Définition de COUVER
Prononciation : kou-vé
DÉFINITIONS
1
Se tenir sur les oeufs pour les faire éclore, en parlant des femelles des oiseaux. La poule a couvé tant d'oeufs.J'avais d'abord regardé comme une fable ce que Diodore rapporte de l'industrie des Égyptiens, qui savaient, par une fécondité artificielle, faire éclore des poulets, sans faire couver les oeufs par des poules ; mais tous les voyageurs modernes attestent la vérité de ce fait
Nature : Absolument. Cette poule veut couver.
Elle bâtit un nid, pond, couve et fait éclore, à la hâte ; le tout alla du mieux qu'il put
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. IV, 22
Il [Diphile] retrouve ses oiseaux dans son sommeil : lui-même il est oiseau, il est huppé, il gazouille, il perche, il rêve la nuit qu'il mue ou qu'il couve
de Jean de LA BRUYÈRE dans XIII
2
Sémantique : Fig. Entretenir avec soin et mystère.Ennuyés de couver leur cruelle manie
de François de MALHERBE dans II, 1
Ce fier serpent qui couve un venin sous des fleurs
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Sat. VI
Je vous avoue, ma très aimable chère, que je couve une grande joie, mais elle n'éclatera point que je ne sache votre résolution
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 183
N'est-ce pas sous un beau semblant d'obéissance et de modestie couver la rébellion et la violence dans le sein ?
Vous avez couvé le feu profane dans votre coeur
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Car. Tiédeur, 2
L'ouvrage d'un scélérat qui couvait de mauvais desseins
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans 1er dial.
Je vois sur votre visage cette méditation profonde qui couve les germes du génie et les dispose à la fécondité
Quel que soit le destin que couve l'avenir, Terre [Italie], enveloppe-toi de ton grand souvenir
de Alphonse de LAMARTINE dans Harm. II, 3
Couver des yeux, regarder avec plaisir, avec convoitise.
Lorsqu'il est jaloux de son trésor et qu'il le couve des yeux
de René DESCARTES dans Pass. 169
Telle prenait Goût à le voir et des yeux le couvait [un jouvenceau], Lui souriait, faisait la complaisante
de Jean de LA FONTAINE dans Psaut.
Messire Jean Chouart couvait des yeux son mort, Comme si l'on eût dû lui ravir ce trésor
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. VII, 1
Gaillard corbeau disait en le couvant des yeux [un mouton] : Je ne sais qui fut ta nourrice
de Jean de LA FONTAINE dans ib. II, 16
Préparer, renfermer dans son sein.
Ces grands mouvements Couvent, en leurs fureurs, de piteux changements
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Sat. IV
L'air calme couve une pluie
de René DESCARTES dans Météor. 2
Sémantique : Familièrement. Couver une maladie, porter en soi les germes d'une maladie qu'on craint de voir apparaître.
3
Nature : V. n. Être entretenu sourdement, préparé en silence, sans paraître. Le feu couve sous la cendre.Tant qu'aucun souffle ne l'éveille, L'humble foyer couve et sommeille
de Alphonse de LAMARTINE dans Médit. II, 6
Sémantique : Fig. C'est un feu qui couve sous la cendre, se dit d'une passion, d'une haine prête à se réveiller.
C'est le feu de l'Etna qui couvait sous la cendre
Le feu terrible qui paraissait presque éteint couvait sous la cendre, pour éclater bientôt avec plus de fureur que jamais
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Ém. V
Il faut laisser couver cela, il ne faut le faire qu'après de mûres réflexions.
4
Se couver, Nature : v. réfl. Être en sourde préparation.Ne mettez point d'obstacle aux choses qui se couvent
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Devoirs, 2
Tous les gens un peu pénétrants virent bien qu'il se couvait, au sujet de mon livre et de moi, quelque complot qui ne tarderait pas d'éclater
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Conf. X
HISTORIQUE
1
XIIIe s.Ce sunt cil qui en leur cuer covent leur malice
dans Psautier, f° 37
Chose que li ton cuer covoit
dans Ren. 5720
Une geline oï cover, Qui desoz li avoit douze oes [oeufs]
dans ib. 23388
Tel mal ai dedenz moi cové, Par quoi me covendra finer ; Bien voi ne puis longues durer
dans ib. 8058
Quatre loviax gisent enmi, Et ma dame Hersent la love, Qui ses loviax norrist et cove
dans ib. 361
Car bien est ores esprouvée La traïson qu'avez couvée
dans la Rose, 2954
Com plus couve li feus, plus art
de RUTEBEUF dans 38
2
XIVe s.La très grant traïson qu'il ont longtemps covée Fu en l'ost dessus dit très clairement provée, Complainte sur la bataille de Poitiers
dans Bibl. des Chartes, 3e série, t. II, p. 261
Et ainsi [le feu d'amour] se queuve et engendre, Com li charbons desouz la cendre
de MACHAULT dans p. 85
Et en droite aventure, je vous acertefie, Met-on les oefs couver, on l'a dit mainte fie
dans Guesclin. 4460
3
XVIe s.Je me couve continuellement de mes pensées, et les couche en moy
de Michel de MONTAIGNE dans I, 78
Les tortues et les autruches couvent leurs oeufs de la seuie vue
de Michel de MONTAIGNE dans I, 101
Les accoustrements nous eschauffent de nostre chaleur, laquelle ils sont propres à couver et nourrir
de Michel de MONTAIGNE dans I, 319
Un vieillard se faict tort et aux siens de couver inutilement un grand tas de richesses
de Michel de MONTAIGNE dans II, 76
Il couvoit de longtemps en son coeur le paganisme
de Michel de MONTAIGNE dans III, 83
Que je couve quelque maladie causée d'excès
de Jacques YVER dans p. 582
Cela descouvrit la maladie cachée et secrette, qui de long temps se couvoit en la ville de Rome
de Jacques AMYOT dans Marius, 62
Les plus temeraires se prirent à crier que Crispinus ne couvoit rien de bon en son cueur
de Jacques AMYOT dans Othon, 4
La poule couvante ne les poussins esclos ne peuvent souffrir l'incommodité d'un mauvais logis
de Olivier DE SERRES dans 358
Qui te retient, disoy je, ainsi tard endormie ? Tu ne dois si longtemps en paresse couver ; La femme d'un vieillard matin se doit lever
Elle y peut bien pondre, mais elle n'y couvera pas
de Randle COTGRAVE dans
ÉTYMOLOGIE
1
Berry et normand, couer ; saintong. coûer ; wallon, cover ; génev. gonver ; Franche-Comté, gouver ; provenç. coar ; catal. covar ; ital. covare ; du latin cubare, être couché.