Définition de ENVIER
Prononciation : an-vi-é
DÉFINITIONS
1
Éprouver envers quelqu'un le sentiment de l'envie.Ils envient tous ceux à qui l'on donne
de Jean de LA BRUYÈRE dans VIII
Je n'envierai personne, et personne ne m'enviera
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Memnon.
2
Éprouver pour quelque chose le sentiment de l'envie.Ce qui rendit sa faveur plus singulière, c'est qu'elle ne fut ni enviée ni traversée et que personne n'en fut victime
Envier quelque chose à quelqu'un, désirer posséder ce qu'il possède.
Si la fortune qui me fait vaincre partout m'accompagne encore auprès de vous, je n'envierai pas à Alexandre toutes ses conquêtes
de Vincent VOITURE dans Lett. 7
Moi qui en toute autre occasion me réjouis de vos avantages plus que des miens propres, et qui ne vous envie pas votre esprit, votre science, ni votre réputation, je vous porte envie d'avoir été huit jours avec M. de Balzac
de Vincent VOITURE dans ib. 125
Je ne viens point ici par de jalouses larmes Vous envier un coeur qui se rend à vos charmes
de Jean RACINE dans Andr. III, 4
Il se dit aussi des personnes qu'on désire posséder.
Quand un homme a mérité d'être envié à son parti par ceux qui le combattaient, il a touché à la véritable gloire
de A. CARREL dans Oeuvres, t. IV, p. 289
3
Souhaiter, sans être envieux, ce que quelqu'un possède. Envier la haute fortune de quelqu'un.Et ce sont ces plaisirs et ces pleurs que j'envie
de Jean RACINE dans Brit. II, 3
Allons, n'envions plus son indigne conquête
de Jean RACINE dans Andr. II, 1
Dans mon triomphe heureux j'envierai peu les siens
Il se dit aussi pour désirer. Voilà le poste que j'envierais le plus.
4
Ne pas accorder, refuser.Ah ! destins ennemis Qui m'enviez le bien que je m'étais promis
de Pierre CORNEILLE dans Rodog. v, 4
M'envierez-vous l'honneur de mourir à vos yeux ?
de Pierre CORNEILLE dans Nicom. I, 1
De votre lieutenant m'envieriez-vous le nom ?
de Pierre CORNEILLE dans Sertor. III, 2
Bonté qui a donné l'être aux plus nobles, et ne l'a pas voulu envier aux moindres
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Nécess. 1
Soit que son coeur jaloux d'une austère fierté Enviât à nos yeux sa naissante beauté
de Jean RACINE dans Brit. II, 2
Pourquoi m'enviez-vous l'air que vous respirez ?
de Jean RACINE dans Bérén. IV, 5
Si ta haine m'envie un supplice si doux
de Jean RACINE dans Phèd. II, 5
Dans un sens latin. Le ciel nous a envié ce grand homme, c'est-à-dire ce grand homme est mort.
5
S'envier, Nature : v. réfl. Se porter envie l'un à l'autre. Ces deux hommes s'envient et se font le plus de mal qu'ils peuvent.REMARQUE
1
Des grammairiens ont prétendu qu'on ne disait pas correctement envier quelqu'un, mais envier quelque chose, et qu'au lieu d'envier quelqu'un, il fallait dire porter envie à quelqu'un. Cette décision est contredite par la Bruyère, Fontenelle, Voltaire, et avant eux par Montaigne, qui, avec envier, ont mis les personnes au régime direct. On ne voit d'ailleurs aucune raison pour laquelle ce régime ne devrait pas être employé.HISTORIQUE
1
XVIe s.J'envie ceulx qui sçavent s'apprivoiser au moindre de leurs serviteurs
de Michel de MONTAIGNE dans III, 278
Il avoit escript beaucoup d'autres vies, que l'injure du temps nous a enviées
de Jacques AMYOT dans Préf. XXV, 53
Je porte envie à ta mort, Caton, puisque tu m'as envié la gloire de t'avoir sauvé la vie
de Jacques AMYOT dans Cat. d'Ut. 89
C'est grand mal d'estre miserable, Mais c'est grand bien d'estre envié
de Pierre de RONSARD dans 371
ÉTYMOLOGIE
1
Provenç. enveiar ; catal. envejar ; espagn. envidiar ; portug. invejar ; ital. invidiare ; d'un bas-latin invidiare, formé de invidia, envie, de invidere, de in, en, et videre, voir : fixer les yeux sur, comme fait l'envieux.