Définition de SUER

DÉFINITIONS - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : su-é

DÉFINITIONS

1
Rendre par les pores (ou orifices des glandes sudoripares) une humeur aqueuse.
L'attelage suait, soufflait, était rendu
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. VII, 8
Malgré le froid, je sue encor de mes efforts
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans l'Ét. IV, 5
Le feu comte du Lude disait qu'il n'avait jamais eu de mal, mais qu'il s'était toujours bien trouvé de suer : sérieusement, c'est un des remèdes de Duchesne pour toutes les douleurs du corps
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 243
Tantôt il donnait des remèdes qui faisaient suer
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans Tél. XVII
Il suait à grosses gouttes, et avait l'air d'être fatigué
de Alain René LESAGE dans Guzm. d'Alf. II, 1
Suer d'ahan, suer de la grande peine qu'on a.
[Ils] Sont à suer d'ahan pour expliquer le cas
de DU CERCEAU dans Poès. la Ravigotte.
Suer s'est dit dans le XVIIe siècle pour subir un traitement mercuriel contre la syphilis.
Fig. Sémantique : En termes d'argot financier, faire suer une affaire, lui faire rendre autant d'argent qu'il est possible.
Sémantique : Fig. et anciennement. Faire suer le bonhomme, se disait des soldats qui extorquaient de l'argent au paysan. à présent faisant suer le bonhomme, ainsi que vous dites, vous morguez les serviteurs du roi, Harangue du capitaine la Carbonnade en 1615, dans FR. MICHEL, Argot.
2
Sémantique : Fig. Éprouver de la peine, du malaise.
Il est vrai que l'on sue à souffrir ses discours
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Fem. sav. II, 7
J'ai bien sué en pensant aux périls de votre voyage
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 145
On dit qu'une poignée de chrétiens sortis d'un rocher font suer les Ottomans et fatiguent leur empire
de Charles-Louis de Secondat MONTESQUIEU dans Lett. pers. 19
Sémantique : Familièrement. Faire suer, causer ennui, contrariété.
Vous ne craignez que moi en ces occasions ; vous me faites suer ; mais vous faites rire les autres
de Françoise d'Aubigné, marquise de MAINTENON dans Lett. à M. d'Aubigné, 28 févr. 1678
Tout ce que je vous dis et tout ce que j'écoute, Me fait, ma foi, monsieur, suer à grosse goutte
de BARON dans le Jaloux, I, 7
Elle dit des choses d'une naïveté qui me fait suer
de Bernard le Bouyer de FONTENELLE dans Lett. gal. 30
Il fait suer, se dit d'un homme dont la conversation est pesante et importune.
Cela fait suer, cela excite l'indignation, le mépris.
3
Sémantique : Fig. Se donner beaucoup de peine pour venir à bout de quelque chose.
Et là suait Euryte à détacher les roches Qu'Encelade jetait
de François de MALHERBE dans II, 12
Thémis n'avait point travaillé, De mémoire de singe, à fait plus embrouillé ; Le magistrat suait en son lit de justice
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. II, 3
Lorsqu'elle vient me voir, je souffre le martyre ; Il faut suer sans cesse à trouver que lui dire
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Mis. II, 5
Les autres suent dans leur cabinet pour montrer aux savants qu'ils ont résolu une question d'algèbre qu'on n'aurait pu trouver jusqu'ici
de Blaise PASCAL dans Pens. IV, 2, éd. HAVET.
En vain pour la trouver [la rime] je travaille et je sue
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Sat. II
Sémantique : Fig.
Cette femme ambitieuse et vaine.... toute la nature s'épuise pour la parer, tous les arts suent, toute l'industrie se consomme
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans la Vallière.
4
Sémantique : Par extension, il se dit de l'humidité qui s'attache à la superficie de certaines choses. Les murailles suent pendant le dégel. Les foins suent, jusqu'à ce que toute l'humidité en soit évaporée.
5
Sémantique : Terme de cuisine. Faire exhaler une certaine humidité. Couvrir des marrons bouillis pour les faire suer.
Mettez dans le fond d'une casserole un peu de lard, quelques tranches d'oignon et des morceaux de veau minces par-dessus, et faites-les suer à très petit feu
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Maison rust. t. VII, p. 110, dans POUGENS
Il se conjugue avec l'auxiliaire avoir.
6
Nature : V. a. Suer du sang, rendre du sang par les pores.
Sémantique : Fig.
Mais ce traître [l'honneur].... Nous fait suer le sang sous un pesant devoir
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Sat. VI
Sémantique : Fig. et familièrement. Cet homme sue de l'encre, sue de l'huile, sa sueur a quelque chose de noir, d'huileux.
Sémantique : Fig. Suer la peur, avoir l'apparence comme si la peur sortait par tous les pores.
Tandis que tout Paris se jonchait de merveilles [dans les journées de juillet], Ces messieurs tremblaient dans leur peau, Pâles, suant la peur et la main aux oreilles, Accroupis derrière un rideau
de Auguste BARBIER dans ïambes, Curée.
Suer l'ennui, être ennuyeux.
Suer l'orgueil, être très orgueilleux.
Sémantique : Fig. Suer les grosses gouttes, éprouver une anxiété extrême.
Je me représente cette automne-là délicieuse, et puis j'en regarde la fin avec une horreur qui me fait suer les grosses gouttes
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 78
Ma bonne, vous m'avez fait suer les grosses gouttes en jetant ces pistoles qui étaient sur le bout de cette table [une table de jeu, chez le roi]
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 12 août 1685
Sémantique : Fig. Suer sang et eau, faire de grands efforts, se donner une grande peine pour quelque chose.
Je suais sang et eau pour voir si du Japon Il viendrait à bon port au fait de son chapon
de Jean RACINE dans Plaid. III, 3
Des oncles ou des pères qui suent sang et eau toute leur vie pour leur laisser [aux héritiers] de quoi se réjouir
de Alain René LESAGE dans Est. Gonz. 30
7
Sémantique : Terme de métallurgie. Suer le fer, lui donner une chaude complète.

HISTORIQUE

1
XIIe s.
.... Il lur aveit mustré Que ses mals [son mal] l'ot la nuit mult durement grevé, E encore le tint, mais un poi out sué
dans Th. le mart. 34
2
XIIIe s.
Moult li sua la pel del dos, Ainz qu'il venist à l'uis Renart
dans Ren. 10670
Là descendent li mès [les messagers] qui sont las et suant
dans Ch. d'Ant. v, 707
3
XIVe s.
Icellui Gerart respondi qu'il lui feroit suer les villenies que dites lui avoit
de Victor Henri-Joseph Brahain, dit DU CANGE dans suare.
4
XVe s.
Assemblés-vous ou IX ou X Des plus fors, des plus estourdis, Qui sçauront mieulx les coups ruer, Et luy faictes le sang suer, Tant que en luy n'en demeure goutte
dans Mistere de la passion Jesu-Crist, dans FR. MICHEL, Argot.
5
XVIe s.
Ce villain mot de concluer M'a fait d'ahan le front suer
de Clément MAROT dans 2, 196
La Baveresse, nommée ainsi pour avoir sué [avoir eu la syphilis]
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans Conf. I, 5

ÉTYMOLOGIE

1
Wallon, souwé ; provenç. suzar, suar ; espagn. sudar ; portug. suar ; ital. sudare ; du lat. sudare (voy. SUEUR).

Synonymes de SUER