Définition de NERF

DÉFINITIONS - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : nèrf, d'après l'Académie, qui dit qu'au singulier l'f se fait sentir ; cependant plusieurs disent nê

DÉFINITIONS

1
Nom donné dans une très ancienne anatomie, et alors que l'on n'avait pas fait la distinction des nerfs proprement dits, aux ligaments et aux tendons ; acception qui s'est conservée dans le langage vulgaire. Un nerf foulé.
Quand l'âge dans mes nerfs a fait couler sa glace
de Pierre CORNEILLE dans Cid, I, 6
C'est pour cette raison que jusqu'aujourd'hui les enfants d'Israël ne mangent point du nerf des bêtes, se souvenant de celui qui fut touché en la cuisse de Jacob
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Genèse, XII, 32
Ils ont été tellement frappés de la frayeur que leur a donnée notre canon, que les nerfs du dos qui servent à se tourner, et ceux qui font remuer les jambes pour s'enfuir, n'ont pu être arrêtés par la volonté d'acquérir de la gloire
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 5 août 1676
Tous les nerfs tendus et les bras entrelacés [de deux lutteurs] comme des serpents, chacun s'efforçant d'enlever de terre son ennemi
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans Tél. V
2
Proprement. Petits filaments qui mettent en communication le cerveau et la moelle épinière avec la circonférence du corps, et qui transmettent les sensations au centre et les volontés à la circonférence (nerfs blancs, ou cérébro-rachidiens, ou de la vie animale), et aussi petits filaments qui partent des ganglions et qui se rendent aux organes de la vie végétative, présidant aux fonctions de ces organes (nerfs gris, ou mous, ou sympathiques, ou végétatifs, ou de la vie organique). Les nerfs de la sensibilité. Les nerfs du mouvement.
Les uns font des nerfs un canal par lequel passe un fluide invisible ; les autres en font un violon dont les cordes sont pincées par un archet qu'on ne voit pas davantage
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Dict. phil. Anatomie.
S'il est un caractère qui paraisse propre à l'homme, c'est d'être pourvu de nerfs
de Charles BONNET dans Contempl. nat. III, 6
La découverte de l'origine des nerfs a conduit à placer l'âme dans le cerveau
de Charles BONNET dans Ess. anal. Ame, ch. 5
Mais comment de ces nerfs le mobile faisceau De notre âme à nos sens, de nos sens à notre âme Va-t-il du sentiment communiquer la flamme ?
de Jacques DELILLE dans Trois règnes, VII
Nerf intercostal, voy. INTERCOSTAL.
Nerf grand sympathique, voy. SYMPATHIQUE.
Avoir mal aux nerfs, éprouver des sensations mal définies, pénibles, qui portent à la tristesse.
Donner sur les nerfs, causer de l'impatience.
Attaque de nerfs, voy. ATTAQUE.
Avoir ses nerfs, avoir des nerfs, être agacé, facile à agacer.
3
Nerf de boeuf, nom vulgaire de la partie épaisse du bord supérieur libre du ligament jaune élastique cervical postérieur du boeuf ou du cheval, desséchée et disposée artificiellement en forme de cylindre ; c'est par suite d'une erreur populaire que cette partie est prise pour le membre génital du boeuf, arraché et desséché. Soutenir avec des nerfs de boeuf les panneaux d'une porte.
Je vais appeler quelqu'un, demander un nerf de boeuf, te faire tenir par trois ou quatre, et te rouer de mille coups
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans D. Juan, IV, 1
Et, si dans la province Il se donnait en tout vingt coups de nerf de boeuf, Mon père pour sa part en emboursait dix-neuf
de Jean RACINE dans Plaid. I, 5
Nerf de boeuf, instrument de supplice dont étaient armés les surveillants de la chiourme dans les galères. Tout nu, las ! en chemise Me faut ramer Nuit et jour sans feintise Sur cette mer ; Du nerf de boeuf sans cesse Battu je suis ; Je n'ai plus de caresse De mes amis, Chanson de 1621, dans JAL.
Il ramera sous le nerf de boeuf dans les galères d'Alger
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Em. IV
4
Sémantique : Terme de relieur. Ficelle qui est sur le dos d'un livre qu'on relie, et qui est recouverte par la peau ou le parchemin. Presser, pincer les nerfs d'un livre.
Cousez sur quatre nerfs ou sur six tout au plus ; Les nerfs multipliés sont au moins superflus
de LESNÉ dans la Reliure, p. 52, 1820
Couture à nerfs fendus ; cette couture est la plus ancienne et la meilleure de toutes ; les deux nerfs se touchent, les nerfs de droite reçoivent un cahier, les nerfs de gauche en reçoivent un autre, et ainsi de suite, et alternativement chaque cahier est cousu sur toute sa longueur et à point arrière, c'est-à-dire que le fil fait un tour sur chaque ficelle ou nerf
de LESNÉ dans ib. p.152
Nerf postiche ou faux nerf, ce qui simule un nerf.
Quand vous aurez taillé, paré vos couvertures, Ajoutez vos faux dos et vos fausses nervures ; Les nerfs étaient cousus au livre anciennement ; Mais, depuis que l'on tient pour un grand agrément Que les livres communs, comme les livres riches, Soient faits à dos brisés, on met des nerfs postiches
de LESNÉ dans ib. p. 68
5
Cordes de différents instruments.
Et bande de tes mains les nerfs de ton rebec
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Sat X
.... Les nerfs brisés de la lyre expirante Sont foulés sous les pieds de la jeune bacchante
de Alphonse de LAMARTINE dans Mort de Socrate
6
Sémantique : Fig. Force, vigueur, comparée à la force que donnent les nerfs ou tendons.
La visite des Églises, qui est le nerf du gouvernement ecclésiastique
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Méd. sur l'Év. la Cène, 70e jour.
Le serment fut toujours le nerf de leur discipline militaire [aux Romains]
de Charles-Louis de Secondat MONTESQUIEU dans Rom. 1
Le tribun se vanta d'avoir coupé les nerfs de l'ordre des sénateurs
de Charles-Louis de Secondat MONTESQUIEU dans Espr. II, 18
Quand un gouvernement n'a plus d'autre nerf que l'argent
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Contr. 5
Son objet principal devait être d'intercepter le commerce de ses ennemis, de leur couper le double nerf qu'ils tiraient de leurs matelots, de leurs capitaux, et de saper ainsi les deux fondements de la grandeur anglaise
de Guillaume Thomas, abbé RAYNAL dans Hist. phil. XVIII, 49
Cicéron, à qui l'on reprochait d'être flatteur et de manquer de nerf, n'était que ce qu'il fallait être pour persuader les Romains
de Jean-François MARMONTEL dans Élém. de litt. t. VI, p. 384, dans POUGENS
Le nerf des affaires, de la guerre, etc., l'argent.
Un bâtiment [que l'on construisait].... manquant du nerf de la guerre
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 26 oct. 1688
J'aurais pour le succès quelque bonne espérance, Si de quelque argent frais nous avions le secours ! C'est le nerf de la guerre ainsi que des amours
de Jean-François REGNARD dans Fol. amour. I, 7
Parce qu'on ne s'égorge qu'à prix d'argent, et que ce nerf de la guerre manque à tous ceux qui la font aujourd'hui
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Lett. au roi de Pr. 11 oct. 1782
De l'or, mon Dieu ! de l'or ; c'est le nerf de l'intrigue
de Pierre Augustin Caron de BEAUMARCHAIS dans Barb. de Sév. I, 6
7
Nerfs, au plur. Se dit quelquefois en architecture pour nervures.
Nerfs d'ogives, corps saillants qui soutiennent les pendentifs.
8
Sémantique : Terme de pêche. Se dit des cordes qui sont attachées au bout de l'épervier, et qui servent à le serrer quand le poisson est pris.
9
Sémantique : Terme de métallurgie. Filaments allongés qui déterminent et annoncent la ténacité et la malléabilité d'un métal.
Le bon fer, c'est-à-dire le fer qui est presque tout nerf, est au moins cinq fois aussi tenace que le fer sans nerf et à gros chaînons
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Hist. min. Introd. Oeuvr. t. VII, p. 66

HISTORIQUE

1
XIe s.
Trestuit si nerf mult lui sont estendant [tous ses nerfs sont distendus par les chevaux qui le mettent en pièces]
dans Ch. de Rol. CCXXI
2
XIIIe s.
Il en porroit venir apostumes, et porroit les niers ferir, dont maint peril aviennent
de ALEBRANT dans f° 41
Et sembloit bien langoreuse et malade vraiement ; car les ners de ladite jambe estoient contrez
dans Miracles St Loys, p. 158
3
XIVe s.
Le nerf est de complecion froide et seiche, très sensible
de Henri DE MONDEVILLE dans f° 9
4
XVIe s.
La poesie d'Antimachus et la peinture de Dionysius sont bien pleines de nerfs et vigueur, mais....
de Jacques AMYOT dans Timol. 47
Puisque la defiance est un des principaux nerfs de la sagesse en temps si dangereux
de Francois LANOUE, dit Lanoue Bras de Fer dans 60
Le principal nerf en ceci est l'exemple et l'authorité du roi
de Francois LANOUE, dit Lanoue Bras de Fer dans 93
Pour y attirer les nerfs [forces] des ennemis
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans Hist. II, 57
Ils ne purent trouver en ce courage nerf qui tendist à estre deserteur de ses amis
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans ib. II, 233
Nerf est icy usurpé largement pour ligament, nerf et tendon
de Ambroise PARÉ dans I, 8

ÉTYMOLOGIE

1
Génev. nierfe, niarfe ; provenç. nervi ; espagn. nervio ; ital. nervo ; du lat. nervus ; en grec, le terme signifie proprement lien, corde, ligament, et, très tardivement, nerf. Comparez anc. haut all. snara, all. mod. Schnur, corde.

Synonymes de NERF