Définition de SIRE

DÉFINITIONS - REMARQUE - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : si-r'

DÉFINITIONS

1
Anciennement, titre donné à tous les seigneurs, soit justiciers, soit féodaux, et à plusieurs autres personnes. Le sire de Joinville a écrit l'histoire de saint Louis.
Le perroquet dit : sire roi, Crois-tu qu'après un tel outrage Je me doive fier à toi ?
Le bon sire [le roi Soliveau] le souffre, et se tient toujours coi
de Jean de LA FONTAINE dans ib. III, 4
Il [le roi] vous l'écrit, c'est beaucoup que d'écrire Pour un roi tel qu'est le roi notre sire
de Jean de LA FONTAINE dans Poésies mêlées, LXXII
Il y avait toujours eu des sires en France, des Herren [seigneurs] en Allemagne
Braque tes lunettes, vieux sire [Jupiter], Sur le front couronné par nous
de Pierre Jean de BÉRANGER dans Bluets.
2
Sémantique : Par antonomase. Titre qu'on donne aux empereurs et aux rois. Chimène : Sire, sire, justice. - D.
Diègue : Ah ! sire, écoutez-nous
Puis en autant de parts le cerf il [le lion] dépeça, Prit pour lui la première en qualité de sire
Le prince d'Orange ne se mêla point aux compliments, parce qu'il n'aurait point eu de sire, ni de Majesté
Un homme comme lui, Bonaparte, soldat, chef d'armée, le premier capitaine du monde, vouloir qu'on l'appelle Majesté ; être Bonaparte, et se faire sire ! il aspire à descendre !
3
Sémantique : Familièrement. Il se dit en parlant d'une personne sur laquelle on s'exprime sans gêne.
Grâces à messieurs les humains, Qui deviennent d'étranges sires
de Paul SCARRON dans Gigant. I
Car chacun sait que vous méprisez l'or ; J'en fais grand cas ; aussi fait sire Pierre, Et sire Paul, enfin toute la terre : Toute la terre a peut-être raison
de Jean de LA FONTAINE dans Poés. mêl. LXXII
Quand l'animal porte-sonnette, Sauvage encore et tout grossier, Avec ses ongles tout d'acier Prend le nez du chasseur, happe le pauvre sire ; Lui de crier, chacun de rire
Sans compter, ronde ou non, la somme plut au sire
Sans être gascon, je puis dire Que je suis un merveilleux sire
de Jean de LA FONTAINE dans Cand.
Un pauvre sire, un homme sans force, sans considération, sans capacité.
Elle [Mme de Montbazon] disait à qui la voulait entendre que le pauvre sire [Beaufort] était impuissant
Certes, dit-il [un rat], mon père était un pauvre sire ; Il n'osait voyager, craintif au dernier point
Il se dit semblablement à une personne à qui l'on parle. Oui, sire, oui, beau sire.
Or çà, sire Grégoire, Que gagnez-vous par an ?

REMARQUE

1
Sire et seigneur étant le même mot, l'un au sujet, l'autre au régime, l'historique les comprend tous les deux.

HISTORIQUE

1
IXe s.
Et Karlus meos sendra [au nominatif]
dans Serment
2
XIe s.
Tu n'es mes hom, ne je ne sui tis sire
dans Ch. de Rol. XX
Sire [il] est par mer de quatre cens dromonz
dans ib. CXVII
[La lance] Dunt nostre sire [Jésus-Christ] fut en la cruiz naffret
dans ib. CLXXIX
E lui aidez e pur seignur tenez
dans ib. XXVI
Seignur barun, de Deu aiez vertut
dans ib. LXXX
3
XIIe s.
Biaux sire Diex, coment porai avoir Vraie merci ?...
dans Couci, XVII
On ne puet pas servir à tant seignour
de ID. dans XXIV
Sire clerz, tout en haut [à haute voix] nous dites la leçon
dans Sax. XX
Qui donc veïst le duc nostre seignor prier Qu'il ait merci de s'ame, com de son chevalier....
dans ib. X
Lai [laisse] saint iglise aveir ses decrez e ses leis ; Ele est espuse Deu, qui est sire des reis
dans Th. le mart. 29
Se nos avons les biens recieuz de la main lo sanior, por coi ne sostenriens nos les malz ?
dans Job, p. 452
4
XIIIe s.
Vous avés dit que vostre sire se merveille moult pour quoi nostre seigneur sont entré en sa terre ne en son reigne
Ha, sire Dieu ! fait-ele, qui es souverain pere
dans Berte, XVIII
Que tout li grand seignor, li comte et li marquis....
dans ib. V
Bien cuidoit estre sires [être heureux], qui veoir la [Berte] pooit
dans ib. CXXXV
Il est assés sire [maître, seigneur] du cors, Qui a le cuer en sa commande
dans la Rose, 2006
Li maris, de drois communs, est sires de ses biens et des biens à se [sa] feme
de Philippe de BEAUMANOIR dans LVII, 2
Et pour ce demoura celle emprise, que les seigneurs terrien ne s'i voudrent accorder que il y alast
Je, Jehane, dame de Fontaines sur Soume, le [la] vente devant dite voeil, gré, otri et conferme comme sires
5
XIVe s.
Messire Jehan Taupin seigneur en loix, clerc et conseiller de la chambre des enquestes
De son païs n'est pas sires qui n'est amez
dans Guesclin. 17846
Es lettres dou roy nostre sire
dans Bibl. des chartes, 4e série, t. III, p. 272
Or est il ainsi que le serf du seigneur d'un hostel, c'est sa possession, il est sien
L'exposant fut conseilliez d'aler à son parastre ou grant sire
6
XVe s.
Mesmement, le comte leur sire ne s'osoit clairement tenir en Flandre
Et chevauchoient [tous les seigneurs] ordonnéement et par connestablies, chacun sire entre ses gens
....La comtesse de Montfort.... quand elle entendit que son sire estoit pris [le comte de Montfort]
Un sire entre commun [un chef du peuple, un démagogue] ne vaut rien, s'il n'est redouté et renommé à la fois de cruauté
Ainsi furent les Anglois de la ville de Caen seigneurs trois jours....
Fut ordonné, pourtant que le pays ne pouvoit longuement demeurer sans seigneur, que.... [Édouard II venait d'être renfermé au château de Bercler]
Le suppliant dist à icellui Martin par doulceur : Beau sire, vous avez tort de prandre noise pour autruy.... alors ledit Martin respondit qu'il n'estoit sire, et qu'il ne savoit se ledit suppliant l'estoit ; laquele parole de sire lui fut à moult grant desplaisance, pour ce que en laditte ville [de Ham] qui appelle ung beau sire, est autant comme de l'appeler coulx [cocu]
Mais qu'uns hons soit bien vestus et forrés... On ly dira : sires, passez avant, Pour son habit. et c'est ce qui me tue
de Eustache DESCHAMPS dans Poésies mss. f° 261
Jamais sire ne se face subjet Mais ses subgez tiengne en subgecion
de Eustache DESCHAMPS dans ib. f° 127
Item qu'en leurs lettres ou escrits [les échevins de Gand] ne se nommeront plus seigneurs de Gand, ains se nommeront ainsi comme ceux des autres villes se nomment
de Enguerrand de MONSTRELET dans t. III, p. 54, dans LACURNE
Seigneurs varletz, quant viendra le roy mon seigneur ? Ma chere dame, disrent les valetz, il viendra tantost
dans Perceforest, t. II, f° 117
Et pour ce dist le saige verité ; car on ne peult servir à deux seigneurs, que l'ung ne se plaingne
dans ib. t. I, f° 122
Je vous meneray veoir vostre grant sire [grandpère] et son frere le roy Perceforest, qui vivent à grand peine par leur meshain et vieillesse
dans ib. f° 141
Sire, dist Lyonnel, qui bon seigneur sert, bon loyer en attent
dans ib.
t. I, f° 106. Le bon seigneur fait la bonne mesgniée, et la bonne mesgniée represente la bonté du seigneur
dans ib.
7
XVIe s.
Si le mur commun chet, tombe ou est en danger de ruine, les seigneurs dudit mur commun seront tenus le refaire à frais communs
dans Coust. gén. t. I, p. 882
Quel appetit ne se rebuteroit à veoir trois cents femmes à sa mercy, comme les a le grand seigneur en son serrail ?
de Michel de MONTAIGNE dans I, 332
Sire, c'est un tiltre qui se donne à la plus eslevée personne de nostre estat, qui est le roy ; et se donne aussi au vulgaire comme aux marchands, et ne touche point ceulx d'entre deux
de Michel de MONTAIGNE dans I, 387
Il demanda qui estoient ces seigneurs ; on lui respondit qu'ils estoient seigneurs vraiement, que c'estoient les bouchers de la ville
Le roy, qui, pour son excellence et prerogative de dignité, est par ses sujets appellé sire, n'a peu empescher que ce mesme tiltre n'ait esté baillé aux simples marchands ; et de là est venu ce gaillard epigramme de Clement Marot, où il appelle deux marchands ses creanciers : sire Michel, sire Bonaventure
Tel seigneur, tel chien
de Randle COTGRAVE dans
Au monde n'a si grand dommage que de seigneur à fol courage
de Randle COTGRAVE dans
Jamais ne gaigne qui plaide à son seigneur
de Randle COTGRAVE dans
On ne doit pas bonne terre pour maulvais seigneur laisser
de Antoine LE ROUX DE LINCY dans Prov. t. II, p. 99
Gringalet et ses associez... arraisonnent maistre Pierre [un apothicaire] (car le mot de sire ne luy estoit encore convenable pour n'estre que garçon et non marié)
de NOËL DUFAIL dans Cont. d'Eutrap. ch. XXIV

ÉTYMOLOGIE

1
Provenç. sire, cyre, senhdre, senher, senhor ; catal. senyor ; espagn. señor ; portug. senhor ; ital. sire, sere, signore. L'étymologie de ce mot est restée longtemps obscure. Aujourd'hui il est établi que sire est le nominatif, et segnor le régime ; que sire est une atténuation de la forme primitive sendra ou sendre, laquelle représente le latin senior avec l'accent sur se ; et que segnor représente seniorem, avec l'accent sur O. Senior, qui signifie plus vieux, est le comparatif de senex (voy. SÉNILE et SÉNAT) ; l'autorité accordée à l'âge a fait passer le sens de vieillard à celui de seigneur.

Synonymes de SIRE