Définition de BAYER
Prononciation : ba-ié. Il faut se garder de le confondre avec bâiller, dont il se distingue par l'a bref et par l'ab
DÉFINITIONS
1
Tenir la bouche ouverte en regardant quelque chose.Je voulus aller dans la rue pour bayer comme les autres
Il trouva sous sa main le comte de la Tour parmi une foule d'officiers qui étaient venus bayer là et faire leur cour à M. de Vaudemont
Sémantique : Fig. et familièrement. Bayer aux corneilles, regarder en l'air niaisement.
Allons, vous, vous rêvez, et bayez aux corneilles
2
Sémantique : Fig. Désirer quelque chose avec une grande avidité.Vanité.... Qui baye après un bien qui sottement lui plaît
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Sat. V
Il se conjugue avec l'auxiliaire avoir.
REMARQUE
1
Il serait à désirer que la prononciation de ce verbe fût bé-ier et non ba-ier, tant à cause de l'analogie avec payer et de l'ancienne orthographe et prononciation beer, que pour le distinguer de bâiller. Ces deux verbes en effet ont été souvent confondus, et le sont encore. La Fontaine a dit :C'est l'image de ceux qui bâillent aux chimères
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. II, 13
Le nouveau roi bâille après la finance ; Lui-même y court pour n'être pas trompé
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans ib. VI, 6
HISTORIQUE
1
XIIe s.Mout [je] voi baïe celle gent d'orlenois
dans Ronc. p. 137
Pinabel ont saisi, qui gist goule baée
dans ib. p. 196
Et du douz lieu où mes cuers tent et bée
dans Couci, XVII
N'est pas amours dont on se peut mouvoir, Ne cil amis qui en nule maniere La [l'amour] bée à decevoir
dans ib. XVIII
.... Fins cuers qui bet à haute honeur, Ne se pourroit de tel chose desfendre
dans ib. XXIV
2
XIIIe s.Et que c'est pour noient que rois Flores i bée
dans Berte, LXVIII
[Une ourse] qui vers lui s'en venoit courant gueule baée
dans ib. XLVI
Pour qui ferai mais ne chançon ne chant, Quant je ne bé à nule amour ateindre ?
de ANONYME dans dans Couci.
Qui honeur cace [chasse, poursuit], honeur ataint ; Et ki à peu bée à peu vient
dans Bl. et Jehan, 2
Endementieres que Brun [l'ours] bée, Renart a les coins empoingniez Et à grant peine descoigniez
dans Ren. 10304
Mais qu'il ne puissent aparçoivre Que vous les beés à deçoivre
dans la Rose, 7456
Vers le bouton tant me treoit Mes cuers, que aillors ne beoit
dans ib. 1736
Et quant il sera resaizis, li sires pot propozer contre li ce qu'il bée à demander, en la presence de ses pers
de Philippe de BEAUMANOIR dans 47
Je ne me bée pas à combatre pour vostre querele
de Philippe de BEAUMANOIR dans VI, 16
Or [elle] a quanques demandé a, Or a ce à qu'ele bea, Or a ele sa volonté
de RUTEBEUF dans II, 185
Sire de Joinville, foi que doi vous, je ne bée mie si tost à partir de ci
de Jean, PRINCE DE JOINVILLE dans 304
3
XVe s.Et si tost après diner ils revenoient devant son hostel, et beoient en la rue, jusques à donc qu'il vouloit aller aval la rue
de Jean FROISSART dans I, I, 65
Et quant je voy que creature humaine à repentir n'à bien faire ne bée
de Eustache DESCHAMPS dans Souffr. du peuple.
Et quant ce fut fait, il dit que les Turcs avoyent euxmesmes fait une partie de ce qu'il beoit à faire
dans Bouciq. I, ch. 32
Nous avons beau coucher en raye, L'oreille au vent, la gueule baye
de François de Montcorbier, dit VILLON dans Malle paye et Baillevent.
Elle s'avança de venir beyer et regarder par les crevances des fenestres
de LOUIS XI dans Nouv. c.
4
XVIe s.Ores des dieux les autelz elle adore, Et de presents chacun jour les honore ; Ores beant aux poitrines sanglantes, Regarde au fond des entrailles saillantes
de Joachim DU BELLAY dans IX, 8, recto.
Tu ne verras beer les portes grandes De la maison espouvantable à veoir, Si paravant tu n'as fait ton devoir
de Joachim DU BELLAY dans IX, 41, verso.
Car c'est de là que vient la fine marchandise, Qu'en beant on admire, et que si hault on prise
de Joachim DU BELLAY dans 83, verso.
Aller beant aprez les choses futures
de Michel de MONTAIGNE dans I, 11
Qui ne bée point aprez la faveur des princes
de Michel de MONTAIGNE dans IV, 165
Nous ne voulons pour conseillers et medecins ceux de Lorraine, qui de long-temps béent après notre mort
dans Sat. Mén. p. 177
Il acculoyt ses souliers, baisloyt souvent aux mousches
de François RABELAIS dans Gar. I, 11
Les gentilz hommes de Beauce desjeunent de baisler, et s'en treuvent fort bien
de François RABELAIS dans ib. I, 16
On trouvoit les bestes par les champs, mortes la gueule baye
de François RABELAIS dans Pant. II, 2
Ressemblans aux petits oysellets qui ne peuvent encore voler, et qui baillent toujours attendans la becquée d'autruy et voulans que l'on leur baille ja tout masché et tout prest
ÉTYMOLOGIE
1
Picard, beer et beyer ; Berry, baier et é-bader, ouvrir, élargir ; wallon, bawi ; namurois, bauï, bâiller et bayer ; rouchi, baier, être étonné ; provenç. badar ; ital. badare. Étymologie incertaine. Le bas-breton bada, être dans l'étonnement, est sans doute emprunté au roman. L'ancien irlandais báith, sot, imbécile, et l'ancien haut allemand beitôn, muser, tarder, n'ont pas le sens primitif de bayer, qui est être béant. Diez propose comme conjecture une onomatopée, ba, exprimant l'ouverture de la bouche, avec un suffixe itare : ba-itare.SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
1
BAYER. - ÉTYM. Ajoutez : Saintong. bader, ouvrir la bouche.