Définition de IGNORER

DÉFINITIONS - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : i-gno-ré

DÉFINITIONS

1
Ne pas savoir, ne pas connaître.
C'est par la suite de ces conseils que Dieu a fait naître les deux puissantes maisons d'où la reine devait sortir : celle de France et celle d'Autriche, dont il se sert pour balancer les choses humaines, jusqu'à quel degré et jusqu'à quel temps ? il le sait et nous l'ignorons
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Mar.-Thér.
Il serait honteux, je ne dis pas à un prince, mais en général à tout honnête homme, d'ignorer le genre humain et les changements mémorables que la suite des temps a faits dans le monde
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Hist. Dessein général.
J'ignore de quel crime on a pu me noircir
de Jean RACINE dans Brit. IV, 2
J'ignore si de Dieu l'ange se dévoilant Est venu lui montrer un glaive étincelant
de Jean RACINE dans Ath. II, 2
Je lui vendrai si cher ce bonheur qu'il ignore, Qu'il vaudrait mieux pour lui qu'il l'ignorât encore
de Jean RACINE dans Mithr. II, 1
Le malheureux, il cherchait tour à tour Tous les plaisirs, il ignorait l'amour
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Enfant prod. I, 3
La bonne comédie fut ignorée jusqu'à Molière, comme l'art d'exprimer sur le théâtre des sentiments vrais et délicats fut ignoré jusqu'à Racine
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. sur Zaïre.
Ignorer de, avec un verbe à l'infinitif.
Albergoti eut l'art de se mettre bien avec tous ceux de qui il pouvait attendre, bien qu'il n'ignorât pas d'être haï et qu'on se défiait beaucoup de lui
de Louis de Rouvroy, duc de SAINT-SIMON dans 455, 159
Ignorer que, avec l'indicatif si la phrase est négative, et avec le subjonctif si la phrase est affirmative. Je n'ignore pas qu'il a voulu me nuire. Il ignorait qu'on fît des informations contre lui. On ignore communément qu'il en soit ainsi.
Nature : Absolument.
Voilà notre état véritable ; c'est ce qui nous rend incapables de savoir certainement et d'ignorer absolument
de Blaise PASCAL dans Pensées, t. I, p. 248, édit. LAHURE.
2
Il se dit des personnes qui ne sont pas connues.
Jusqu'ici d'un vain titre Octavie honorée, Inutile à la cour, en était ignorée
de Jean RACINE dans Brit. III, 4
Il s'éleva un nouveau roi dans l'Égypte qui ignorait Joseph
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Philosophie, Bible expliquée, Exode.
Ignorer les hommes, ne pas connaître le coeur humain.
3
Dans le style soutenu. Ne pas connaître, ne pas pratiquer.
Elle ignora toujours l'imposture.
J'ignore ce grand art qui gagne une maîtresse
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Sat. I
4
Neutralement. Ne pas ignorer de, savoir, être instruit.
Il annonça ses intentions, afin que personne n'en ignorât.
Ceux-là même qui sont séparés de nous de toute l'étendue de la mer.... n'ignorent point de cette vérité
de Jean-Louis GUEZ de BALZAC dans le Prince, ch. 5
Quant à vous, je vois bien Qu'en sortant du couvent vous n'ignorez de rien
de Noël LEBRETON, sieur de HAUTEROCHE dans App. trompeuses, III, 7
Monsieur l'abbé, vous n'ignorez de rien, Et ne vis onc mémoire si féconde
de Jean-Baptiste ROUSSEAU dans Épigr.
5
S'ignorer, Nature : v. réfl. Ne pas se connaître soi-même.
C'est dans ce doute qui doute de soi et dans cette ignorance qui s'ignore et qu'il [Montaigne] appelle la maîtresse forme, qu'est l'essence de son opinion (voy. IGNORANCE, à l'historique)
de Blaise PASCAL dans Entret. sur Épict. et Mont.
Mais souvent un auteur qui se flatte et qui s'aime, Méconnaît son génie et s'ignore soi-même
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Art p. I
Dans ces rêves flatteurs que j'ai perdu de jours ! Cherchant à tout savoir et m'ignorant toujours
de Louis RACINE dans la Religion, ch. II
On s'ignore dans le ventre de sa mère ; c'est là pourtant que les idées devraient être les plus pures, car on est moins distrait
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. L. C. 23 déc. 1768
Et mon coeur qui s'ignore Peut-il admettre un Dieu que mon amant abhorre ?
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Zaïre, I 1
N'avoir point une juste opinion de soi-même, de ses forces.
Objet de la publique estime, Toi seul, tu parais t'ignorer
de LAMOTTE dans Od. t. I, p. 406, dans POUGENS
L'envie n'attaqua point un mérite qui s'ignorait
de Guillaume Thomas, abbé RAYNAL dans Hist. phil. III, 15
Être dans l'ignorance de ses propres sentiments.
Je la laisse échapper ! je m'ignore moi-même
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Zaïre, III, 7
Ah ! demeurez, Octar, je me crains, je m'ignore
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Orphel. III, 4
Plein d'un mortel poison dont l'horreur me dévore, Je m'ignorais moi-même et je me cherche encore
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Brutus, V, 7

HISTORIQUE

1
XIVe s.
Quant li rois la roïne vist si forment plorer, Et il out entendu tout senz rien ignorer...
dans Girart de Ross. V. 2564
2
XVe s.
Et sur ce, le roy d'Angleterre n'avoit pas ignoré [été négligent] ne dormy sur ces besongnes
de Jean FROISSART dans liv. IV, p. 223, dans LACURNE
3
XVIe s.
Or, entreprenant à former la vie de l'homme chrestien, je n'ignore pas que je n'entre en une matiere ample et diverse
de Jean CALVIN dans Inst. 534
Afin d'ignorer la chose [de la cacher], elle et une de ses chambrieres, en qui elle se fioit, porterent le corps mort dedans la rue
de Marguerite de Navarre, dite aussi de Valois, ou d'Angoulême, reine de Navarre dans Nouv. L.

ÉTYMOLOGIE

1
Provenç. et espagn. ignorar ; ital. ignorare ; du lat. ignorare, de i pour in privatif, et d'un radical inusité gnorus, très voisin de gnarus, qui sait.

Synonymes de IGNORER

Termes proches de IGNORER