Définition de SILENCE

DÉFINITIONS - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : si-lan-s'

DÉFINITIONS

1
Etat d'une personne qui s'abstient de parler.
Il supportait beaucoup de choses qu'il n'approuvait pas [chez les prédicateurs] ; et, comme il ne refusait jamais ses louanges au mérite, il donnait volontiers son silence à ce qui ne méritait pas d'être loué
Faites-lui du silence, et l'écoutez parler
de Pierre CORNEILLE dans l'Illus. comique, II, 1
Notre reine.... Doit rompre aux yeux de tous son silence obstiné
Il y a un silence de discrétion et de repos
Il faut se tenir en silence autant qu'on peut, et ne s'entretenir que de Dieu, qu'on sait être la vérité
En amour un silence vaut mieux qu'un langage ; il est bon d'être interdit ; il y a une éloquence de silence qui pénètre plus que la langue ne saurait faire
Rappelez en votre mémoire avec quelle circonspection elle ménageait le prochain, et combien elle avait d'aversion pour les discours empoisonnés de la médisance ; elle savait de quel poids est non-seulement la moindre parole, mais le silence même des princes
La reine d'Angleterre disait que les princes devaient garder le même silence que les confesseurs, et avoir la même discrétion
Il y a trois sortes de silence : le silence de zèle, le silence de prudence dans les conversations, et le silence de patience dans les contradictions
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Instr. aux Ursulines sur le silence, préamb.
Nous avons fait silence afin de l'écouter
de QUIN. dans Agrippa, V, 3
... Un des campagnards, relevant sa moustache.... Impose à tous silence....
Sa réponse [de Néron] est dictée, et même son silence
Pour garder jusqu'au bout un silence perfide
Elle [Rome] se tait du moins ; imitez son silence
Toute la troupe, étonnée, demeura dans le silence
D'abord il se fit un profond silence dans toute l'armée
Bientôt règne entre nous ce doux silence qui est le plus tendre langage des amants
Obéir en silence est votre seule gloire
Le silence n'est point une contradiction
Je voudrais bien savoir à quoi sert le silence ; Il ne guérit de rien ; au contraire, il aigrit Les maux et les tourments du coeur et de l'esprit
de LACHAUSSÉE dans Gouvern. I, 1
Le peuple n'a pas sans doute le droit de murmurer ; mais sans doute aussi il a le droit de se taire, et son silence est la leçon des rois
de L'ABBÉ DE BEAUVAIS dans Or. fun. Louis X
Le silence est profond : la parole ferait un mal insupportable dans cet état de l'âme où tout est intime et intérieur
Un regard, un silence, un accent de sa voix.... ô lyre, en disent plus que ta vaine harmonie
Il se dit au pluriel.
J'aime assez qu'on s'explique ; Les silences de cour ont de la politique
Elliptiquement, silence !
Chères soeurs, suspendons nos chants : Respectons ses chagrins ; elle approche, silence !
Silence au camp ! la vierge est prisonnière.... Silence au camp ! la vierge va périr
de Casimir DELAVIGNE dans Messén. Mort de Jeanne d'Arc
Son cercueil est fermé : Dieu l'a jugé ; silence !
On dit aussi quelquefois : du silence, un peu de silence.
Sémantique : Fig. Réduire au silence, ôter tout moyen de faire une réponse qui satisfasse.
Qu'on me parle tant qu'on voudra de combinaisons et de chances ; que vous sert de me réduire au silence, si vous ne pouvez m'amener à la persuasion ?
Sémantique : Fig. Imposer silence aux médisances, à la calomnie, au mensonge, etc les réduire au silence, faire que les médisances, que les calomnies, que les mensonges ne trouvent plus crédit et n'osent plus se produire.
Prêt d'imposer silence à ce bruit imposteur
2
Sémantique : Par analogie, il se dit du langage écrit. Le silence des journaux sur ce fait.
Le silence est la plus grande persécution : jamais les saints ne se sont tus
Le seul qui s'y fait entendre [parmi les protestants] depuis tant d'années, et à qui, par un si grand silence, tous les autres semblent laisser la défense de votre cause, c'est le ministre Jurieu
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans 1er avertissement, II
Grand roi, si jusqu'ici, par un trait de prudence, J'ai demeuré pour toi dans un humble silence
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Disc. au roi.
J'imite de Conrart le silence prudent
Le peu que nous venons de dire est suffisant pour engager les lecteurs éclairés à se tenir sur leurs gardes, à se défier et de la louange et du blâme, et du silence même ; car le silence a aussi sa malignité et son injustice
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Oeuvr. t. I, p. 383
On dit dans un sens analogue : J'ai adressé une demande à cet administrateur, à cette administration ; mais il garde, elle garde le silence.
Passer une chose sous silence, n'en point parler.
Ancien terme de chancellerie et de matière criminelle. Le roi imposait silence à ses procureurs généraux, lorsqu'il leur défendait de poursuivre davantage l'affaire criminelle pour laquelle il avait donné des lettres d'abolition.
3
Le silence de la loi, se dit en parlant d'un cas que la loi n'a pas prévu.
4
Interruption dans un commerce de lettres. Je ne puis expliquer votre long silence. Après avoir été longtemps sans vous écrire, je romps enfin le silence.
La même raison, monsieur, qui fait votre silence, fait aussi le mien
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans à Lamoignon, 27 août 1690
5
Secret.
Tout cela sera plongé, s'il plaît à Dieu, dans le silence ; c'est tout le mieux
Cet amour s'est longtemps accru dans le silence
Le secret et le silence sont les conditions d'un pacte entre le bienfaiteur délicat et son obligé
Ce qui nuirait s'il était connu, doit demeurer à jamais caché ; et la vérité dangereuse a le silence pour asile
[à Venise, sous l'inquisition d'État] La mort frappe sans bruit, le sang coule en silence
6
Oubli.
Elle [cette affaire] n'est bonne qu'à jeter dans l'abîme du silence
Leur vie [des pécheurs] passe comme l'ombre ; il vient un jour fatal où périssent toutes leurs pensées ; leur mémoire fait un peu de bruit, et va se perdre dans un silence éternel
7
Sémantique : Fig. Calme, absence de bruit.
On n'oit que le silence, on ne voit rien que l'ombre
de THÉOPHILE dans Pyrame et Thisbé, IV, 1
Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie
Ma soeur, qui peut causer votre sombre tristesse ? Le silence des bois sert à l'entretenir
de QUIN. dans Amad. II, 2
Pour animer ma voix, J'ai besoin du silence et de l'ombre des bois
Là parmi les douceurs d'un tranquille silence
Des victimes vous-même interrogez le flanc ; Du silence des vents demandez-leur la cause
Il semble pendant la nuit que tout soit en repos ; on s'imagine que les étoiles marchent avec plus de silence que le soleil
Un silence absolu porte à la tristesse ; il offre une image de la mort ; alors le secours d'une imagination riante est nécessaire
Il regarde, il écoute ; hélas ! dans l'ombre immense, Il ne voit que la nuit, n'entend que le silence
Le silence des tombeaux s'est substitué au murmure des places publiques
de VOLNEY dans Ruines, II
Le silence est profond dans cette ville [Venise], dont les rues sont des canaux ; et le bruit des rames est la seule interruption à ce silence
[Durant la nuit] Un silence pieux s'étend sur la nature
En le personnifiant.
J'écoute, à demi transporté, Le bruit des ailes du Silence Qui vole dans l'obscurité
de SAINT-AMAND dans le Contempl.
8
Sémantique : Fig. Absence d'agitation morale.
Si nous imposons silence à nos sens
Le silence des passions, le temps où elles laissent l'âme libre et calme.
Il faut briser ses chaînes, s'élever par des efforts redoublés jusqu'au monde intellectuel, s'approcher peu à peu de la suprême intelligence, et en contempler la nature divine dans le silence des sens et des passions
Imposer silence à ses passions, les réprimer, empêcher qu'elles ne troublent l'âme.
9
Interruption dans un bruit.
Il n'y a point d'intervalle sensible entre les vibrations ; il n'y a point de silence entre les sons : voilà pourquoi le son paraît continu
de Etienne Bonnot de CONDILLAC dans Traité anim. ch. 6
Les échos assoupis ne livrent au zéphire Que des soupirs mourants, de silences coupés
10
Sémantique : Terme de musique. Chacun des moments pendant lesquels, dans le courant d'un morceau, les chanteurs ou les instruments se taisent.
Ces différentes phrases [du chant du rossignol] sont entremêlées de silences, de ces silences qui, dans tout genre de mélodie, concourent si puissamment aux grands effets
Les sons et leur durée ne sont pas les seuls éléments de la musique ; le silence plus ou moins long y joue aussi un rôle fort important
de FÉTIS dans la Musique, I, 6
Sémantique : Par extension.
Silences, signes répondant aux diverses valeurs des notes, lesquels, mis à la place de ces notes, marquent que tout le temps de leur valeur doit être passé en silence
11
Il se dit, dans la déclamation, des suspensions que fait celui qui parle.
Il [Lekain] a quelquefois des silences trop longs ; il en faut comme en musique, mais il ne faut pas les prodiguer
Si Mlle Durancey entend, comme je le crois, le grand art des silences
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans ib. 11 févr. 1767
12
Sémantique : Terme de peinture. Se dit, par opposition à fracas, du calme ou de la simplicité qui règne dans une composition, dans le coloris et la disposition des lumières. Il y a du silence dans ce tableau.

HISTORIQUE

1
XIIIe s.
Silence te convient avoir, Silence est signe de savoir
dans le Castoiement d'un père, dans le Dict. de DOCHEZ
2
XIVe s.
Et fut silence faite
de Pierre BERCHEURE dans f° 67, recto
Une abusion est entre vous, que, si une de vous soit mise en silence par sa culpe, elle ne devroit lire, ne chanter, ne veer le sacrement de la messe
3
XVe s.
En imposant, sur ce, silence à nostre procureur et à tous autres procureurs d'office
de Jean JUVÉNAL DES URSINS dans Charles VI, 1415
Mais non pourquant tint il au fort Sa silence jusqu'à la mort
de Eustache DESCHAMPS dans Poésies mss. f° 509
4
XVIe s.
... D'un tel propos la silence rompit
de Clément MAROT dans IV, 22
Tout le monde assistant et escoutant en bonne silence....
Frere Jean rumpant cestuy tant obstiné silence
de François RABELAIS dans ib. IV, 63
Ils ne vont pas souvent aux champs, d'autant qu'ils ne peuvent supporter le requoy ni le silence de la solitude
Soit que la nuict, toute chose appaisant, Couvre la terre et guide le silence....

ÉTYMOLOGIE

1
Provenç. silenci, Nature : s. m. et silencia, s. f. espagn. silencio ; ital. silenzio ; du lat. silentium, de silere, se taire, qu'on rapproche du goth. silan, être tranquille ; comparez aussi le bas-bret. sioul, tranquille. L'ancienne langue avait le verbe siler, se taire : XIIIe siècle.
[Le rossignol] S'en va et si va silant
dans Bibl. des chartes, 4e série, t. V, p. 323

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
Sémantique : Terme de télégraphie. Interruption dans la transmission télégraphique.
La municipalité a installé M. F...., mort actuellement ; les employés du télégraphe n'ont pas voulu l'accepter, et, vous connaissez l'expression télégraphique, ils ont fait silence ; j'étais à Oran, et, pendant une journée ou une demi-journée, je suis resté sans communications télégraphiques
dans Journ. offic. 22 avril 1875, p. 2913, 2e col.
Des précautions avaient été prises à l'avance, en prévision d'une invasion du télégraphe ; le cas échéant, le signal silence devait être communiqué à toutes sections correspondant avec Alger
dans ib. 16 avril 1875, p. 2744, 1re col.
2
Ajoutez : XIIe s.
Li intergetteiz silences de la voiz
dans li Dialoge Gregoire lo pape, 1876, p. 32

Synonymes de SILENCE

Termes proches de SILENCE