Définition de DESSERVIR

DÉFINITIONS - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : dè-sèr-vir

DÉFINITIONS

1
Avec le sens négatif du préfixe des. Enlever les plats de dessus la table. Desservez la table.
Nature : Absolument.
Lui hors de table, on dessert au plus vite
de Jean de LA FONTAINE dans Orais.
Si tôt que du nectar la troupe est abreuvée, On dessert....
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Lutrin, I
2
Avec le même sens du préfixe des. Rendre un mauvais office à quelqu'un. Il vous a desservi auprès d'un tel.
Un homme tel que moi, Quand il est mécontent, peut desservir le roi
de Pierre CORNEILLE dans Agésil. III, 1
[Il] Met à me desservir ses plaisirs les plus doux
de Jean de ROTROU dans Vencesl. I, 1
Le fourbe trop longtemps a gouverné mon père Et desservi mes feux avec ceux de Valère
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Tart. III, 4
C'est ainsi que le zèle indiscret du peuple a, dans tous les temps, desservi le mérite et perdu l'innocence
de Denis DIDEROT dans Règne de Claude et Néron, I, § 85
Lépine a cru que je le desservais auprès de vous
de Pierre de MARIVAUX dans le Legs, sc. 23
Nature : Absolument.
Ils ne desservent point, mais ils veulent servir à leur mode
de Jean-Louis GUEZ de BALZAC dans 6e disc. s. la cour.
3
Avec le sens de continuité du préfixe des. Faire le service d'une cure, d'une chapelle.
Si j'avais quelque pauvre cure de bonnes gens à desservir
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Ém. IV
Sémantique : Par extension.
Ô île de Sayne, je suis demeurée seule des neuf vierges qui desservaient votre sanctuaire
de François René CHATEAUBRIAND dans Mart. 306
Dans un sens tout à fait général, faire un service. Cette diligence dessert tous les lieux situés dans les environs.
4
Se desservir, Nature : v. réfl. Se rendre de mauvais offices l'un à l'autre. Ces deux hommes qui se font des semblants d'amitié se desservent sous main.

HISTORIQUE

1
XIe s.
[Il] N'a deservit [mérité] que altre bien il ait
dans Ch. de Rol. CCLXXII
2
XIIe s.
Dist Olivers : Bien l'avez deservie [ma colère]
dans Ronc. p. 82
S'onques grans biens dut estre desservis Pour mal avoir, bien doi [je] merci atendre
dans Couci, V
Sire, fait-il, le pape qui m'a enveié ça, Cum avez deservi, par mei vus salua ; Tenez, lisiez les letres k'enveiées vus a
dans Th. le mart. 124
3
XIIIe s.
Et nonporquant, vos avés servi tant moi et lui que, se l'en vos donoit tout l'empire, si l'avés vos plus que deservi
de Geoffroi de VILLEHARDOUIN dans LXXXVII
Ce que n'ai deservi convient que je compere [paye]
dans Berte, XVIII
Bien avez deservi que vous soiez mes drus [mon ami]
dans ib. XXIV
Car qui ainsi le fait, paradis en desert [mérite]
dans ib. XXXIV
Car bien [il] a deservi que pas [nous] ne lui faillons
dans ib.
Ele eüst deservi destruire et lapider [mérité d'être lapidée]
dans ib. XCVII
Or n'i a fors de bien servir, Se ge voil son gré deservir
dans la Rose, 4200
Et quant il faillent lor segneur en tel besoin, il deservent à perdre lor fief
de Philippe de BEAUMANOIR dans 49
Comment que uns autres enport les fruis d'un fief duquel je suis hoirs, je suis tenus à obeir et à deservir [faire le service] le fief pour reson de l'hommage que j'ai fet
de Philippe de BEAUMANOIR dans XII, 12
Une capelerie [chapelle] à deservir perpetuelment
de TAILLIAR dans Recueil, p. 177
4
XIVe s.
Et c'est la derniere et souveraine fin, excepté paradis et la grace, par quoy l'en le desert [mérite]
de Nicolas ORESME dans Eth. 11
Deux serviteurs pour chascune table, qui serviront et desserviront
dans Ménagier, II, 4
5
XVe s.
Sire de Herbannes, retournez à l'Escluse et ne les gardez point longuement ; faites les tous mourir, ils ont bien desservi mort
de Jean FROISSART dans II, II, 231
Il ne les peut avoir de droit, mais il les a bien desservies [gagnées] en autre maniere
de LOUIS XI dans Nouv. XXVII
Et le fait de sa coustrerie [custode, office de sacristain] recommanda à un jeune et gentil clerc, pour la desservir jusqu'à son retour
de LOUIS XI dans ib. XLII
6
XVIe s.
Grand mercy, dis je, monsieur, vous me faictes du bien plus que n'ay deservy envers vous
de François RABELAIS dans Pant. II, 32
Nostre repas deffaict, En desservant les metz à nous submiz
de Clément MAROT dans V, 353
Le serviteur reçoit ce qu'il a desservi [mérité], pource que le maistre est indigné contre lui
de Jean CALVIN dans Instit. 514
Les martyrs par leur mort ont plus deservi de Dieu qu'il ne leur estoit besoin
de Jean CALVIN dans ib. 524
Il lui faschoit fort, qu'après avoir travaillé toute la matinée, il fust desservi, avant se mettre à table
de Bonaventure DESPÉRIERS dans Contes, XX
Que ce n'estoit pas mal employé, que ce meschant Cherronesien fust puni selon qu'il l'avoit deservy [mérité]
de Jacques AMYOT dans Eum. 37

ÉTYMOLOGIE

1
Dès.... préfixe, pour dé.... avec une s de prononciation, et servir ; provenç. desservir, deservir, dessirvir, desirvir. Suivant que le préfixe implique destruction, renversement de l'action, ou renforcement de l'action, desservir signifie ôter ce qui est servi, rendre un mauvais service, ou, comme dans l'ancien français, mériter. Le latin deservire veut dire servir avec zèle et a donné, par extension, l'ancien français deservir au sens de mériter, et le français moderne au sens de faire un service. Quant aux autres sens où le préfixe a une signification négative, ils sont, comme déchanter, un exemple curieux du changement de sens des mots par la force de l'analogie des éléments.

Synonymes de DESSERVIR

Termes proches de DESSERVIR