Définition de NOIRCIR

DÉFINITIONS - SYNONYME - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : noir-sir

DÉFINITIONS

1
Nature : V. n. Devenir noir. Ces tableaux noircissent en vieillissant.
Dans ces riches vallons la moisson jaunira, Sur ces coteaux riants la grappe noircira
2
Nature : V. a. Rendre noir. Noircir une muraille. Se noircir les cheveux, les sourcils.
Obscurcir.
Soudain un sombre orage enveloppe les airs, Et, roulant et l'horreur et la nuit sur leurs têtes, Noircit l'onde en courroux de la nuit des tempêtes
En serrurerie, faire chauffer des pièces d'ouvrage et les frotter avec de la corne de boeuf pour les garantir de la rouille.
3
Sémantique : Familièrement. Noircir du papier, écrire.
L'honneur.... Quel est-il ?... L'ambitieux le met souvent à tout brûler.... Ce poëte à noircir d'insipides papiers
4
Sémantique : Fig. Faire naître de sombres idées, attrister.
La vie se passe sans jouir d'une présence si chère ; je ne puis m'accoutumer à cette dureté ; toutes mes pensées et toutes mes rêveries en sont noircies
Vous vous vantez de ne rien faire dans votre cabinet ; il me semble pourtant que vous êtes une substance qui pense beaucoup ; que ce soit du moins d'une couleur à ne vous point noircir l'imagination
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans à Mme de Grignan, 3 juill. 1680
Les sujets de chagrin qui ont noirci votre joie naturelle, et la gaieté et la vivacité de votre belle jeunesse
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans à du Plessis, 20 août 1690
Voilà un des chagrins de l'absence ; c'est qu'elle noircit toutes choses
Mais quoi ! ma goutte est passée, Mes chagrins sont écartés : Pourquoi noircir ma pensée De ces tristes vérités ?
de CHAULIEU dans Sur la goutte.
Ce spectacle tout seul soulève tous les sens, trouble la raison, noircit l'imagination
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Mort.
5
Sémantique : Fig. Rendre noir, faire passer pour méchant, infâme.
Et ce lâche attentat n'est qu'un trait de l'envie Qui s'efforce à noircir une si belle vie
S'il m'a voulu noircir d'un opprobre éternel
de Pierre CORNEILLE dans ib. IV, 2
Si vous pouviez savoir avec quel déplaisir Je vois qu'envers mon frère on tâche à me noircir
Et même selon notre célèbre père Lamy, il est permis aux prêtres et aux religieux de prévenir ceux qui les veulent noircir par des médisances, en les tuant pour les en empêcher
De ce même pinceau dont j'ai noirci les vices....
J'ignore de quel crime on a pu me noircir
Moi, que j'ose opprimer et noircir l'innocence !
De quoi te chargeais-tu ? pourquoi ta bouche impie A-t-elle, en l'accusant, osé noircir sa vie ?
de Jean RACINE dans ib. IV, 5
C'est une mauvaise action de noircir dans l'esprit du prince le dernier de ses sujets
Souvent d'affreux soupçons l'innocent est noirci
de BRIFFAUT dans Ninus, III, 2
Il se dit, dans le même sens, de choses auxquelles on donne une fâcheuse apparence.
.... Ses scrupules, ses relâchements, ses oppositions, en augmentant et noircissant les doses, on en ferait fort bien votre ami le scélérat
On tenta tous les moyens de noircir sa conduite, ce qui n'était pas facile
de MAIRAN dans Éloges, Petit.
C'est moi dont on blâmera la violence, dont on noircira le caractère
6
Se noircir, Nature : v. réfl. Devenir noir. Cela s'est noirci à la fumée.
Un fleuve y serpentait, et ses flots divisés Baignaient, dans cent canaux, les champs fertilisés ; Je le voyais briller à travers les campagnes, Se noircir quelquefois de l'ombre des montagnes
de SAINT-LAMBERT dans Saisons, II
Le temps se noircit, le ciel se noircit, c'est-à-dire le temps devient obscur, le ciel se couvre de nuages.
7
Sémantique : Fig. Se faire tort, se rendre odieux, infâme.
Mais que, sans se noircir, il [Auguste] ne puisse quitter Le fardeau que sa main est lasse de porter
Après l'indigne amour dont son coeur s'est noirci ! Je cherche à m'en venger, c'est tout ce que j'espère
de QUIN. dans Mère coq. IV, 7
Je ne me noircis pas pour le justifier
Se diffamer l'un l'autre.
Les calomnies atroces dont les chrétiens se noircissaient réciproquement

SYNONYME

1
NOIRCIR, DÉNIGRER. Quoique ces deux mots aient le même radical (niger, noir), cependant le sens en est différent : noircir, c'est imputer des actions noires ; dénigrer, c'est détracter. De là résulte que noircir ne peut se dire que des personnes ou de leurs actes, tandis que dénigrer se dit et des personnes et des choses : on dénigre un homme, mais aussi on dénigre un tableau, une oeuvre, etc. Noircir se dit surtout des actions ou des sentiments que l'on attribue à quelqu'un ; et dénigrer, du jugement qu'on en porte : je dénigre un tel, en disant que j'en ai mauvaise opinion, ce qui est mon jugement ; je le noircis, en lui attribuant des actes ou des pensées cruelles, envieuses, etc.

HISTORIQUE

1
XIIe s.
Dunc commença mer à mesler, Undes à creistre, à reverser ; Nercist li ciel, nercist la nue
de WACE dans Vierge Marie, p. 4
2
XIIIe s.
Et sachiez que à sa color [de la grue] poez vos connoistre son aage ; car eles nercissent par vieillesce
Quant l'entent la comtesse, s'a la coulor noircie
dans Ch. d'Ant. I, 906
Et li lerres [le larron] entre en la place, Qui de traïson ot la face Blanche dehors, dedens nercie
dans la Rose, 12208
Moult aura bien de lui merci Sathan et li autre nerci
de RUTEBEUF dans II, 86
3
XVIe s.
Ne sçay lequel de toi ou de ta mere Me rend le plus de tristesse noirci
de Clément MAROT dans III, 295
... Que la colombe en rien ne noircira, Et le corbeau de rien ne blanchira
de ID. dans II, 56
La lune se commencea à obscurcir et noircir
de Jacques AMYOT dans P. Aem. 28
Ils decouvrent tout à coup le rivage noirci de gens de guerre
Il est des nations qui noircissent les dents avecques grand soin, et ont à mespris de les voir blanches
de Michel de MONTAIGNE dans II, 201

ÉTYMOLOGIE

1
Dérivation irrégulière de noir, semblable à celle qui de clair a fait le terme technique claircir ; Hainaut, noirchir. Le wallon neûrî est régulièrement fait, et répond au latin nigrire. Noircir ne peut venir de nigrescere, qui ferait neraître, comme naître, de nascere, paraître, de parescere, etc.

Synonymes de NOIRCIR

Termes proches de NOIRCIR