Définition de MIRER
Prononciation : mi-ré
DÉFINITIONS
1
Regarder attentivement (peu usité en ce sens).Plus je regarde et mire ta personne
de Jean de LA FONTAINE dans Lun.
Mirer des oeufs, les regarder, en les plaçant entre son oeil et le jour, pour s'assurer qu'ils sont frais.
Mirer un drap, regarder à contre-jour une pièce de drap déployée, pour en apercevoir les défauts.
2
Regarder comme dans un miroir.Vous aimez madame et ses yeux noirs, Vous y venez mirer les vôtres tous les soirs
de Victor HUGO dans Hernani, I, 2
3
Mettre l'objet que l'on veut atteindre avec une arme à feu, sur la même ligne que la pointe de l'arme. Mirer une pièce de gibier.Toute chose prend fin, et rien n'en est exempt ; Possible que la mort nous mire en devisant
de GARNIER dans Cornélie, II
Nature : Absolument. Il mira longtemps, et cassa la poupée.
Un énorme boulet, qu'on lance avec fracas, Doit mirer un peu haut pour arriver plus bas
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Tactique.
Sémantique : Fig. Mirer une place, un emploi, y aspirer, y viser.
4
Nature : V. n. On dit que des diamants et autres pierres mirent, quand elles ont peu d'angles ou de facettes et que la surface en rappelle celle d'un miroir.5
Se mirer, Nature : v. réfl. Se regarder dans un miroir ou dans quelque autre chose qui renvoie l'image des objets qu'on lui présente.Ses yeux, qui demi-morts dans les miens se mirèrent, Bien mieux que ses discours de sa foi m'assurèrent
de RACAN dans Berger. I, 3
Dans le cristal d'une fontaine Un cerf se mirant autrefois Louait la beauté de son bois
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. VI, 9
Le soir retient ici son haleine expirante, De crainte de ternir la glace transparente Où se mire le firmament
de Alphonse de LAMARTINE dans Harm. I, 10
.... dans les eaux où le cygne se mire
de Alfred DE MUSSET dans Nuit de mai.
Sémantique : Par exagération. On se mirerait dans ce parquet, c'est-à-dire il est fort uni et fort luisant.
On se mire dans cette vaisselle, c'est-à-dire elle est très nette et très claire.
Tout passa par ses mains [de la propreté], et le vin et la glace, Et les carafes de cristal ; On s'y serait miré....
de Jean de LA FONTAINE dans Tabl.
Sémantique : Terme de marine. On dit que la terre se mire pour exprimer que les vapeurs font paraître les terres comme si elles étaient élevées sur de bas nuages.
6
Sémantique : Fig. Se voir, se reconnaître.Trouvez-vous bien noble et bien juste de se faire un mérite de dégrader ce beau gouvernement ? n'est-ce pas l'intérêt commun des grands seigneurs, des grands gouverneurs ? ne doivent-ils point se mirer dans cet exemple [de M. de Chaulnes] ?
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 6 nov. 1689
Je vous laisse digérer ces réflexions, et je vous prie tous deux [M. et Mme de Grignan] de vous mirer, et de voir si vous êtes de la vieille cour [bons à reléguer]
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 13 mars 1680
Se complaire. Se mirer dans son ouvrage.
Tes fils se mireront en si belles dépouilles
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Ép. I
Le moindre rayon de beauté que l'âme y aperçoit [dans le corps] suffit pour l'arrêter ; elle se mire pour ainsi parler, et se considère dans ce corps
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans la Vallière.
On se fait une idole de son esprit : on se mire dans ses pensées
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans t. XVIII, p. 36
Qu'il se mirait sans cesse dans son opulence, et croyait qu'un millionnaire était le premier homme du monde
de SAURIN dans Moeurs du temps, sc. 1
Un paon se mire dans sa queue, se dit d'un glorieux qui fait vanité de sa bonne mine ou de quelque autre avantage qu'il croit avoir.
On dit dans le même sens : se mirer dans ses plumes.
SYNONYME
1
MIRER, VISER. Mirer, c'est tourner la mire vers ; viser, c'est tourner le vis, le visage. Ces deux mots, quand il s'agit de pointer une arme à feu, sont synonymes ; seulement, aujourd'hui, viser est plus usité que mirer.HISTORIQUE
1
XIIe s.Li duz Miles se pasme, qui en la mort se mire
dans Sax. X
Mais se vos ieuz où l'on se puet [peut] mirer....
dans Couci, II
2
XIIIe s.Tant ert [elle était] blanche et vermeille qu'on s'i peüst mirer
dans Berte, III
C'est le mireoirs perilleus, Où Narcissus li orguilleus Mira sa face et ses yex vers, Dont il jut puis mors tout envers
dans la Rose, 1581
3
XVe s.Et à brief dire, tant donne bon exemple de devotion à ceulx qui le voyent, que grands et petits s'y mirent
dans Boucic. IV, 3
4
XVIe s.Tel se mire qui n'est pas beau, et tel se baigne qui n'est pas net
Et comme les gens de guerre qui s'avouoient à lui se miroient à [imitaient] ses inconstances
....Que les canoniers ne se lassent de tirer incessamment, sans bracquer ny mirer, mais seulement à coups perdus et en ruyne
de Vincent CARLOIX dans V, 25
C'est pourquoi je suis miré et recogneu par dessus ceux de ma vocation, et respecté par ceux mesmes qui ne me cognoissent
de Ambroise PARÉ dans au lecteur.
Son arc n'est plus faultier, sa fleche est advisée, Qui mire droict au coeur sans y prendre visée
de Pierre de RONSARD dans 213
Nature nous a touts figurez de mesme paste, à fin que chascun se peust mirer et quasi recognoistre l'un dans l'autre
de Étienne de LA BOÉTIE dans Serv. volont.
Dame qui trop se mire peu file
de Randle COTGRAVE dans
Qui bien se mire, bien se void ; qui bien se void, bien se cognoist ; qui bien se cognoist, peu se prise ; qui peu se prise, Dieu l'avise
de ID. dans
ÉTYMOLOGIE
1
Berry, mirer, comparer ; wallon, se murer ; génev. et norm. mirer, viser : il mire une riche veuve ; provenç. et espagn. mirar ; ital. mirare ; du lat. mirari, dont le sens est admirer. Le sens de contempler, sinon d'admirer, se trouve dans les anciens textes, par une atténuation du sens étymologique. Cette atténuation a conduit facilement au sens de regarder dans un miroir, de viser.