Définition de RUER

DÉFINITIONS - REMARQUE - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : ru-é

DÉFINITIONS

1
Jeter avec impétuosité (sens qui a vieilli).
Elle sauva le ciel et rua le tonnerre Dont Briare mourut
de François de MALHERBE dans II, 12
Ah ! je devais du moins lui jeter son chapeau, Lui ruer quelque pierre, ou crotter son manteau
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Sgan. 16
2
Ruer de grands coups, frapper de grands coups (locution qui a vieilli).
3
Nature : V. n. Lancer une pierre. Il gage qu'il ruera plus loin que vous (emploi vieilli).
Ruer à tort et à travers, frapper de tous côtés dans une foule.
4
Se dit d'un cheval, d'un mulet, etc. qui lance avec force les pieds de derrière en l'air. Il suffit de relever fortement la tête de l'animal pour l'empêcher de ruer.
L'archevêque a de grandes pensées ; mais plus il est vif, plus il faut s'approcher de lui comme des chevaux qui ruent
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 19 janv. 1689
M. Durnol s'emporta, il donna un grand coup de pied à l'enfant, qui lui dit en pleurant : ah ! je conviens que l'âne de Balaam parlait, mais il ne ruait pas
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Mél. litt. Lettre de Cubstorf.
Sémantique : Par extension.
Les Hollandais racontent que le casoar se sert de ses pieds pour sa défense, ruant et frappant par derrière comme un cheval selon les uns, et selon les autres....
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Ois. t. II, p. 316
Ruer à la botte, se dit de la défense du cheval qui cherche, avec l'un de ses pieds postérieurs, à frapper la jambe du cavalier au moment où il la ferme, ou lorsqu'il monte à cheval.
Ruer en vache, se dit d'un cheval qui porte le pied de derrière jusqu'à la jambe de devant, et en frappe, comme font les vaches, la personne occupée à cette jambe de devant.
Sémantique : Fig. Voilà une chose qui ne mord ni ne rue, se dit d'une chose qui ne peut faire ni bien ni mal.
5
Se ruer, Nature : v. réfl. Se jeter impétueusement sur quelqu'un ou sur quelque chose.
Cependant on fricasse, on se rue en cuisine
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. IV, 4
Le loup, prêt à se ruer sur la bergerie, voit les bergers armés et les chiens en garde ; tout affamé qu'il est, il se retire pour cette fois
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans 1er sermon, Pentecôte, 2
Et, chacun vainement se ruant entre deux
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Sat. III
Roguet avec sa colonne se rua brusquement sur le centre et au milieu de leur camp, où il entra pêle-mêle avec eux
de Philippe de SÉGUR dans Hist. de Nap. X, 5
Gomorrhe, Sodome.... L'ardente nuée Sur vous s'est ruée, ô peuples pervers
de Victor HUGO dans Orientales, 1
6
Sémantique : Fig. Être porté, frappé, en parlant de coups.
Tous les matins, il [Monseigneur] allait prendre du chocolat chez Mlle de Lislebonne ; là se ruaient les bons coups
de Louis de Rouvroy, duc de SAINT-SIMON dans 96, 15
Apparemment que les grands coups s'y ruaient [chez Mme de Maintenon] pour le successeur [de Chamillart]
de Louis de Rouvroy, duc de SAINT-SIMON dans 235, 136

REMARQUE

1
M. Auguste Barbier a fait ruer monosyllabe : Que faisaient-ils, tandis qu'à travers la mitraille Et sous le sabre détesté La grande populace et la sainte canaille Se ruaient à l'immortalité ? Ïambes, la Curée.

HISTORIQUE

1
XIIe s.
Pois [puis] ruerent Absalon en une grant fosse de cele lande, et jeterent pierres sur lui
dans Rois, p. 187
2
XIIIe s.
Et li prevoz de Paris fait jurer iceus quatre homes seur sains, que.... se il i trevent poisson porri ou mauvès, que il le feront ruer en Saine
dans Liv. des mét. 267
Tant en i vient parmi la rue, Qui n'i puet avenir s'i rue
dans Ren. 11622
Et li vilains qui vint après, Leva la hache quant vint près ; Son coup rua de grant aïr [colère]
dans ib. 2073
3
XIVe s.
Et si ne dois nul temps ruer De ta bouche male parole
de J. BRUYANT dans dans Ménagier, t. II, p. 16
4
XVe s.
Si y avoit souvent des rencontres, des escarmouches et des rués par terre des uns et des autres....
de Jean FROISSART dans I, I, 114
Encores, quant à mariage, Tendroie cellui à plus saige Qui la laide femme prendroit, Que cil qui la belle tendroit ; Car à la belle chascuns rue
de Eustache DESCHAMPS dans Poés. mss. f° 501
Mais grans chevaulx s'arreste et va le pas, Quant il est fait, sanz ruer en tout cas
de Eustache DESCHAMPS dans Ball. des chevaux.
Qui ne luy pouvoit donner luy ruoit [parlant de quelqu'un à qui tout le monde fait amitié]
dans Aresta amorum, p. 335, dans LACURNE
5
XVIe s.
Il ferroyt les cigalles, se ruoyt très bien en cuysine
de François RABELAIS dans Garg. I, 11
Je mors, je rue, je frappe
de François RABELAIS dans ib. I, 33
Ilz se ruerent sur eulx, et tascherent à leur oster leur argent
de Jacques AMYOT dans Rom. 36
Les lions, sans aucunes armes, ne faignent point de s'aller ruer au milieu d'un troupeau de bestes timides
de Jacques AMYOT dans Caton, 27
Les chevaux irritez et courroucez ruoient des pieds de derriere
de Jacques AMYOT dans Eum. 22
Pour nous garantir du coup qu'on nous rue
de Michel de MONTAIGNE dans I, 48
Quand je seray venu à ceste proposition et qu'il faudra ruer les grands coups de part et d'autre
de Henri ESTIENNE dans Précell. édit. FEUGÈRE, p. 38
Encores n'a pas failli qui a à ruer
de Randle COTGRAVE dans

ÉTYMOLOGIE

1
Berry, roucher ; du lat. ruere, pousser, lancer, pour srovo, du rad. sanscr. sru, couler : c'est faire couler, faire aller, Curtius, n° 517.

Synonymes de RUER