Définition de PRISE

DÉFINITIONS - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : pri-z'

DÉFINITIONS

1
Action de prendre, de s'emparer.
On poursuit maintenant l'auteur de l'entreprise, Et nous serons tous deux satisfaits par sa prise
de DU RYER dans Scévole, IV, 4
La prise des deux rois de Perse et de Médie De cette guerre enfin ferme la tragédie
Dinan n'est pas de difficile prise ; mais il ne laisse pas d'être important
C'est le tracas qui nous divertit ; raison pourquoi on aime mieux la chasse que la prise
Que dites-vous de la prise de Gand ? il y avait longtemps, mon cousin, qu'on y avait vu un roi de France
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans à Bussy, 18 mars 1678
Moquez-vous des nouvelles de la place des Prêcheurs [place d'Aix] : l'enlèvement de la princesse d'Orange et la prise de son mari sont à faire rire
Tant les veneurs ont tous en tête D'être à la prise de la bête
de PERRAULT dans Chasse, dans RICHELET
Lâcher prise, lâcher, abandonner ce qu'on tenait.
La mort fit lâcher prise au géant pourfendu
de Jean de LA FONTAINE dans Fianc.
On voit dans l'Inde des millions d'hommes et de femmes.... qui font un bruit prodigieux avec des instruments de toute espèce pour faire lâcher prise au dragon [que l'on croit dévorer la lune pendant une éclipse]
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Fragm. sur l'Inde, VII
Sémantique : Fig. Lâcher prise, cesser une poursuite, une dispute, un combat, etc.
Notre féal, vous lâchez trop tôt prise
de Jean de LA FONTAINE dans Magn.
Il y a des gens acharnés contre les préjugés ; on ne leur fera pas lâcher prise : chaque secte a ses fanatiques
Lâcher prise, signifie aussi rendre malgré soi ce qu'on a pris. Il s'était emparé du bien d'autrui ; mais on lui a fait lâcher prise.
On dit de même : quitter prise.
Cette fièvre a bientôt quitté prise
2
Action de prendre un navire ; navire capturé. Amener une prise dans le port. Le code des prises.
Je fus obligé de faire brûler toutes mes prises marchandes
dans Rapport de Jean Bart, 1696, dans JAL
Le roi, voyant que, dans toutes les prises qui ont été faites par les capitaines de ses vaisseaux pendant le cours de l'année dernière, il y a eu tant de malversations de leur part....
dans Ordre du roi, 1677, dans JAL
Le hasard fit rencontrer à Caillières dans les rues un marchand hollandais venu à Paris pour des affaires de prises et de négoce
De bonne prise, se dit des navires appartenant à l'ennemi ou chargés de contre-bande.
L'on dit que ce serait une question pour l'amirauté s'il [un vaisseau hollandais] était de bonne prise ou non
Vous savez, monseigneur, qu'il est dit dans le traité [avec Tunis] que les bâtiments français seront obligés d'avoir patente du roi ou de l'amiral de France, sans quoi ils seront de bonne prise
dans Duquesne à Seignelay, 1681, dans JAL
Sémantique : Par extension, dans le langage général. Une chose de bonne prise, chose qui peut être ou qui est prise avec justice.
....Forçant un château, tout est de bonne prise
Sémantique : Fig. Il peut se dire d'heureux emprunts que fait un écrivain.
Il a tiré cette scène d'un auteur oublié, cela était de bonne prise
dans Dict. de l'Acad.
Part de prise, la somme d'argent qui revient à chaque marin d'un navire qui en a pris un autre, après la vente du navire et de la cargaison, et après le procès qui a décidé de la validité de la prise.
Le roi n'aura pas de part à cette prise, parce qu'elle a été faite par les Anglais seuls, et que notre traité avec eux porte qu'ils profiteront seuls de ce qu'ils prendront seuls
Conseil des prises, commission extraordinaire établie autrefois en temps de guerre, pour juger les prises de navires capturés sur l'ennemi.
Forlis, mon ami, mon avocat, qui, dans le temps, m'a fait gagner plus d'un procès au conseil des prises
de Louis-Benoît PICARD dans Capit. Belronde, I, 8
3
Se dit à l'hombre, du fonds que chaque joueur est obligé de faire ou d'avoir devant lui, avant de commencer le jeu.
4
Facilité de prendre de saisir. Avoir, trouver prise. Il n'y a point de prise pour saisir ce ballot.
Le moins qu'on peut laisser de prise aux dents d'autrui, C'est le mieux....
Sa queue [d'un singe] est toujours accrochée, et il ne reste que malgré lui dans une place où elle ne peut avoir de prise
Sémantique : Fig.
Je ne vous dirai rien de fort secret des pays que vous savez [la cour] ; ce sont de certaines petites choses qui n'ont point de prise, et qui n'ont pas quasi la force d'être transportées
Il [Dieu] veut qu'on anéantisse [en soi] tout ce qui n'est pas lui ; et, pour ce qui est de lui-même, il se cache cependant, et ne donne presque point de prise sur lui-même
Cette chose est en prise, elle est exposée à être prise.
Cette chose est hors de prise, on ne peut la dérober, on ne saurait y toucher, y atteindre.
Sémantique : Fig.
Tel abandonne son père qui est connu, et dont on cite le greffe ou la boutique, pour se retrancher sur son aïeul, qui, mort depuis longtemps, est inconnu et hors de prise
de Jean de LA BRUYÈRE dans XIV
Au jeu d'échecs, il se dit d'une pièce qu'une autre pièce peut prendre. Mettre une pièce en prise. Votre dame est en prise.
Au billard, il se dit d'une bille exposée à être blousée.
S'ôter de prise, se mettre à l'abri d'être pris.
En lieu de sûreté le babil est de mise ; Mais ici ne songeons qu'à nous ôter de prise
de Pierre CORNEILLE dans l'Illus. com. IV, 9
5
Sémantique : Fig. Capacité à saisir, à comprendre.
Quelque terme où nous pensions nous attacher et nous affermir, il branle et nous quitte ; et, si nous le suivons, il échappe à nos prises, nous glisse et fuit d'une fuite éternelle
Voyons si elle [l'intelligence] a quelques forces et quelques prises capables de saisir la vérité
de Blaise PASCAL dans dans COUSIN
Possibilité d'exercer une action intellectuelle ou morale.
Ni les honneurs perdus, ni la richesse acquise N'auront sur leur esprit ni puissance ni prise
Une épouse de Jésus-Christ, qui, en se dépouillant de tout, ôte à l'ennemi [le démon] toutes les prises qu'il pouvait avoir sur elle
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Prof. relig. Serm. 2
Il est bien difficile que des faits, et même des raisonnements isolés tiennent longtemps dans la mémoire, quand on manque de prise pour les y ramener
Possibilité d'attaquer, de nuire.
Ainsi, mon père, j'échappe à toutes vos prises
Avoir de la prise sur, modifier les sentiments.
C'est cela sur quoi la résignation n'a pas assez de prise
La douleur n'a de prise sur moi que lorsqu'elle est absolument intolérable
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Mme de Maintenon, t. I, p. 111, dans POUGENS
Avoir prise, trouver prise sur quelqu'un, avoir sujet de le reprendre, etc.
Elle [Chimène] avoue que c'est la seule prise que la médisance aura sur elle
... S'il faut que sur vous on ait la moindre prise, Gare qu'aux carrefours on ne vous tympanise
Afin d'ôter toute prise et tout moyen d'y répondre
Il n'y point de prise à cette accusation
Avoir prise sur quelqu'un, pouvoir l'arrêter, lui faire sentir de la peine ou du plaisir.
Mon coeur tenait encore à des attachements par lesquels mes ennemis avaient sur moi mille prises
Donner prise sur soi, ou, simplement, donner prise, s'exposer à être repris.
Et que, si vous vouliez, tous vos déportements Pourraient moins donner prise aux mauvais jugements
Jamais d'autres n'ont donné si belle prise que vous
Il [d'Alembert] est hardi, mais il n'est point téméraire ; il est né pour faire trembler les hypocrites, sans leur donner prise sur lui
Donner prise à la critique, s'exposer à être critiqué.
Donner prise, permettre de saisir afin de profiter contre....
Les écrits de l'un ne donnent aucune prise aux desseins des autres
Plus une chose est réunie en elle-même, plus elle approche de l'immutabilité ; l'unité ne donne point de prise sur elle, elle s'entretient également partout
6
Dispute, querelle.
N'avez-vous pas eu prise avecque votre frère ?
Vauban et du Metz ont eu aujourd'hui quelque prise ensemble devant le roi
Richelieu venait au secours de mon père sur des avis qu'on lui avait donnés, ou sur des prises qu'il avait eues avec le roi
Sémantique : Familièrement. Prise de bec, querelle en paroles.
En venir, en être aux prises, se saisir, se combattre. Les deux armées, les deux combattants en sont aux prises. Deux chiens qui sont aux prises.
Les voilà aux prises, pieds contre pieds, mains contre mains
Sémantique : Par plaisanterie, en venir aux prises, attaquer un bon diner.
Je brûle d'en venir aux prises, Et jamais je n'eus tant de faim
Sémantique : Fig. Être aux prises, en être aux prises, se dit de personnes qui disputent les unes contre les autres.
Souvent nous en étions aux prises ; Et vous ne croiriez point de combien de sottises....
Voilà le gendre et le beau-père aux prises
de Florent Carton, sieur d'Ancourt, dit DANCOURT dans Vend. Surêne, sc. 16
Il [Marmontel] répondra sûrement à Votre Majesté avec plus de satisfaction qu'il ne fera à la Sorbonne sur son Bélisaire ; le pauvre garçon est actuellement aux prises avec elle
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Lett. au roi de Pr. 10 avr. 1767
On dit de même : je les ai mis aux prises, je les ai laissés aux prises.
Soit pour s'amuser, soit pour corriger deux misanthropes l'un par l'autre, M. de Laval voulut les mettre aux prises ; il envoya prier Alceste à dîner
Être aux prises, en être aux prises, se dit aussi de personnes qui jouent les unes contre les autres. Nos joueurs en sont aux prises, sont aux prises.
Sémantique : Fig. Être aux prises avec soi-même, être dans un déchirement intérieur.
Une âme réprouvée aux prises, si j'ose me servir de cette expression, avec Dieu et avec elle-même
de Louis BOURDALOUE dans Jugement dern. 1er avent, p. 58
Tout décèle ses secrètes agitations ; et, si je feins de m'y tromper, c'est pour le laisser aux prises avec lui-même, et occuper ainsi une partie des forces de son âme à réprimer l'effet de l'autre
Sémantique : Fig. Être aux prises avec la mort, être en grand danger de mourir, être a l'agonie.
Si je vous fais voir encore une fois Madame aux prises avec la mort
Sémantique : Fig. Être aux prises avec la mauvaise fortune, être dans l'adversité.
Il faudra que je lutte contre l'adversité, il y a longtemps que je la connais et que je suis aux prises avec elle
7
Sémantique : Terme de musique. Prise du sujet, l'instant où une partie s'empare du sujet de la fugue pour faire son entrée.
8
Sémantique : Terme de vétérinaire. Prise de longe, voy. LONGE.
9
Prise d'essai, morceau de monnaie pour essayer.
10
Ancien terme de jurisprudence criminelle. Prise de corps, action d'arrêter un homme en vertu d'un acte du juge.
Ne décernez point de prise de corps contre ce coupable qui a une armée pour se défendre de vos sergents
Voici bien d'autres nouvelles, dit-il : des huissiers déménagent la maison de Monsieur et de Madame ; tout est saisi par des créanciers ; on parle de prise de corps
La sentence elle-même qui ordonne la prise de corps.
J'appris que M. de Nevers avait eu une assignation pour être ouï, et que son capitaine des gardes et son intendant avaient eu des prises de corps pour avoir maltraité, à Nevers, un huissier du parlement
de DANGEAU dans I, 126, 24 févr. 1685
11
Sémantique : Terme de procédure. Prise à partie, le recours qu'exercent les plaideurs contre leurs juges, dans les cas prévus par la loi. (La locution signifie : prise du juge comme partie, comme adversaire du plaideur.)
12
Sémantique : Terme de droit. Prise de possession, acte solennel par lequel on se met en possession d'une charge, d'un emploi, d'une contrée.
La première découverte bien constatée fut une prise de possession légitime
13
Prise d'habit, cérémonie, dite aussi vêture, qui se pratique quand on entre dans un ordre religieux.
Je veux bien que vous veniez à cette prise d'habit
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Lett. Corn. 50
14
Prise d'eau, action de détourner d'une rivière, d'un étang, une certaine quantité d'eau pour un certain usage.
À mesure qu'on peut alimenter un canal dans ses parties inférieures par de nouvelles prises d'eau
de GIRARD dans Instit. Mém. scienc. 1821 et 1822, t. v, p. 45
Concession qui donne ce droit.
L'eau elle-même qui est détournée.
Prise d'air, action de percer une ouverture pour faire entrer l'air dans un endroit clos, et, particulièrement, dans un calorifère.
Prise de vapeur, appareil servant à conduire la vapeur de la chaudière d'une machine dans le cylindre.
15
Prise d'armes, action de prendre les armes, et de se réunir pour un service.
Sémantique : Fig. Soulèvement, insurrection.
Il ne lui reste [à Jurieu], pour soutenir la prise d'armes de ses pères, ni autorité ni exemple
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans 5e avert. 30
16
Dose d'un médicament pour prendre en une fois. Une dose de quinquina en poudre divisée en six prises. Une demi-prise.
J'ai pris hier de la poudre du bonhomme ....je crois que cette dernière prise achèvera de me guérir
17
Prise de tabac, pincée de tabac.
Nature : Absolument. Prise de tabac. Donnez-moi une prise.
18
Dans les fabriques de soieries, nombre de cordes réunies qui composent une partie de fleurs ou de feuilles du dessin.
19
Action d'une substance qui se solidifie, qui se coagule.
La prise des ciments
de FREMY dans Acad. des sc. Comptes rendus, t. LXVII, p. 1206
Des pouzzolanes à prises lentes ou à prises rapides
de FREMY dans ib. p. 1208
Faire prise, se dit d'une substance coagulable qui commence à se coaguler. Quand le collodion fait prise.
On dit aussi en ce sens : prise de consistance.
La prise de consistance des gueuses à la tête et à la queue
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Hist. min. introd. part. exp. Oeuv. t. VIII, p. 49
20
Prise, ensemble des bassins d'évaporation compris dans une même enceinte de digues, Enquête sur les sels, 1868, t. I, p. 511.

HISTORIQUE

1
XIIIe s.
Tout autressi est d'une prise [proposition] qui peut estre ferme et estable sanz nul confermement, en ceste maniere : se li hom veult estre sages, il se doit estudier en philosophie
Et de tout che dont il ne porront rendre bon conte, il doivent estre contraint à rendre sans delai, par le [la] prise de lor cors et de lor biens
de Philippe de BEAUMANOIR dans L, 7
Et si en torne aucune fois li blasmes sor le bailli, tout soit ce que tix prises [telles prises] n'entrent pas en se [sa] bourse
de Philippe de BEAUMANOIR dans I, 9
2
XIVe s.
Je te veil [veux] prouver et conter Que ta prise [avoir été pris et emprisonné] est pour ton millour, Ton bien, ton pourfit et t'onnour
de MACHAUT dans p. 100
Lidit religieux par leur gent ont la prise, la detencion, la cognoissance et le jugement en touz cas criminelz
3
XVe s.
Autres vouloient sa prinse rondement sans cerymonie
de Philippe de COMMINES dans II, 9
4
XVIe s.
Quand la nature est aux prinses avecques la maladie
de Michel de MONTAIGNE dans I, 131
Vaine image qui n'a ny corps ny prinse
de Michel de MONTAIGNE dans I, 320
Voyant deux grands hommes aux prinses de paroles contre Lapodius
de Michel de MONTAIGNE dans I, 400
Le voylà aussi fier de sa prinse [un lièvre] comme....
de Michel de MONTAIGNE dans II, 358
Prise de corps ne se suranne point
de Antoine LOYSEL dans 895
Ne plus ne moins que fait le ruzé champion de lucte, qui cherche tout moyen d'avoir prise sur son adversaire pour luy donner le bond
de Jacques AMYOT dans Fab. 12
Fabius entra dedans Rome en triumphe pour la seconde fois à cause de ceste prise [de Tarente]
de Jacques AMYOT dans ib. 47
Il devint viste à courir, roide à lucter, et si ferme à la prise, qu'il ne se trouvoit homme qui le peust forcer
de Jacques AMYOT dans Cor. 3
Il en devint amoureux en un festin où il la veit, et la trouva belle à son gré et de bonne prise
de Jacques AMYOT dans Alex. 81
De laquelle potion le malade prendra trois onces pour chaque prise au matin
de Ambroise PARÉ dans XVI, 35
La premiere oeuvre sera la remarque du lieu de la prinse de l'eau, pour la faire le plus près que pourrés
de Olivier DE SERRES dans 754
C'est une bonne prise que d'un jeune loup
de Randle COTGRAVE dans

ÉTYMOLOGIE

1
Prov. presa, prisa, prea ; espagn. et ital. presa ; du lat. prensus, pris, de prehendere (voy. PRENDRE).

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
Se dit des bois de flottage qui sont pris par les sinuosités du ruisseau, qui s'y arrêtent.
Il est indispensable d'échelonner, le long du courant, un grand nombre d'ouvriers qui, à l'aide de longs crocs, sont chargés d'éviter les prises des bois et de les déprendre aussitôt qu'elles se forment, afin de ne pas entraver la marche des bûches
dans Mém. de la Soc. centrale d'agric. 1873, p. 258

Synonymes de PRISE

Termes proches de PRISE