Définition de RENVOYER

DÉFINITIONS - REMARQUE - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : ran-vo-ié, quelques-uns prononcent ran-voi-ié

DÉFINITIONS

1
Envoyer de nouveau.
Quelques biens toutefois que le ciel me renvoie, Mon coeur épouvanté se refuse à la joie
de Pierre CORNEILLE dans Nicom. I, 1
2
Faire reporter à quelqu'un une chose qu'il avait envoyée, oubliée, prêtée, etc. On lui avait envoyé un présent, il l'a renvoyé. Je vous renverrai incessamment le livre que vous m'avez prêté. Je vous renvoie votre canne que vous avez oubliée.
Renvoyer des lettres, envoyer à une personne les lettres écrites par elle.
Son premier mouvement fut de lui renvoyer ses lettres
de Antoine HAMILTON dans Gramm. 6
3
Ne pas accepter. Renvoyer un présent.
Il [le philosophe] leur renvoie [à ses lecteurs] tous leurs éloges, qu'il n'a pas cherchés par son travail et par ses veilles
de Jean de LA BRUYÈRE dans I
4
Faire retourner quelqu'un au lieu d'où il était envoyé, d'où il était parti. On a renvoyé le courrier deux heures après son arrivée. Renvoyer une escorte. Renvoyer son équipage.
Que je crains que sa mort, enlevant votre appui, Nous renvoie à l'exil où vous seriez sans lui !
de Pierre CORNEILLE dans Sur. V, 1
Le seul Agamemnon refusant la victoire.... Ne commande les Grecs que pour les renvoyer
de Jean RACINE dans Iph. I, 3
Il le faut à son roi renvoyer sans l'entendre [un ambassadeur]
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Brutus, I, 1
Laissez-le au bout du monde, puisque aussi bien je l'y veux renvoyer
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Hél. VI, 7
Nature : Absolument.
Le livre que j'avais envoyé querir en Angleterre est imparfait ; j'y renvoie, pour avoir ce qui reste
de François de MALHERBE dans Lett. II, 25
5
Repousser, répercuter, réfléchir. Une plaque de cheminée qui renvoie la chaleur dans la chambre. Ce mur, ce joueur renvoie bien la balle.
L'opale étincelante à la perle mêlée Renvoie un jour pompeux vers la voûte étoilée
de Pierre CORNEILLE dans Tois. d'or, II, 3
Les cris que les rochers renvoyaient plus affreux
de Jean RACINE dans Mithr. II, 3
Ce sont les surfaces solides des corps qui nous renvoient les rayons
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Phil. Newt. II, 3
L'or, les pierres précieuses, renvoyaient et multipliaient l'éclat des flambeaux
de François René CHATEAUBRIAND dans les Mart. XX
Sémantique : Fig. et familièrement. Renvoyer la balle à quelqu'un, lui riposter, lui répliquer vivement.
Se renvoyer la balle, se dit de deux personnes qui veulent se décharger l'une sur l'autre de l'embarras d'une affaire, d'un travail, etc.
6
Sémantique : Fig. Reporter à, faire honneur à.
Industrieux à se cacher dans les actions éclatantes, il en renvoyait la gloire au ministre, sans craindre dans le même temps de se charger des refus que l'intérêt de l'État rendait nécessaires
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans le Tellier.
C'était en ces occasions que M. de Turenne, se dépouillant de lui-même, renvoyait toute la gloire à celui à qui seul elle appartient légitimement
de Esprit FLÉCHIER dans Turenne.
Non, non, le temps n'est plus que Néron, jeune encore, Me renvoyait les voeux d'une cour qui l'adore
de Jean RACINE dans Brit. I, 1
Se renvoyer, renvoyer l'un à l'autre. Ils se sont renvoyé les reproches les plus vifs et les injures les plus piquantes.
7
Congédier.
Je renvoie Hermione, et je mets sur son front, Au lieu de ma couronne, un éternel affront
de Jean RACINE dans Andr. III, 7
Le sénat répondit obligeamment à tous ces chefs, et renvoya Apollonius comblé d'honneurs et de présents
de Charles ROLLIN dans Hist. anc. Oeuv. t. VIII, p. 598, dans POUGENS
Ce plaisir si doux au coeur de l'homme, d'en renvoyer un autre content de nous
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Ém. II
Il s'agit de renvoyer son auditoire plus instruit et surtout meilleur, de consoler, d'encourager les uns, de modérer et d'adoucir les autres
de Jean-François MARMONTEL dans Oeuv. t. VI, p. 43
Donner à quelqu'un son congé.
Il est pourtant vrai que vous me renvoyez, Madame ; d'où vient ma disgrâce ?
de Pierre de MARIVAUX dans Fausses confid. III, 10
Cléon : Il [un domestique] est parti, je l'ai renvoyé ce matin. - Valère : Vous l'avez renvoyé : moi, je l'ai pris ; qu'il vienne
de Jean-Baptiste Louis GRESSET dans le Méch. V, 8
La marquise de Pompadour, qui avait fait renvoyer le comte de Maurepas, fit renvoyer de même le garde des sceaux Machaut et le comte d'Argenson
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Hist. parl. LXVII
Le roi ne me regarde [moi, Mme de Maintenon] que comme une personne attachée à Mme de Montespan ; n'a-t-il pas dit : Si elle vous déplaît, renvoyez-la ?
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Mme de Maintenon, t. I, p. 18, dans POUGENS
Redonner à un novice ses habits du monde et le mettre hors du couvent, parce qu'on ne le trouve pas propre à demeurer en religion.
Sémantique : Fig. et familièrement. Renvoyer quelqu'un bien loin, le refuser sèchement.
J'allai lui proposer un tour de promenade, il me renvoya bien loin
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Ém. II
On dit quelquefois absolument, renvoyer, dans le même sens. Je l'ai renvoyé.
8
Adresser une personne à quelqu'un, en quelque lieu, ou à quelque chose, pour qu'elle s'éclaire, apprenne, se règle. Ces chiffres renvoient le lecteur aux notes placées à la fin du volume.
C'est à vous à ordonner, ma chère madame ; car je les renvoie [des fermiers] tous à vos ordres
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans à Mme de Guitaut, 5 févr. 1693
Après avoir considéré la lettre à laquelle vous me renvoyez
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Lett. 219
Vit-on jamais affaiblir la justice en faveur des juges, et livrer la bonne cause à leurs passions, sous prétexte de la renvoyer à leur conscience ?
de Esprit FLÉCHIER dans le Tellier.
C'est là [aux Écritures] que Jésus-Christ les avait souvent renvoyés, comme au témoignage le moins suspect de la vérité de son ministère
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Myst. Passion, 2
Vous direz que l'esprit des femmes est moins propre à réfléchir qu'à saisir ; mais je vous renvoie au traité italien des études des dames et à la liste que M. Ménage a faite des femmes philosophes
de DUMARS. dans Oeuv. t. III, p. 329
J'ai pour moi ma conscience, et vous renvoie à la vôtre
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Confess. IX
Les observateurs de Lusace et celui du Palatinat m'ont pris pour juge de leurs différents ; je les ai tous renvoyés à la nature
de Charles BONNET dans Lett. div. Oeuv. t. XII, p. 167, dans POUGENS
Sémantique : Fig. Renvoyer de Caïphe à Pilate, se dit des personnes qui, ayant à leur disposition une affaire, une grâce, se renvoient l'une à l'autre celui qui sollicite.
9
Faire entrer dans la classe de.
Ce sont ceux que les grands et le vulgaire confondent avec les savants, et que les sages renvoient au pédantisme
de Jean de LA BRUYÈRE dans I
Renvoyer aux mille et une nuits, refuser toute créance.
Il [M. Simon] renvoie aux mille et une nuits la prétendue reine abeille avec son sérail
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Singul. nat. 6
10
Remettre à un autre temps.
Vous êtes imprudent de renvoyer l'affaire de votre salut à un temps que Dieu ne vous a point promis
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Impén. fin.
Si vous renvoyez votre conversion à la mort, vous mourrez dans votre péché
de Jean-Baptiste MASSILLON dans ib.
Sous prétexte de l'absence de quelques personnes on renvoya encore une fois cette affaire
de Charles-Louis de Secondat MONTESQUIEU dans Espr. XXVIII, 18
Nature : Absolument.
Notre prodigue touché ne renvoie pas à l'avenir ; il ne loue pas la vertu dans la vaine espérance d'en suivre un jour les règles saintes
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Enf. prod.
Ne renvoyez pas à un autre temps
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Samarit.
Et comme Archias, ils renvoyèrent au lendemain
de Etienne Bonnot de CONDILLAC dans Hist. anc. II, 8
Renvoyer aux calendes grecques, voy. CALENDES.
11
Reconnaître comme étant du domaine de, de la compétence de.
Le naturaliste, en traitant des minéraux, doit se borner aux objets que lui présente la nature, et renvoyer aux artistes tout ce que l'art a produit
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Min. t. I, p. 61
Ne trouver bon que pour.
On renvoie les gémissements aux commençants
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Nouv. myst. 9
12
Renvoyer une pétition, une proposition, etc. l'adresser à ceux qui doivent l'examiner, y faire droit, ou en rendre compte. La chambre a renvoyé la pétition au ministre de la guerre.
13
Sémantique : Terme de jurisprudence. Ordonner qu'une partie se pourvoira ou qu'un accusé sera traduit devant tel ou tel juge. La chambre d'accusation l'a renvoyé devant les assises.
Quand Tullus Hostilius renvoya le jugement d'Horace au peuple, il eut des raisons particulières que l'on trouve dans Denys d'Halicarnasse
de Charles-Louis de Secondat MONTESQUIEU dans Esp. XI, 12
Le parlement renvoya l'affaire [de Lalli] au Châtelet en première instance ; et, bientôt après, des lettres patentes du roi renvoyèrent à la grand' chambre et à la Tournelle la connaissance de tous les délits commis dans l'Inde
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Pol. et lég. Fragm. hist. sur l'Inde, 18
Renvoyer un accusé, le renvoyer absous, quitte et absous, le renvoyer d'accusation, le décharger de l'accusation portée contre lui.
On dit de même : Il a été renvoyé de la plainte.
Renvoyer les parties à se pourvoir, se déclarer incompétent.
Renvoyer un plaideur de sa demande, la lui refuser par jugement.
Renvoyer deux plaideurs dos à dos, les débouter l'un et l'autre de leur prétention.
14
Sémantique : Terme de marine. Renvoyer de bord, se dit quelquefois au lieu de virer de bord, vent devant.

REMARQUE

1
J. J. Rousseau a dit renvoyer pour dans le sens de remettre à ; cela n'est pas correct : Je n'ai pas écrit la moitié de ce que j'avais à écrire ; la moitié de la relation et le reste sera renvoyé pour lundi prochain, à Mme de Warens, 23 oct. 1737.

HISTORIQUE

1
XIIe s.
Mais unc n'en vout [voulut] li dus [le duc] rien prendre [de présents] ; Ainz les li renveia ariere
de Benoît de Sainte-Maure dans II, 10784
Il departi ses os [son armée] ; s'en renvoie sa gent
dans Sax. XI
2
XIIIe s.
[Que] Dame Diex par sa grace lui renvoit bon eür
dans Berte, XLI
3
XIVe s.
Mais gardés le dansel tant que li quens [le comte] sara Revenus en sa terre ; et quant il revenra, Renvoiés lui sa soer, si le justiciera Tout à sa volenté
dans Baud. de Seb. X, 1013
4
XVIe s.
Les Lacedaemoniens le regretterent fort quand il s'en fut allé, et le renvoyerent querir par plusieurs fois
de Jacques AMYOT dans Lyc. 7
Ilz le convoyerent tous jusques en sa maison ; Lycurgus en les remerciant les renvoya
de Jacques AMYOT dans ib. 16
Et depuis Lucullus y renvoya encore un autre de ses lieutenants, Adrianus, avec une bonne troupe
de Jacques AMYOT dans Lucul. 30
Laditte chastellenie a esté renvoyée en la main du roi
dans Coust. gén. t. I, p. 311
De la teste, nous convions, nous renvoyons, advouons, desadvouons....
de Michel de MONTAIGNE dans II, 159

ÉTYMOLOGIE

1
Re..., et envoyer.

Synonymes de RENVOYER

Termes proches de RENVOYER