Définition de TROP

DÉFINITIONS - PROVERBES - REMARQUE - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : tro ; le p se lie : il va tro-p avant ; mais, pour peu qu'il y ait suspension, le p ne se fait pas s

DÉFINITIONS

1
Ce qui est en excès.
Le trop de confiance attire le danger
Sa mère, que longtemps je voulus épargner.... L'a de la sorte instruite ; et ce que je vois suivre Me punit bien du trop que je la laissai vivre
Le trop d'expédients peut gâter une affaire.... N'en ayons qu'un, mais qu'il soit bon
Il y en a beaucoup que le trop d'esprit gâte
2
Mon trop de..., son trop de, etc., l'excès de mon, de son, etc.
Mais votre trop d'amour pour cet infâme époux Vous donnera bientôt à plaindre comme à nous
Il s'en est peu fallu que, durant mon absence, On ne m'ait attrapé par son trop d'innocence
J'abuse, cher ami, de ton trop d'amitié
3
Sans article, trop de, un excès de.
Je me suis accusé de trop de violence
Voilà les pauvres gens Malheureux par trop de fortune
Nos sens n'aperçoivent rien d'extrême : trop de bruit nous assourdit, trop de lumière éblouit....
Il nous sera toujours impossible de satisfaire pleinement les divers ordres de lecteurs ; le littérateur trouvera dans l'Encyclopédie trop d'érudition, le courtisan trop de morale, le théologien trop de mathématique, le mathématicien trop de théologie, l'un et l'autre trop de jurisprudence et de médecine
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Oeuv. i. I, p. 372
Trop de sang, trop de pleurs ont inondé la France
de Marie-Joseph CHÉNIER dans la Promenade.
C'est trop que ou de, il y a excès à.
Ah ! ma bonne, que je voudrais bien vous voir un peu, vous entendre.... vous voir passer, si c'est trop que le reste !
Si certains esprits vifs et décisifs étaient crus, ce serait encore trop que les termes pour exprimer les sentiments
C'est trop contre un mari d'être coquette et dévote : une femme devrait opter
de Jean de LA BRUYÈRE dans III
C'en est trop, c'est aller trop loin.
C'en est trop, madame, répliqua don Fadrigue ; je ne mérite pas que vous me regrettiez si longtemps
4
Trop, régime direct d'un verbe.
Non, je n'aurai pas trop de toute ma puissance Pour punir à mon gré mon odieux rival
de Bernard le Bouyer de FONTENELLE dans Thét. et Pol. IV, 4
Et qui peut nous combler de honte et de dépit, Moi d'en avoir trop su, vous d'en avoir trop dit
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Indiscr. I, 3
Boileau restera un de nos bons auteurs classiques pour les vers ; on lui a peut-être trop accordé de son vivant ; peut-être lui refuse-t-on trop aujourd'hui
de Charles Pinot, sieur DUCLOS dans Oeuv. t. x, p. 85
5
Trop précédé d'une préposition.
De trop, qui est en excès.
Tout ce qu'on dit de trop est fade et rebutant
Ignorez-vous qu'une multitude de vos frères périt ou souffre du besoin de ce que vous avez de trop ?
Mademoiselle, votre approbation est de trop
Vous n'êtes pas de trop, se dit pour engager à rester une personne qui craint que sa présence ne gêne.
Vous savez que votre présence ne gâte jamais rien, et que vous n'êtes point de trop, en quelque lieu que vous soyez
Un homme habile sent s'il convient, ou s'il ennuie : il sait disparaître, le moment qui précède celui où il serait de trop quelque part
de Jean de LA BRUYÈRE dans v.
Oh ! ça, monsieur, voulez-vous que je vous parle franchement ? vous êtes de trop dans la maison
de Florent Carton, sieur d'Ancourt, dit DANCOURT dans 2e chap. Diable boit. sc. 1
Tu la gênes ; tu es ici de trop
de BOISSY dans Franç. à Lond. sc. 2
Par trop, à l'excès. Son style est par trop familier.
Tu m'obliges par trop avec cette nouvelle : Va, je reconnaîtrai ce service fidèle
6
Trop d'un, de deux, de la moitié, un, deux, moitié de trop.
Trop d'un Héraclius en mes mains est remis ; Je tiens mon ennemi, mais je n'ai plus de fils
C'est trop, me disait-il, c'est trop de la moitié, Je ne mérite pas de vous faire pitié
Nous sommes trois chez vous, c'est trop de deux, madame
7
Adv. de quantité. Plus qu'il ne faut, avec excès.
C'est trop m'importuner en faveur d'un sujet
Ce secret, qui fut gardé entre dix-sept personnes, est un de ceux qui m'ont persuadé que parler trop n'est pas le défaut le plus commun des gens qui sont accoutumés aux grandes affaires
Gens trop heureux font toujours quelque faute
de Jean de LA FONTAINE dans Berceau.
Il ne fallait pas faire faire cela par un écolier ; et vous n'étiez pas trop bon vous-même pour cette besogne-là
Le trop riant espoir que vous leur présentez
Je reçois votre lettre du 16 ; elle est trop aimable, et trop jolie, et trop plaisante
Ils [les rois] ont trop fait sentir aux peuples que l'ancienne religion se pouvait changer
Trop faible pour expliquer avec force ce qu'il sentait, il empruntait la voix de son confesseur
Vous le savez trop bien : jamais, sans ses avis, Claude qu'il gouvernait n'eût adopté mon fils
Il [le péché] nous paraît moins hideux, parce qu'on n'est jamais trop effrayé de ce qui nous ressemble
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Car. Pass.
Je ne vous envoie jamais aucun des petits livrets peu orthodoxes qu'on imprime en Hollande et en Suisse....je n'ai été que trop calomnié
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Lett. Richelieu, 8 nov. 1769
Sémantique : Terme de manége. Trop assis, se dit du cheval dont les extrémités postérieures se rapprochent trop de la ligne du centre de gravité, ou qui la devancent.
Trop ouvert, se dit lorsque les membres sont trop portés en dehors.
Trop serré, se dit lorsque les membres sont trop portés en dedans.
Pas trop, pas plus qu'il ne faut. Elle n'a pas trop dansé.
Médiocrement. Je ne m'y fierais pas trop.
M. de Vivonne est fort mal de sa blessure, M. de Marsillac pas trop bien de la sienne, et M. le Prince est quasi guéri
Muréna, de retour à Rome, reçut l'honneur du triomphe, qu'il n'avait pas trop mérité
8
Trop peu, pas assez. Vous en avez plus qu'il ne vous en faut, et il en a trop peu.
Trop peu d'honneur pour moi suivrait cette victoire
Joignez tous vos efforts contre un espoir si doux : Pour en venir à bout c'est trop peu que de vous !
Les dieux t'ont laissé vivre assez pour ta mémoire, Trop peu pour l'univers
9
Trop mieux, s'est dit pour beaucoup mieux.
Pardonnez-moi toutes ces redites, vous qui savez et qui possédez trop mieux tous les points que je range ici
Trop mieux aimant suivre quelques dragons
Bossuet a employé trop dans le sens archaïque de beaucoup. Au premier avis que le hasard lui porta d'un siége important, il [Condé] traverse trop promptement tout un grand pays, et, d'une première vue, il découvre un passage assuré pour le secours.... Louis de Bourbon.
10
Assez et trop longtemps, pendant un temps trop long.
Assez et trop longtemps ma lâche complaisance De vos jeux criminels a nourri l'insolence

PROVERBES

1
Exemple : Trop est trop, Exemple : rien de trop, tout excès est blâmable.
Rien de trop est un point Dont on parle sans cesse, et qu'on n'observe point
2
Exemple : Trop et trop peu n'est pas mesure.
3
Exemple : À chacun le sien n'est pas trop.
4
Exemple : Il y a deux sortes de trop, c'est-à-dire le trop et le trop peu.
5
Exemple : Qui trop embrasse mal étreint, qui entreprend trop de choses à la fois ne réussit à rien.

REMARQUE

1
Trop de avec un nom au pluriel veut au pluriel le verbe dont il est sujet : Trop de larmes ont été répandues.

HISTORIQUE

1
XIe s.
Carles respunt : trop avez tendre cuer
dans Ch. de Rol. XXIII
Co dist li reis : trop avez maltalant
dans ib. XXIV
2
XIIe s.
Mais trop vient lent, dame, vostre secours
dans Couci, VII
Car nus [nul] dons n'est courtois qu'on trop delaie
dans ib. XVI
Certes, seigneur, dit-il, trop tost le saura-on
dans Sax. XX
3
XIIIe s.
À tels croisés sera Diex trop soufrans, Se ne s'en venge à po de demourance
de QUESNES dans Romancero, p. 97
Vertus corront et gaste par po [peu] et par trop, et si se conserve et maintient par la meenneté
Vous en avez assez, et je en ai trop peu
dans Berte, XXXII
Grant paour [elle] ot du vent, qui menoit trop grant bruit
dans ib. XXXVI
Se li souget le conte li fesoient avoir trop grant salaire, quant li enfant seroient aagié, il aroient action de demander le trop à lor tuteur
de Philippe de BEAUMANOIR dans XVII, 8
Ha, pour Dieu, sire, lisies souvent ce livre ; car ce sont trop [très ] bones paroles
En [on] se doit assemer [parer] en robes et en armes en tel maniere, que les preudes hommes de cest siecle ne dient que on en face trop, ne les joenes gens de cest siecle ne dient que on en face pou
4
XIVe s.
Tel cas ne peut advenir fors trop [très ] peu souvent
5
XVe s.
Un trop [très ] beau chemin et plain à chevaucher
Il nous vaut trop mieux à mentir notre serment envers le duc d'Anjou que devers le roi d'Angleterre notre naturel seigneur
Elle leur fit rendre l'estimation de leurs chevaux qu'ils voulurent laisser, si haut que chacun vouloit estimer les siens, sans dire ni trop ni peu et sans debat
Laquelle jeune fille, pour ce que ledit Lechien mettoit trop [tardait trop] à l'espouser....
de J. DE TROYES dans Chron. 1465
Le vin n'est point de ces maulvais breuvaiges Qui, beus par trop, font faillir les couraiges
de BASSEL. dans LIV
Sans nulle doubte le roy [Louis XI] en sens le passoit de trop [le duc de Bourgogne], et la fin l'a monstré par ses oeuvres
de Philippe de COMMINES dans III, 3
6
XVIe s.
Ilz sont en nombre trop plus dix foys que nous : chocquerons nous sus eulx ?
J'ai reçu les lettres que m'avez escriptes, par lesquelles j'ay congneu que vous estes trop meilleur parent que le roy de Navarre n'est bon mary
Il esclaireroit par trop la bestise des aultres [passages du livre]
de Michel de MONTAIGNE dans I, 156
Qu'il soit bien pourveu de choses, les paroles ne suyvront que trop
de Michel de MONTAIGNE dans I, 187
La regle de Rien trop, commandée par Chilon
de Michel de MONTAIGNE dans I, 202
La prudence enseigne le point du milieu, auquel consiste toute louable action entre deux vicieuses extremitez du peu et du trop
de Jacques AMYOT dans Préf. XI, 38
Assez et trop malgré nos a vescu Ce sang maudit par tant de fois vaincu
de Pierre de RONSARD dans 608
Partout, voire à estre bon et sage, il y peut avoir du trop
Assez n'y a, si trop n'y a
de Randle COTGRAVE dans
Nul n'a trop pour soy De sens, d'argent, de foy
de ID. dans

ÉTYMOLOGIE

1
Patois des Fourgs, trou ; bourguig. trô ; génev. trop à bonne heure (dites de trop bonne heure) ; provenç. trop, troupeau, et trop, trop ; ital. troppo. C'est le mot trop, troupeau (voy. TROUPE) employé adverbialement pour signifier excès de quantité.

Synonymes de TROP