Définition de MUR, E
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Prononciation : mur, mu-r'
DÉFINITIONS
1
Qui est arrivé au point de se détacher spontanément ou d'être cueilli, en parlant des fruits. Ces pêches ne sont pas mûres.Des raisins, mûrs apparemment Et couverts d'une peau vermeille
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. III, 11
2
Sémantique : Fig. Il se dit des personnes qui ont atteint un certain point de développement.Le seul fait qui me semble douteux, c'est que, dans un climat aussi froid, les femmes soient mûres d'aussi bonne heure
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Suppl. à l'hist. nat. Oeuvres, t. XI, p. 225, dans POUGENS.
Sémantique : Par ironie. Une fille mûre, une fille qui a passé la jeunesse, et qu'il serait grand temps de marier.
Dans un sens analogue. Déjà un peu âgé.
Deux veuves sur son coeur eurent le plus de part, L'une encor verte, et l'autre un peu bien mûre
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. I, 17
Un amant fait et mûr...
de Jean-François REGNARD dans le Joueur, I, 2
Mûr pour le ciel, en langage mystique, se dit d'une personne morte jeune, ou, simplement, dont la vie a été bien remplie.
J'ai vu tendre aux enfants une gorge assurée à la sanglante mort qu'ils voyaient préparée, Et tomber sous le coup d'un trépas glorieux Ces fruits à peine éclos, déjà mûrs pour les cieux
de Jean de ROTROU dans Saint Genest, II, 7
Si les autres affaires ont leur temps particulier, l'affaire du salut est de tous les temps, et tout âge est mûr pour le ciel
de Louis BOURDALOUE dans Pensées, t. I, p. 144
Pleine de bonnes oeuvres, mûre pour le ciel
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Myst. Assomp.
On dit de même : mûr pour l'éternité.
3
Sémantique : Fig. Il se dit des choses qui sont arrivées à un certain point.Ô cité mûre pour ta ruine
Vin mûr, vin qui n'a plus de verdeur et qui est bon à boire.
Cet abcès est mûr, il est près de crever, de percer, ou il est temps de l'ouvrir.
Cet habit est mûr, est bien mûr, il est vieux, usé, facile à déchirer.
Voyez cet homme dont l'habit est un peu mûr, c'est un dîneur en ville
Cette affaire est mûre, il est temps de s'en occuper, de la terminer.
Ce projet n'est pas mûr encore, et je vous en rendrai compte dans quelques mois, si, comme je l'espère, il vient à bien
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Lett. à Voltaire, 4 déc. 1770
4
Âge mûr, âge qui suit la jeunesse.L'âge viril plus mûr inspire un air plus sage
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Art. p. III
Dans un âge plus mûr moi-même parvenu
de Jean RACINE dans Phèdre, I, 1
Homme mûr, esprit mûr, homme, esprit sage, posé, réfléchi.
La raison n'est pas mûre en si verte saison
de Jean de ROTROU dans Antig. IV, 6
La troisième espèce [des dialogues de Platon] est de ceux qui sont propres aux personnes déjà mûres
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans Platon.
La lecture de ses ouvrages [de Hobbes] demande un homme mûr et circonspect ; personne ne marche plus fermement et n'est plus conséquent
Courage mûr, courage éprouvé.
Votre courage mûr en sa verte saison
de François de MALHERBE dans II, 9
Mûre délibération, délibération où tout a été examiné avec beaucoup d'attention.
PROVERBES
1
Exemple : Entre deux vertes une mûre, se dit de quelque chose de bon qu'on trouve entre plusieurs choses mauvaises.2
Il faut attendre à cueillir la poire qu'elle soit mûre, il ne faut point précipiter une affaire.3
La poire est mûre, la poire n'est pas mûre, l'affaire est arrivée, n'est pas arrivée au point précis où il convient de s'en occuper.HISTORIQUE
1
XIIIe s.De foi et de creance enterine et meüre
dans Berte, XLII
Car jà fame.... si ferme cuer n'aura, Ne si loial, ne si meür, Que jà puist estre hom asseür De li tenir par nule paine
dans la Rose, 9937
....Car nous sommes seür De morir ; mais du terme, moi n'autrui n'aseür ; Plus tost meurent li jone souvent que li meür
2
XVe s.D'entre deux meures une verte Vous fault servir pour vos labeurs
de Charles D'ORLÉANS dans Rondeau.
Aussi dit-on que qui ne cuelt [cueille] des vertes, il ne mangera jà des meures
dans le Jouvencel, dans LEROUX DE LINCY, Prov. t. II, p. 493
Et si elle est aultre [libertine], qui avient souvent, pensez qu'il [le mari] a assez à souffrir, et si elle lui en baille de belles, de vertes et de meures
dans Les 15 joyes de mariage, p. 106
3
XVIe s.Mais la mort le ravit en sa jeunesse meure ; à maint homme qui vit, grand regret en demeure
de Clément MAROT dans III, 256
L'empereur tousjours les entretenoit, meslant entre deux vertes une meure, aujourd'hui doute, demain esperance
de Martin DU BELLAY dans 251
Devenu avec le temps plus poisant et plus meur
de Michel de MONTAIGNE dans I, 32
Aprez meure deliberation de conseil
de Michel de MONTAIGNE dans III, 326
ÉTYMOLOGIE
1
Wallon, maweur ; namur, meûr ; Hainaut, meur, fém. meurte, murte ; Berry, meûr, et aussi meux, fém. meuse, des poires meuses ; génev. meur, fém. meure ; bourg. meur, meu ; picard, meur ; provenç. madur ; espagn. maduro ; ital. maturo : du lat. maturus. On lit dans Bèze : " meur ; l'usage s'est introduit de prononcer mur. "SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
1
En physiologie, il se dit d'un ovule prêt à se détacher de l'ovaire.Dans l'élève des vers à soie, il se dit de ceux qui sont prêts à faire le cocon. Ces vers à soie sont mûrs.
2
Ce mot, au commencement du XVIIe siècle, s'écrivait meurs au pluriel ; et Malherbe l'a fait rimer avec moeurs : Nul autre plus que moi n'a fait cas de sa perte, Pour avoir vu ses moeurs, Avec étonnement qu'une saison si verte Portât des fruits si meurs, Lexique, éd. L. Lalanne. Corneille a écrit meur, qu'il a fait rimer avec humeur : Que je vous croyais bien d'un jugement plus meur ! Ne pouviez-vous souffrir de ma mauvaise humeur ? Galerie du Palais, V, 4. Est-ce une rime pour l'oeil, ou effectivement prononçait-on meurs, meur, comme eu dans humeur, humeurs ? En tout cas, Voltaire, dans la Henriade, a encore fait rimer l'Eure avec nature.