.
Elle vient tout en pleurs vous demander justice
de Pierre CORNEILLE dans Cid, II, 8
Nous avons trouvé tous ses gens en pleurs
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 549
Tandis que dans les pleurs moi seule je me noie
de Jean RACINE dans Bérén. v, 4
Regarde en quel état tu veux que je me montre ; Vois ce visage en pleurs
de Jean RACINE dans Mithr. II, 1
3
Pleurs pris au sens distributif, par opposition au sens collectif.
Britannicus est seul ....Et n'a pour tous plaisirs, seigneur, que quelques pleurs Qui lui font quelquefois oublier ses malheurs
de Jean RACINE dans Brit. I, 3
Voilà les premiers pleurs qui coulent de mes yeux
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Zaïre, v, 8
Que d'échafauds dressés me paieront mes douleurs ! Il faut une victime à chacun de mes pleurs
de LEGOUVÉ dans Épich. et Néron.
Domergue condamne cet emploi de pleurs, disant que pleurs a un sens collectif.
4
Nature : Au singulier. Plaintes, gémissements, lamentations.
Dans ces gouffres [de l'enfer], des feux dévorants, des grincements de dents, un pleur éternel, un feu qui ne s'éteint pas, un ver qui ne meurt pas
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Sermons, Motifs de la joie, 2
Là commencera ce pleur éternel, là ce grincement de dents qui n'aura jamais de fin
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Anne de Gonz.
Combien vivent joyeux qui devaient, soeurs ou frères, Faire un pleur éternel de quelques ombres chères !
de Victor HUGO dans Feuill. d'aut. 6
En ce sens, pleur est usité au singulier, mais seulement dans le style le plus élevé.
Il se dit aussi au pluriel en ce sens.
Voilà la Saint-Pierre aux grands pleurs, son mari aux grands airs de dédain
de Louis de Rouvroy, duc de SAINT-SIMON dans 145, 115
Le ciel dans tous leurs pleurs ne m'entend point nommer
de Jean RACINE dans Brit. IV, 3
Les longs pleurs d'un enfant qui n'est ni lié ni malade, et qu'on ne laisse manquer de rien, ne sont que des pleurs d'habitude et d'obstination
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Ém. I
5
Les pleurs de la vigne, la séve qui s'échappe des jeunes bourgeons.
Les pleurs de vigne sont une extravasation très abondante de la séve
de Charles BONNET dans Lett. div. Oeuv. t. XII, p. 93, dans POUGENS
6
Sémantique : Poétiquement. Les pleurs de l'aurore, la rosée.
7
Pleurs de terre, les eaux de pluie qui coulent, qui filtrent entre les terres ; on dit aujourd'hui eaux de filtration

REMARQUE

1
Régnier a fait pleur du féminin ; c'est une faute que rien n'excuse : Quels sanglots, quels soupirs, quelles nouvelles pleurs Noyent de tes beautés les grâces et les fleurs ? Dial. Chlor. et Phil.

HISTORIQUE

1
XIIe s.
Ses festes tornerent en plor
dans Machabées, I, 1
Mis en iert [sera] li royaumes en larmes et en plors
dans Sax. XXVII
En veilles e en plur e en mult jeüner, Que l'amur al haut rei peüssiez conquester
dans Th. le mart. 81
2
XIIIe s.
[je crois Que lor larmes, lor plor, lor criz, Ou David ment et ses escriz, Seront en joie converti
de RUTEBEUF dans II, 160
3
XIVe s.
Helas ! on ne voit pas quel pleur en son cuer porte Fourques li très vaillant, qui son oncle conforte
dans Girart de Ross. v. 4129
Et pour ce se leva moult grant plour et moult grant cri par toute la cité
de Pierre BERCHEURE dans f° 111
Pleurs ne sont mie deffendus à celluy qui est triste ou entre les tristes
dans Ménagier, I, 9
4
XVe s.
Vestemens de pleurs et de dueil
de LEFEVRE ST-REMY dans Hist. de Charles VI, p. 165, dans LACURNE
S'à nopces vont bailli ou pleur [enterrement]
de Eustache DESCHAMPS dans Poésies mss. f° 294
5
XVIe s.
Si le pleurer pouvoit la tristesse arrester, On devroit, seigneur mien, les larmes acheter ; Et ne se trouveroit rien si cher que le pleur ; Mais les pleurs en effet sont de nulle valeur
de Joachim DU BELLAY dans VI, 17, recto
Laissant le pleur et tristesse à l'auteur
de DES ESSARTZ dans Josephe, traduction, prologue.
Ne se peut tenir de jecter avec un profond souspir trois grosses larmes sans pleur
dans Alector, p. 142, dans LACURNE

ÉTYMOLOGIE

1
Voy. PLEURER ; prov. plor ; espagn. lloro ; port. choro ; ancien ital. ploro. L'ancienne langue avait aussi ploreis pour signifier l'action de beaucoup de gens qui pleurent.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
PLEUR. - REM. Ajoutez : La faute de Régnier faisant pleur du féminin se retrouve dans J. J. Rousseau : Les longues pleurs d'un enfant, Ém. I ; et dans Lamartine : Et de ses pleurs de fils non encore épuisées, Jocelyn, 3e époque. Mais ces exemples n'atténuent en rien la faute.

Synonymes de PLEUR

Termes proches de PLEUR