Définition de TAPIS
Prononciation : ta-pi ; l's ne se prononce pas, même devant une voyelle, dit Chifflet, Gramm. p. 216
DÉFINITIONS
1
Pièce d'étoffe dont on couvre une table, des murs ou un parquet. Un tapis de pourpre, de velours. Tapis de table. Tapis de pied. Tapis de Turquie. Tapis de Perse. Conservation, battage, remise à neuf et pose des tapis.Sur un tapis de Turquie, Le couvert se trouva mis
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. I, 9
On a beau faire tirer le canon des sept tours de Topana pour de prétendues victoires ; la vérité perce à travers la fumée du canon, et vient effrayer Moustapha sur ses tapis de zibeline
M. de Montigni s'occupa d'établir à Aubusson une fabrique de tapis de pied supérieurs aux tapis de Perse et de Turquie, non pour la durée ou la solidité des couleurs, mais pour l'agrément et le bon goût des dessins
de Marie-Jean Antoine Caritat, marquis de CONDORCET dans Montigni.
On me dira peut-être que rien ne prouve que les tapis dont il est question dans Pline, étaient des étoffes à poils, comme les tapis de pied de la Savonnerie
de DESMARETS dans Instit. Mém. scienc. 1806, 2° sem. p. 162
Tapis de haute lisse, tapisserie qu'on tendait sur les murs des appartements, véritables tableaux tissés sur une chaîne de chanvre avec des laines nuancées qui produisent, par la juxtaposition des couleurs, tous les effets et toutes les difficultés de la grande peinture ; les fils de la chaîne sont perpendiculaires, l'ouvrier travaille à l'envers ; la manufacture des Gobelins exécute exclusivement les tapisseries de haute lisse
de Léon de LABORDE dans Émaux, p. 511
Tapis de basse lisse, tapisseries dont on faisait les tentures, les coussins, et généralement tout l'ameublement d'une chambre ou salle de tapisserie ; c'est le même travail que la haute lisse ; seulement les dimensions en étant moins grandes permettent d'étendre horizontalement sur un métier les fils de la chaîne, et l'ouvrier travaille à l'endroit, son modèle devant lui ; la manufacture de Beauvais s'est conservé cette spécialité
de Léon de LABORDE dans ib. p. 511
Les tapis velus, appelez plus tard tapis de Turquie et façon de Turquie, sont formés, de même que le velours, de fils de laine, qui, après s'être noués autour de la chaîne, la dépassent en longues mèches juxtaposées ; ces mèches, coupées également à l'extrémité, offrent à l'oeil l'intérieur et le velu de la laine
de Léon de LABORDE dans ib.
Tapis de muraille ; lorsqu'on cessa de joncher les salles, lorsque les tapis velus, presque tous de Turquie, eurent remplacé les herbes et les feuilles, on appela tapis de murailles les tapisseries à personnages qui les couvraient et qu'il fallait distinguer des autres tapis étendus sur le sol
de Léon de LABORDE dans ib.
2
Tapis d'un bureau.Sémantique : Fig. Mettre une affaire, une question sur le tapis, la proposer pour l'examiner.
Aussitôt que les conseils furent en exercice, la première affaire qu'ils mirent sur le tapis fut le département des provinces
de François de MALHERBE dans Le XXXIIIe liv. de Tite-Live, ch. 25
On a mis sur le tapis d'établir un conseil
Un édit pour légitimer vos mariages [des protestants] a été mis trois fois sur le tapis devant le roi à Versailles : il est vrai qu'il n'a point passé
Amuser le tapis, décider de petites affaires.
Ces petites affaires particulières dont on ne fait qu'amuser le tapis dans les conseils royaux des finances
dans voy. D'ARGENSON, Mém. p. 175, dans POUGENS
Amuser le tapis, signifie aussi entretenir la compagnie de choses vaines.
Noirmoutier veut amuser le tapis, mais je le ferai parler français
de Jean-François Paul de Gondi, cardinal de RETZ dans IV, 294
Beretti conseillait de rendre des réponses plausibles, d'amuser le tapis et de gagner du temps
Amuser le tapis se dit aussi d'actions qui tendent à atermoyer.
Et tout cela pour donner des jalousies, et tenir les confédérés dans l'incertitude, et seulement afin de les empêcher de faire un gros d'armée d'une partie de leurs garnisons, et amuser le tapis
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 266
3
Tapis d'une table de salon.C'est un bruit commun qui court maintenant le tapis de toutes les compagnies....
de NAUDÉ dans Rosecroix, III, 4
Tapis à housse, tapis servant de housse.
Il [la Fontaine] se glissa dans la chambre à coucher de la dame, et se cacha sous une table couverte d'un tapis à housse
de WALKENAER dans Hist. de la Font. p. 7
Sémantique : Fig. Tenir quelqu'un sur le tapis, mettre quelqu'un sur le tapis, s'en entretenir avec détail, soit en bien, soit en mal.
Il faut, à quelque prix et de quelque façon que ce soit, qu'ils satisfassent à leur malice, et que, pour avoir l'applaudissement de ceux qui leur ressemblent, puisqu'ils n'ont rien à dire contre votre vie, ils trouvent en votre prospérité de quoi vous mettre sur le tapis
de François de MALHERBE dans à M. de Luynes, trad. du XXXIIIe liv. de TITE LIVE
Les mauvais moines étaient mis sur le tapis
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Var. 11
Être sur le tapis, se dit aussi d'une personne dont on s'occupe pour quelque affaire.
Il n'est plus question de cette comtesse ; il en a maintenant une autre sur le tapis
de LEGRAND dans Galant coureur, sc. 5
Sémantique : Fig. Être sur le tapis, être l'objet de l'entretien.
Le pauvre Destin, qui avait été si bien sur le tapis
de Paul SCARRON dans Rom. com. I, 5
De l'air dont elle parle en ma propre présence, Dieu sait comme en secret je suis sur le tapis
de BOURSAULT dans Fabl. d'Ésope, II, 3
Mettre sur le tapis, être sur le tapis, se dit aussi d'une affaire, d'une question dont on s'occupe.
On a encore remis sur le tapis le mariage de sa nièce l'aînée [de Mazarin] avec le duc de Mercoeur
Plusieurs visites, où l'on ne manque jamais de mettre sur le tapis une question galante, qui exerce les esprits de l'assemblée
Il y a assez de nouvelles ici sur le tapis pour faire parler le salon
Revenir sur le tapis, se dit d'une chose dont on s'occupe de nouveau.
Je crois.... que je m'en trouverai bien [du bain de vendange pour les mains] ; si je suis trompée, Vichy reviendra sur le tapis
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 21 sept. 1676
4
Tapis vert, ou, simplement, tapis, table de jeu.J'entends ; autour d'un tapis vert, Dans un maudit brelan, ton maître joue et perd
de Jean-François REGNARD dans le Joueur, I, 2
Que l'aube au tapis vert surprend à son retour, Veillant toute la nuit, se plaignant tout le jour
de Jacques DELILLE dans Trois règnes, III
Le tapis brûle, se dit, au jeu, lorsque quelqu'un a oublié de déposer sa mise.
Au vingt et un, le banquier dit : le tapis compte pour dix, quand il donne une carte au lieu de deux à chacun des joueurs qui sont censés alors avoir chacun dix en main.
5
Tapis vert se dit aussi quelquefois du lieu où s'assemblent des administrateurs, etc. On a discuté cette affaire au tapis vert.6
Tapis de billard, le drap vert qui recouvre la table d'un billard.7
Sémantique : Fig. Tapis vert, ou, simplement, tapis, nom donné en horticulture à des étendues couvertes de plantes basses et gazonnantes. Le tapis vert de Versailles.On dit de même : un tapis de verdure, de gazon, de mousse, de fleurs.
Et les pasteurs, couchés sur de riants tapis, Réveillent par leurs chants les échos assoupis
de ROUCHER dans les Mois, II
Que mon bras arrondi t'entoure et te soutienne Sur ces tapis de fleurs
de Alphonse de LAMARTINE dans Méd. II, 24
Vénus se lève à l'horizon ; à mes pieds l'étoile amoureuse De sa lueur mystérieuse Blanchit les tapis de gazon
de Alphonse de LAMARTINE dans Médit. le Soir.
8
Sémantique : Terme de manége. Cheval qui rase le tapis, cheval qui, aux diverses allures, n'élève pas assez les pieds au-dessus du sol.9
Sémantique : Terme d'anatomie. Portion de la choroïde qui n'est pas noire mais brillante, à reflets métalliques changeants selon les incidences de la lumière.10
Se dit des couleurs qu'on fait flotter sur l'eau, pour marbrer le papier.11
Tapis franc, cabaret, auberge où se réunissent les voleurs.12
Tapis de Perse, une coquille bivalve.HISTORIQUE
1
XIIe s.Il fiert Gerart l'espanois au fier vis, De sor son elme qui est à flor de lis ; Li cercles d'or ne li vaut un tapis
dans Raoul de C. 135
Juste un pilier s'asist en la terre entaiez ; N'i fu suz lui tapiz ne oreiller culchiez
dans Th. le mart. 162
2
XIIIe s.Je ne sui pas de ces povres prescheurs ne de ces povres herbiers.... qui portent boites et sachez, et si estendent un tapiz
de RUTEBEUF dans 256
3
XIVe s.Pour douze tappis veluz du païs de Turquie, dont il y en a dix petits et deux moyens
de Léon de LABORDE dans Émaux, p. 513
4
XVe s.Les murs de la ville et les tours estoient pavoisés de tapis mouillés pour resister contre le trait
de Jean FROISSART dans III, IV, 15
À Pasquier Grenier, marchant tapissier, demourant à Tournay, pour plusieurs pieces de tapisserie, ouvrées de fil, de laine et de soye, garnies de toile, franges, cordes et rubans, contenant en tout vij cent aulnes ou environ ; c'est assavoir : six tapis de muraille, pour parer une salle, faiz et ouvrés de l'istoire du roy Assuere
de Léon de LABORDE dans Émaux, p. 512
Un tappis velu blanc, de l'ouvrage d'Espaigne
de Léon de LABORDE dans ib. p. 511
5
XVIe s.Le roi, devenu plus soigneux par son aage et par les defaux essuiez, monstra qu'il n'estoit point seulement capitaine le cul sur la selle, mais aussi sur le tapis
Quand, voyant un homme au-dessous de toutes affaires, nous le disons estre reduit au tapis, maniere de parler que nous empruntasmes des joueurs, lesquels jouans sur un tapis verd, quand ils n'ont plus d'argent devant eux pour mestier mener, ils sont contraints desemparer la table, on les dit estre reduits au tapis verd
Nostre roi Charles, qui avoit tant de debtes, et qui devoit à Dieu et au monde, estoit au tapis et au saffran sans ceste bonne guerre
ÉTYMOLOGIE
1
Provenç. tapit, tapi ; anc. cat. tapis ; espagn. et portug. tapiz ; ital. tappeto ; du lat. tapetem, tapetum, qui vient du grec. Le prov. tapit représente tapetem ; mais le franç. tapis ou tapiz représente le bas-lat. tapecius.SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
1
Tapis de racines, disposition des racines d'un végétal en forme de tapis.[En Bourgogne] on s'aperçoit de l'ancienneté de la culture au tapis de racines ; ainsi les ceps de l'an 904 ont un tapis bien plus épais que les ceps de 1234
de H. DE PARVILLE dans Journ. offic. 11 nov. 1875, p. 9208, 1re col.