Définition de ESTIMER

DÉFINITIONS - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : è-sti-mé

DÉFINITIONS

1
Déterminer la valeur, le prix de quelque chose. On estime ce cheval mille francs.
Combien estimez-vous cette maison ? En quelque contrée de l'univers que vous alliez, vous y trouverez l'homme aussi fin que vous ; et il ne vous donnera jamais que ce qu'il estime le moins pour ce qu'il estime le plus
de Guillaume Thomas, abbé RAYNAL dans Hist. phil. III, 1
Sémantique : Fig.
Permettez, madame, que j'estime La grandeur de l'amour par la grandeur du crime
de Pierre CORNEILLE dans Sertor. v, 4
2
Faire cas, avoir de la considération pour.
J'honore sa vertu, j'estime sa personne
de Pierre CORNEILLE dans Héracl. I, 2
Je vous estime trop pour vouloir rien farder
de Pierre CORNEILLE dans Nicom. I, 2
... Il [Annibal] m'a surtout laissé ferme en ce point D'estimer beaucoup Rome et ne la craindre point
de Pierre CORNEILLE dans ib. II, 3
Son monsieur Trissotin me chagrine et m'assomme, Et j'enrage de voir qu'elle estime un tel homme
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans F. sav. I, 3
Sur quelque préférence une estime se fonde ; Et c'est n'estimer rien qu'estimer tout le monde
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Mis. I, 1
J'estimai ces bons pères de l'excellence de leur politique
de Blaise PASCAL dans Prov. 5
Cet homme [Retz] si fidèle aux particuliers, si redoutable à l'État, d'un caractère si haut qu'on ne pouvait ni l'estimer, ni le craindre, ni l'aimer, ni le haïr à demi
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans le Tellier.
Il y a deux choses qu'ils [les hommes] estiment beaucoup.... la vie et l'argent
de Jean de LA BRUYÈRE dans XI
J'ai remis votre lettre au roi, il vous estime autant qu'il peut estimer un hérétique
de Françoise d'Aubigné, marquise de MAINTENON dans Lett. à M. de Villette, 10 juillet 1684
3
Croire, réputer, présumer.
Si quelqu'un les regarde.... Estime, mon ami, que c'est un grand miracle
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Sat. IV
Ils répondirent qu'ils estimaient la place imprenable
de Claude Favre de VAUGELAS dans Q. C. liv. III, dans RICHELET
Et j'estime Que ce peu que j'ai dit est l'avis de Maxime
de Pierre CORNEILLE dans Cinna, II, 1
Quoi que vous estimiez de ma civilité, Je ne me pique point d'insensibilité
de Pierre CORNEILLE dans Suiv. II, 3
Tu m'estimes bien lâche, imprudente rivale
de Pierre CORNEILLE dans Rodog. II, 1
Je n'estime pas que l'homme soit capable de former un projet....
de Jean de LA BRUYÈRE dans Disc. sur Théophr.
Le plus sûr, c'est d'estimer celle [la forme de gouvernement] où l'on est né la meilleure de toutes
de Jean de LA BRUYÈRE dans X.
Le roi Louis XIII expliqua pendant un quart d'heure l'avis qu'il estimait devoir être suivi
de Louis de Rouvroy, duc de SAINT-SIMON dans 6, 87
4
Sémantique : Terme de marine. Faire une estime.
5
S'estimer, Nature : v. réfl. Avoir de l'estime pour soi-même.
Je m'estimais trop peu pour un honneur si grand
de Pierre CORNEILLE dans Hor. II, 2
À l'égard de ceux qui s'estiment à propos de rien, qui sont glorieux de leur rang ou de leurs richesses, gens insupportables et qui fâchent tout le monde...
de Pierre de MARIVAUX dans Marianne, 4e part.
Ces peuples s'estimaient sans mépriser les autres nations
de Guillaume Thomas, abbé RAYNAL dans Hist. phil. XVIII, 16
Qui ne s'estime pas perd ses droits à l'estime
de Jacques DELILLE dans Parad. perdu, VIII
S'estimer son prix, avoir de soi la juste opinion qu'on doit en avoir.
Avoir une estime réciproque. Nous nous estimons l'un et l'autre.
6
Déterminer sa propre valeur.
Glocester : Moi, je paie ; à présent tu ne t'appartiens plus. - Tyrrel : Jamais on n'eut sur moi de droit si légitime ; Vous m'avez acheté plus que je ne m'estime
de Casimir DELAVIGNE dans Enf. d'Éd. II, 3
7
Se croire, se réputer.
Leur brutale vertu veut qu'on s'estime heureux
de Pierre CORNEILLE dans Hor. IV, 4
Avant que de combattre, ils s'estiment perdus
de Pierre CORNEILLE dans Cid, IV, 3
Roxane s'estimait assez récompensée
de Jean RACINE dans Baj. III, 4

HISTORIQUE

1
XIIe s.
Et tant des autres que nus [nul] nel peut esmer
dans Ronc. p. 32
2
XIIIe s.
Vingt ans avoit Pepins, ainsi [je] l'oï esmer
dans Berte, III
Sans les autres richesses que je ne sai conter, Qu'à peine les peut-on ne dire ne esmer
dans ib. XCVIII
3
XIVe s.
Non obstant que la valeur des choses et dons dessus diz ne soit extimée et declairée en ces presentes
dans Bibl. des Chartes, 5e série, t. I, p. 80
Ils furent si surprins et orent si grant joie que nul ne le pourroit extimer
dans Ménagier, I, 9
4
XVe s.
Adonc je regarday l'entrée Du jardin qui estoit fermée ; Mais comme ma vue estima, Zephirus tost la defferma
de Jean de LA FONTAINE dans 15
Le conte de Dunoys fort estimé en toutes choses
de Philippe de COMMINES dans I, 3
Il estima peu leurs requestes et demandes
de Philippe de COMMINES dans V, 16
5
XVIe s.
Il ne faut point estimer d'un homme par un seul fait
de Jean CALVIN dans Instit. 826
Il se pourmena un tour ou deux par la salle, pensant bien profundement comme l'on pouvoit estimer
de François RABELAIS dans Pant. II, 13
Estimant que cela ayderoit à....
de Michel de MONTAIGNE dans I, 15
Je ne l'honore ny ne l'estime [la pratique de la médecine]
de Michel de MONTAIGNE dans III, 207
Il fut seul estimé cause et autheur de la guerre peloponesiaque
de Jacques AMYOT dans Péric. 57
Plusieurs estiment que cette deesse Euclia soit Diane, et la nomment ainsi
de Jacques AMYOT dans Arist. 50

ÉTYMOLOGIE

1
Wallon, astimer, évaluer, estimer ; provenç. esmar, estimar ; espagn. et portug. estimar ; ital. stimare ; du latin aestimare, que des étymologistes latins dérivent de aes, argent, et le suffixe tim (comme dans legi-timare) : évaluer en argent. AEstimare avait donné, dans l'ancienne langue, d'après la suppression des voyelles brèves, esmer (d'où l'anglais to aim, viser à, ce qui nous indique qu'on prononçait êmer) ; estimer a été refait sur le latin dans le XIVe siècle.

Synonymes de ESTIMER

Termes proches de ESTIMER