Définition de CHANCELER
Prononciation : chan-se-lé ; l'l se double quand la syllabe qui suit est muette : je chancelle ; je chancellerai ; j
DÉFINITIONS
1
Être peu ferme, pencher comme si l'on allait tomber. Nous le vîmes chanceler et tomber. Il chancela du coup, mais bientôt après il se remit. Dans ces convulsions de la nature la terre semblait chanceler sur ses fondements.Il s'aperçut que le roi chancelait et laissait aller ses armes de faiblesse
de Claude Favre de VAUGELAS dans Q. C. liv. VIII, chap. 14
Les petits coups, selon toi, Sentent le buveur qui chancelle
de Pierre Jean de BÉRANGER dans P. coups.
2
Sémantique : Fig.Pourtant toute espérance en mon esprit chancelle
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Él. I
Je sens qu'elle [ma vertu] chancelle et défend mal la place
de Pierre CORNEILLE dans Hor. II, 5
Soutiens ma haine qui chancelle
de Pierre CORNEILLE dans Hér. V, 1
Il permet qu'ils chancellent dans la droite voie
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Intég. 1
Plus je sens chanceler ma cruelle constance
de Jean RACINE dans Bér. II, 2
Votre haine chancelle
de Jean RACINE dans Andr. IV, 3
Hésiter, en parlant de la mémoire. La mémoire de ce prédicateur a chancelé plus d'une fois.
Chanceler se conjugue avec l'auxiliaire avoir.
SYNONYME
1
CHANCELER, VACILLER. Chanceler se dit d'une personne ou d'une chose qui penche deçà et delà, parce qu'elle n'est pas ferme, solide, et menace de tomber. Vaciller veut dire simplement aller deçà et delà, sans qu'il y ait nécessairement pour cela menace de tomber. Dans un tremblement de terre, le sol vacille, mais ne chancelle pas ; au contraire un ivrogne ne vacille pas, mais il chancelle. Au figuré, une résolution qui vacille est une résolution qui n'est pas fixe ; une résolution qui chancelle est une résolution qui n'est pas ferme. Un témoin vacille dans sa déposition, quand il sait mal les faits ; il chancelle dans sa déposition, quand il n'a pas le courage ou la volonté de les maintenir.HISTORIQUE
1
XIe s.Son petit pas [il] s'en torne cancelant
dans Ch. de Rol. CLXIII
Charles cancele, por peu qu'il n'est cheüt
dans ib. CCLXIII
2
XIIe s.Charles chancelle, mout pert de sa vertu
dans Roncisv. 145
Sur un char fist on metre l'arche Deu et covrir ; Li buef en chancelerent, l'arche voleit chaïr
dans Th. le mart. 75
Li prelat deivent estre li plus esperital, Ne deivent chanceler pur rien de lur estal
dans ib. 71
Et ce nos mostrat bien cele arche del Testament ki s'inclinat cant [quand] li buef scancelhievent [chancelaient]
dans Job, 475
3
XIIIe s.Si chancele qu'à poi ne chiet
dans Ren. 14906
Du tout defailloit ses durtés, Fiebles et vains tremble et chancele, Fuïr s'en volt, honte l'apele
dans la Rose, 15615
Ha ! rois de France, rois de France, La loi, la foi et la creance Va presque toute chancelant !
de RUTEBEUF dans 93
Puisque justice cloce, et drois pent et encline, Et verités cancelle, et loiautés decline
de RUTEBEUF dans 233
Je sui sor ferme pierre assise ; La pierre esgrume et fent et brise, Et je chancele
de RUTEBEUF dans 78
Et fichoit chascun son pel [pieu], si qu'il ne povoit chanceler ne croler
de Jean Chopinel, dit Jean DE MEUNG dans Végèce, I, 11
4
XIVe s.Par vertu le bouta, et de coer si très grant Qu'il le fist cancheler ; et en che canchelant, Trouva derriere lui une piere pesant, Si que li enfes va tout parmi tresbusquant
dans Baud. de Séb. IX, 288
Qu'il ne face l'oneur de maintes [femmes] chanceler
dans Girart de Ross. Prol.
5
XVe s.Ainsi leur eut-il en convent par sa creance, de quoi il chancela et detria puis assez....
de Jean FROISSART dans I, I, 63
Ne feroient jà au roy d'Angleterre chose qui peust briser n'entamer ne chanceler, par quelque voye que ce soit, les alliances qui estoient jurées, escrites et scellées entre France et Castille
6
XVIe s.Ma voix tremblote, et ma langue chancelle, Mon coeur se pasme, et le sang me tressaut
de Pierre de RONSARD dans 171
Et comme yvre d'amour tout le corps me chancelle
de Pierre de RONSARD dans 222
Bien poulsé longuement chancelle
de Randle COTGRAVE dans
Il vaut mieux tresbuscher une fois que tous jours chanceller
de Randle COTGRAVE dans
ÉTYMOLOGIE
1
Provenç, cancheler, chancelar. Diez le tire de chance, qui veut dire proprement action de tomber ; mais il y a une difficulté insurmontable, c'est que, le mot étant très ancien, si la dérivation était telle, on le trouverait écrit en quatre syllabes, cheanceler, chaanceler. Il faut donc en revenir à la forme même, qui est le latin cancellare. La forme vraie et claire est eschanceler, qui est dans Job (sancelhievent) : sortir des barreaux, d'où chanceler. Elle s'est confondue avec chanceler, latin cancellare, rayer, faire des raies, et, figurément, n'aller pas droit.