Définition de JARGON

DÉFINITIONS - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : jar-gon

DÉFINITIONS

1
Langage corrompu.
Tout ce que vous prêchez est, je crois, bel et bon ; Mais je ne saurais, moi, parler votre jargon
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans F. sav. II, 6
L'impudente ! appeler un jargon le langage Fondé sur la raison et sur le bel usage !
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans ib.
Vingt jargons barbares succèdent à cette belle langue latine qu'on parlait du fond de l'Illyrie au mont Atlas
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Moeurs, 12
Il se dit quelquefois, avec une épithète, en un sens favorable.
Vous avez l'art d'endormir ma douleur Au doux jargon de muse marotique
de CHAUL. dans à Mme de Lassay.
Langage altéré que les auteurs comiques mettent dans la bouche des villageois, ou des étrangers tels que Anglais, Suisses et Allemands.
Ton jargon allemand est superflu, te dis-je
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans l'Ét. V, 7
2
Abusivement, une langue étrangère qu'on n'entend pas. Je ne sais quelle langue parlent ces gens-là, je n'entends pas leur jargon.
Sémantique : Fig.
Le langage d'amour était jargon pour elle
de Jean de LA FONTAINE dans Coupe.
3
Langage particulier que certaines gens adoptent.
Comme si, par devers l'Inde, on eût eu dans l'esprit La sotte vanité de ce jargon frivole [le blason] !
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. X, 16
Avec ce jargon un homme se croit grand philosophe, et méprise le vulgaire
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans Dial. des morts anc. Platon, Aristote.
Il n'a manqué à Molière que d'éviter le jargon et le barbarisme, et d'écrire purement
de Jean de LA BRUYÈRE dans I
Tessé avait le jargon des femmes, assez celui du courtisan
de Louis de Rouvroy, duc de SAINT-SIMON dans 116, 11
Elle n'avait, à le bien prendre, pour se faire valoir dans la conversation, que ce qu'on peut appeler le jargon du monde
de Pierre de MARIVAUX dans Paysan parv. 6e part.
Chaque science, chaque étude a son jargon inintelligible, qui semble n'être inventé que pour en défendre les approches
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Ess. poés. épiq. ch. I
Il n'y avait pas jusqu'aux gueux qui n'eussent leurs confréries, leurs mystères, leur jargon particulier dont j'ai vu un petit dictionnaire imprimé au seizième siècle
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Dict. phil. Initiation.
Molière, qui n'entendait rien au jargon de la chasse, pria le comte de Soyecourt lui-même de lui indiquer les termes dont il devait se servir
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Vie de Molière.
Et prenant plutôt le jargon des livres que la connaissance de leur contenu
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Conf. V
Nature : Absolument. Le jargon, langage de convention dans un certain monde, dans certaines coteries.
Il faut, dans le commerce des dames, de l'esprit ou du jargon qui en ait l'apparence
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Dict. phil. Esprit.
4
Langage à double entente.
La reine qui entendit le jargon du cardinal
de Jean-François Paul de Gondi, cardinal de RETZ dans Récit des barricades.
Jargon s'est pris dans le sens de langage de convention dont on se sert pour correspondre avec un ambassadeur, Mém. pour le card. de Richelieu, Cologne, 1667, p. 310 (dans cet écrit, on voit que jardin signifiait Rome).

HISTORIQUE

1
XIIIe s.
Lors tuit [tous] diseient en lor jargun Que cil oisax qui si canteit...
de MARIE dans Fable 22
2
XVe s.
Il n'y a ne beste n'oyseau Qu'en son jargon ne chante et crie ; Le tems a laissié son manteau De vent, de froidure et de pluye
de Charles D'ORLÉANS dans Rondeau
.... Il court un gergon Que humains auront redemption, L'incarnation et nativité de nostre saulveur et redempteur Jesuchrist
dans in-folio, sans lieu ni date, fol. XLIIII, verso
Venez y d'amont et d'aval, Les hoirs du defunt Pathelin, Qui savez jargon jobelin [de maquignon]
de François de Montcorbier, dit VILLON dans Repues franches.
3
XVIe s.
Les chefs firent une harangue au roi en leur gergon, ayant chacun leur interprete
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans Hist. I, 205
Ils prirent le jargon de la cour
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans ib. II, 270
Tous artisans ont chacun un jargon à part
de Ambroise PARÉ dans Introd. 22
Le jargon prophetique
de Michel de MONTAIGNE dans I, 47
Pourquoi n'aura il [des Autels qui voulait qu'on prononcât plusieurs lettres qui ne se prononcent pas] avec ses savants un jargon propre, vu que les cagnardiers s'en forgent bien un à leur poste ?
de MEIGRET dans dans LIVET, la Gramm. franç. p. 120

ÉTYMOLOGIE

1
Picard, gergon ; espagn. xerga ; anc espagn. girgonz, et aujourd'hui gerigonza ; provençal moderne, gergonz. Il se présente plusieurs opinions sur l'étymologie, sans rien de décisif : 1° le radical roman garg, qui est dans garg-ouiller, dans garg-ata, etc. ; 2° le scandinave jarg, bavardage ; 3° le jars, vu qu'on dit : le jars jargonne, pour exprimer le cri de cet oiseau. Il est difficile de choisir entre ces opinions ; cependant la troisième est la plus vraisemblable. Diez pense que le mot est d'origine française, et que de là il a passé dans les autres langues romanes. En tout cas le mot est ancien ; on en a un exemple dès le XIIIe siècle.

Synonymes de JARGON

Termes proches de JARGON