Définition de SUFFIRE

DÉFINITIONS - REMARQUE - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : su-fi-r'

DÉFINITIONS

1
Pouvoir fournir, pouvoir satisfaire, en parlant des choses. Il fallait que cette modique somme suffît pour élever trois orphelins.
Attendons-nous que Dieu ressuscite les morts pour nous instruire ? ce qui entre aujourd'hui dans le tombeau doit suffire pour nous convertir
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Duch. d'Orl.
Le moindre rayon de beauté qu'elle [l'âme] y aperçoit [dans le corps] suffit pour l'arrêter ; elle se mire, pour ainsi parler, et se considère dans ce corps
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans la Vallière.
C'est trop pour un mortel de tenter un effort Où les forces d'un dieu ne suffisent qu'à peine
de QUINAULT dans Phaéton, IV, 11
Un père, en punissant, madame, est toujours père ; Un supplice léger suffit à sa colère
de Jean RACINE dans Phèdre, III, 3
La France seule pouvait à peine suffire à réparer des pertes si énormes
de Jean RACINE dans Louis XV, 35
Ces bruits publics qui ont éclaté dans tous les temps et dans tous les États à la mort des princes enlevés par une mort prématurée, comme si la nature ne suffisait pas à nous détruire
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Russie, II, 17
Une seule partie de l'histoire naturelle, comme l'histoire des insectes ou l'histoire des plantes, suffit pour occuper plusieurs hommes
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Hist. nat. 1er disc.
Ce qu'il faut pour le bonheur physique d'un seigneur, suffirait souvent pour faire celui de tout son village
de Charles Pinot, sieur DUCLOS dans Consid. moeurs, 15
Quand on juge d'après ses craintes, ce qui ne suffirait qu'à la rigueur ne suffit pas ; et on croit ne trouver ce qui suffit que dans ce qui abonde jusqu'à un certain point
de Etienne Bonnot de CONDILLAC dans Comm. gouv. I, 4
Cela me suffit, cela suffit, ou, simplement, suffit, voilà qui est bien, c'est assez.
Suffit, je t'entends bien
de Noël LEBRETON, sieur de HAUTEROCHE dans App. tromp. I, 2
Le comte de Bussy ne laissa pas d'adresser ce qu'il avait fait [traduction des Amours d'Hélène], si ce fut à Mme de Sévigné ou bien à Mme de la Fayette, je ne sais ; suffit que ce fut à une femme de beaucoup d'esprit
de Paul Louis COURIER dans Éloge d'Hélène.
2
Il se dit des personnes en un sens analogue.
Les nomades n'ont bergerie Qu'il [le lion] ne suffise à désoler
de François de MALHERBE dans III, 3
Le roi leur montra bien qu'il suffit à tout
de Paul PELLISSON dans Lett. hist. t. III, p. 115
Jérémie lui-même, qui seul semble être capable d'égaler les lamentations aux calamités, ne suffirait pas à de tels regrets
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Reine d'Anglet.
Les prêtres ne pouvaient suffire aux sacrifices
de Jean RACINE dans Athal. I, 1
Tant de Romains sans vie, en cent lieux dispersés, Suffisent à ma cendre et l'honorent assez
de Jean RACINE dans Mithr. v, 5
Si vous m'aimez, je dois vous suffire
de Charles Pinot, sieur DUCLOS dans Oeuv. t. VIII, p. 87
Ah ! si j'avais suffi à son coeur, comme elle suffisait au mien, quels paisibles et délicieux jours nous eussions coulés ensemble !
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans 9e prom.
La surprise, la joie, trop de mouvements agitent mon âme, elle ne peut y suffire
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Théât. d'éd. Zélie, v, 10
3
Il s'emploie impersonnellement.
Tout beau, que votre haine, en son sang [celui de Pompée] assouvie, N'aille point à sa gloire ; il suffit de sa vie
de Pierre CORNEILLE dans Pomp. II, 2
On recherche les honneurs ; elle a jugé qu'il suffisait de s'en rendre digne
de Esprit FLÉCHIER dans Duch. de Mont.
Dans le crime il suffit qu'une fois on débute ; Une chute toujours attire une autre chute
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Sat. X
Il suffit de tes yeux pour t'en persuader
de Jean RACINE dans Phèdre, II, 5
Que de choses depuis Varron, que Varron a ignorées ! ne nous suffirait-il pas même de n'être savants que comme Platon ou comme Socrate ?
de Jean de LA BRUYÈRE dans XII
Il me suffit d'avoir mené votre esprit aussi loin que vont vos yeux
de Bernard le Bouyer de FONTENELLE dans Mond. 5e soir.
Il suffit que M. le marquis ait du goût ; c'est aux artistes à travailler pour lui
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Jeannot et Colin.
Je sais qu'aux Castillans il suffit de l'honneur
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Alz. I, 1
Nature : Absolument.
L'honneur parle, il suffit, ce sont là nos oracles
de Jean RACINE dans Iphig. I, 2
Il suffit ; comme vous je ressens vos injures
de Jean RACINE dans Brit. I, 3
Il a mordu le sein de sa nourrice : elle en est morte la pauvre femme, je m'entends, il suffit
de Jean de LA BRUYÈRE dans XII
Nature : Elliptiquement.
Vous croiriez que Pison est plus digne de Rome ; Pour ne plus en douter, suffit que je le nomme
de Pierre CORNEILLE dans Othon, III, 3
Suffit qu'en bel esprit on vous ait érigé, Pour ne pouvoir prétendre à la moindre fortune
de DESHOUL. dans Poés. t. I, p. 37
4
Se suffire, n'avoir pas besoin du secours des autres. Elles se sont toujours suffi.
N'attendez rien de grand de qui croit se suffire
de LA MOTTE dans Fabl. III, 7
Malgré ses talents et les ressources de son esprit, il [le régent] ne pouvait longtemps se suffire à lui-même ; la dissipation, le bruit, la débauche lui étaient nécessaires
de Charles Pinot, sieur DUCLOS dans Oeuv. t. v, p. 201
Quand on se suffit l'un à l'autre, s'avise-t-on de songer à un tiers ?
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Hél. I, 45
Ah ! ma fille, la triste et pénible résolution que celle de vivre seul, et de suffire à soi-même ! l'homme est trop faible pour se soutenir
de Jean-François MARMONTEL dans Cont. mor. Misanth. corr.
Il se conjugue avec l'auxiliaire avoir.

REMARQUE

1
1. Suffire veut à ou pour devant les noms et les verbes. Peu de bien suffit au sage. La vie, qui est courte et qui ne suffit presque pour aucun art, suffit pour être bon chrétien, NICOLE.
2
Nature : Impersonnellement, il régit de devant un nom et devant un infinitif. Il lui suffira de l'honneur. Il suffit d'être malheureux pour être à plaindre.
3
2. Avec que, il suffit veut le subjonctif. Il suffit que vous le disiez pour que je le croie. Cependant de bons auteurs ont employé aussi l'indicatif.
Il suffit que nous savons ce que nous savons, et que tu fus bien heureuse de me trouver
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Méd. m. lui, I, 1
Ne vous suffit-il pas que je l'ai condamné ? Ne vous suffit-il pas que ma gloire offensée Demande une victime à moi seule adressée ; Qu'Hermione est le prix d'un tyran opprimé ; Que je le hais ; enfin, seigneur, que je l'aimai ?
de Jean RACINE dans Andr. IV, 3
Qu'il te suffise donc, pour me justifier, Que je vis, que j'aimai la reine le premier
de Jean RACINE dans Mithr. I, 1
N'allons pas plus loin quant à présent ; il suffit que votre principale question est résolue
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Lett. à Mlle D. M. 7 mai 1764

HISTORIQUE

1
XIIIe s.
Raisons dit qu'il me souffisse, Quant onc j'i osai penser ; Mais amors pas ce ne prise
dans Couci, p. 119
Fille, dist Blanchefleurs, pas ne me doit soufire, De ce que [je] ne vous voi
dans Berte, LXXXVIII
2
XIVe s.
Et soufise ce que nous avons dit de ces choses
de Nicolas ORESME dans Éth. 26
Droit naturel, qui souffist estre escrit es cueurs des hommes
de Nicolas ORESME dans ib. 167
3
XVe s.
Avecques tout ce, il lui convenoit [il lui fallait] payer cent mille francs.... et tant faire qu'il souffisist au duc
de Jean FROISSART dans II, III, 65
4
XVIe s.
Lorsqu'on ne peut à bon souhait suffire, Le desir croist toujours en attendant
de ST-GELAIS dans p. 248, dans LACURNE
Voyans les Genevois [Génois] que breche à suffire avoient pour devoir donner l'assault
de J. D'AUTON dans Ann. de Louis XII, 1506, 1507
Suffit à un chrestien croire toutes choses venir de Dieu
de Michel de MONTAIGNE dans I, 248
Si ce qu'on a suffit à maintenir sa condition
de Michel de MONTAIGNE dans III, 49
Se sentans incommodez de loger si serré comme ils avoyent fait jusques-là, ils voulurent s'escarter, estimans qu'ayans deux mille harquebusiers, il ne suffisoit qu'à une armée de les deffaire
de Francois LANOUE, dit Lanoue Bras de Fer dans 646
Jean Buron du bas Poictou, qui, adverti d'appeller, respondit : Ne vous suffit-il pas d'avoir les mains teintes de mon sang sans en souiller d'autres ?
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans Hist. I, 79

ÉTYMOLOGIE

1
Lat. sufficere, de sub, sous, et facere, faire.

Synonymes de SUFFIRE

Termes proches de SUFFIRE