Définition de R?ENTENDRE

DÉFINITIONS - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : ru-d'

DÉFINITIONS

1
Qui n'est pas dégrossi, qui est brut, inculte (sens propre et étymologique).
Vous avez ouï parler de cet amas rude et indigeste [le chaos] qui précéda la disposition et la beauté des choses que nous voyons
S'ils [les vers] n'étaient remplis d'une certaine beauté qui se fait sentir aux personnes même les plus rudes et les plus grossières
D'esprit, j'en ai fort peu ; mais on l'aurait bien rude Si l'on ne profitait d'une longue habitude
Les chiens du Kamtschatka sont grossiers, rudes et demi-sauvages, comme leurs maîtres
Des moeurs rudes, des moeurs d'une simplicité grossière.
2
Sémantique : Par extension du sens de non dégrossi. âpre au toucher. Avoir la barbe rude. Une brosse fort rude.
Qu'était-ce donc que son vêtement ? un rude cilice
de Louis BOURDALOUE dans Exhort. sur sainte Thérèse, t. I, p. 300
Couvert de petites saillies ou aspérités nombreuses et sensibles au toucher. Avoir la peau rude.
Se dit des plantes qui présentent au tact une aspérité insensible à l'oeil.
3
âpre au goût. Vin rude.
4
âpre et difficile, en parlant des chemins. Chemin rude.
Sémantique : Fig. Le rude sentier de la vertu.
Le juste, sévère à lui-même.... ne peut pas même obtenir que le monde le laisse en repos dans ce sentier solitaire et rude, où il grimpe plutôt qu'il ne marche
5
Qui cause de la fatigue, de la peine. Un rude métier. Il a entrepris une rude tâche.
Notre sort est beaucoup plus rude Chez les grands que chez les petits
Brontin.... Sort à l'instant, chargé d'une triple bouteille.... L'odeur d'un jus si doux lui rend le faix moins rude
Mais je ne trouve point de fatigue si rude Que l'ennuyeux loisir d'un mortel sans étude
Ce travail [le Siècle de Louis XIV] est rude ; il y a trois ans qu'il m'occupe et qu'il me tue, sans presque aucune diversion
Qu'il y ait parmi nous un homme [Damiens] qui ait osé attenter à la vie de son souverain.... qu'on l'ait condamné à être déchiré avec des ongles de fer.... démembré par des chevaux ; qu'on lui ait lu cette sentence terrible, et qu'après l'avoir entendue, il ait dit froidement : la journée sera rude
Ma chaise [voiture] était rude, et j'étais trop incommodé pour pouvoir marcher à grandes journées
Presque en toutes choses les commencements sont rudes
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans ib. III
Ce cheval est rude, il a le train rude, fatigant.
Ce barbier a la main rude, il ne rase pas légèrement.
Ce cavalier a la main bien rude, il mène durement son cheval.
6
Sémantique : Par extension, désagréable à voir, à entendre, à prononcer, etc. Avoir le visage, l'air, le regard, la voix rude.
....Sollicitude à mon oreille est rude
La colère et la tristesse les rendent [les traits du visage] plus rudes, et leur donnent un air ou plus farouche ou plus sombre
Par ce sage écrivain [Malherbe] la langue réparée N'offrit plus rien de rude à l'oreille épurée
La raison quittant son ton rude Prendra le ton du sentiment
Ce peintre a le pinceau rude, il peint d'une manière dure et sans grâce.
7
Il se dit de la rigueur des saisons. Un froid rude.
Le rude hiver des années dernières acheva de la dépouiller de ce qui lui restait de superflu
La Haie est un séjour délicieux l'été, et la liberté y rend les hivers moins rudes
Sémantique : Fig. Temps rudes, temps où le travail manque, et où la misère est grande.
8
Où il y a effort violent, lutte violente.
Après avoir achevé le rude siége de Besançon
Vous avez soutenu de rudes guerres, je l'avoue
Des richesses capables de fournir à toutes les dépenses d'une rude et longue guerre
La mêlée fut rude d'abord, chaque parti faisant des efforts extraordinaires de bravoure pour soutenir l'honneur de sa nation
de Charles ROLLIN dans ib. t. VI, p. 413
Le combat fut rude et très opiniâtre
de Abbé de René Aubert de VERTOT dans Rev. rom. XII, 215
9
Impétueux, intense. Une rude secousse. Essuyer une rude tempête.
Vous soutenez en paix une si rude attaque
Nous lui donnons quelquefois de rudes coups [au gouvernement anglais], mais nous ne le cassons pas
Sémantique : Fig. Un coup rude, une chose qui cause beaucoup de peine.
Ce coup sera sans doute assez rude pour elle
Il se forme parmi les grandeurs une nouvelle sensibilité pour les déplaisirs, dont le coup est d'autant plus rude, qu'on est moins préparé à le soutenir
Sémantique : Fig. C'est un rude coup pour lui, cet événement est très fâcheux pour lui.
10
Sémantique : Fig. Qui cause du mal, de la souffrance.
Deux choses dont la privation m'est bien rude
Il y a des endroits dans la vie qui sont bien amers et bien rudes à passer
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans à Bussy, 14 mai 1675
Qu'on ne dise donc plus que l'obéissance est rude ; au contraire, ce qui est rude, c'est d'être livré à soi-même et à ses désirs
Chrétiens, ne murmurez pas si Madame a été choisie pour nous donner une telle instruction ; il n'y a rien ici de rude pour elle, puisque Dieu la sauve par le même coup qui vous instruit
À la journée de Senef, le jeune duc.... vient dans les plus rudes épreuves apprendre la guerre aux côtés du prince son père
Quand on a assez d'élévation de génie et d'éloquence pour gouverner, il est bien rude de passer sa vie dans la dépendance d'un peuple capricieux
Je travaille depuis vingt ans à recouvrer cette estampe, et je désespère enfin d'y réussir ; cela est bien rude !
de Jean de LA BRUYÈRE dans XIII
Un écrit trop long est un impôt très rude qu'on met sur la patience du lecteur
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Pol. et lég. Lett à M. T***.
Le doute en mon malheur est un tourment trop rude
Sémantique : Fig. Une rude épreuve, une situation difficile et délicate, ou dangereuse pour le maintien de l'amitié.
Vous mettez notre amitié à une épreuve trop rude
11
Sémantique : Familièrement. Il se dit de ce qui se fait vivement sentir.
J'arrivai, sur le soir, au village d'Ataquinès, avec un très rude appétit
Une rude tentation, une tentation à laquelle il est difficile de ne pas succomber. J'eus une rude tentation de le confondre en public.
Cela me paraît rude, se dit d'une chose difficile à croire.
Ce trait est un peu rude, ce propos, ce procédé est difficile à supporter, à dissimuler.
Serait-il possible que les bontés de M. le duc de Choiseul pour ma colonie m'eussent fait tort, et que je fusse à la fois ruiné et opprimé pour avoir fait du bien ? cela serait rude
On commence aujourd'hui en ce sens à dire raide pour rude, tant par confusion que par besoin de varier les locutions.
12
Dur, fâcheux, en parlant des personnes. Un père rude à ou envers ses enfants.
Au moins, Seigneur, pardonne à cette multitude, à ce peuple ignorant ; ne lui sois point si rude
de GARN. dans les Juives, IV
Je croyais avoir été trop rude de refuser ce portrait à Mme de Fontevrault
La trouvant de jour en jour plus rude pour lui, par le chagrin qu'elle avait d'ailleurs
de LA FAY. dans Princesse de Montpensier, Oeuv. t. II, p. 322, dans POUGENS.
Non que tu sois pourtant de ces rudes esprits Qui regimbent toujours, quelque main qui les flatte
Vous savez, monsieur, que nous avions tous conseillé à Clarice d'affecter de paraître sévère et rude aux domestiques, en présence de M. Grichard, afin de gagner ses bonnes grâces
de BRUEYS dans Grondeur, I, 12
C'est un rude homme que M. André, quand il a affaire à cette espèce méchante et sotte
Las ! j'épousai bien jeune encor La liberté, dame un peu rude
de Pierre Jean de BÉRANGER dans Refus.
Il est rude aux pauvres gens, à pauvres gens, se dit quand un homme prend avantage de sa supériorité pour maltraiter un inférieur.
Ah ! que tu es rude à pauvres gens ! fi ! que cela est malhonnête de refuser les personnes !
Il se dit des choses en un sens analogue. Il reçut un traitement bien rude. Une rude réprimande.
Pour ne vous faire pas de réponse trop rude
Elle [la reine] lui fit à lui-même, dès l'après-dînée, des reproches aussi rudes et aussi violents, que s'il lui avait fait toutes les perfidies imaginables
Je ne sais comme vous avez pu imaginer qu'il fût honnête de refuser une telle chose [un cadeau du cardinal de Retz] ; ou je radote et ne sais plus vivre, ou c'eût été la plus rude et la moins respectueuse action que vous eussiez jamais pu faire
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans à Mme de Grignan, 22 août 1675
....Ah ! qu'il m'explique un silence si rude
13
Rigide, austère. La règle de cet ordre est bien rude.
14
Redoutable. Un rude adversaire.
Le pays délivré d'un si rude ennemi
Il avait souvent dit à Mme de Senantes, en parlant de Matta, que c'était la plus rude épée de France
C'est un rude joueur, une rude joueuse, se dit d'une personne qui ne sait pas jouer ou folâtrer sans faire du mal.
Sémantique : Fig. et familièrement. C'est un rude joueur, c'est un homme à qui il ne fait pas bon se jouer.
C'est un rude jouteur, c'est un homme avec qui il ne fait pas bon se mesurer, au propre et au figuré.
Ce n'est qu'un.... essai [la traduction d'un livre de Tacite].... un si rude jouteur m'a bientôt lassé
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Trad. du 1er livre des Histoires, Avert.
Sémantique : Populairement. Un rude lapin, un homme courageux, hardi.
15
Nature : S. f. Espèce de couleuvre.

HISTORIQUE

1
XIIIe s.
Li rudes hom fet la rude oeuvre ; Se rudes est, rudes est bues [le boeuf] ; Rudes est, s'a nom Rudebues ; Rustebues oevre durement
de RUTEBEUF dans 329
2
XIVe s.
Rudes, malgracieux jamais plus ne sera ; Il bat, il fiert, il rue les enfants de deça
dans Guesclin. 118
Semblant doulx et courtois vers tous, Et, en cuer, faulx, rude et estous [arrogant]
de BRUYANT dans dans Ménagier, t. II, p. 26
Il avoit enseigné les letres aus gens de la terre qui erent [étaient] rudes et simples
de Pierre BERCHEURE dans f° 9, verso
Oroison rude et mal composée
de Pierre BERCHEURE dans f° 89
3
XVe s.
....Et ne soyons pas si rudes et si rebelles, que nous fassions perdre davantage, puisque bellement.... nous pouvons venir à paix
Posons encore que l'homme soit de rude entendement, si est-ce, comme dict le proverbe, que l'usage rend maistre
dans Bouciq. IV, 10
Comment sont li noble si rude Qu'ilz ont la science en despit ? Dont ilz sont de venu petit
de Eustache DESCHAMPS dans Miroir de mariage, p. 110
Un soir, qu'il faisoit fort rude temps....
de LOUIS XI dans Nouv. XI
Laquelle femme ne fu aucunement visitée.... mais par gens rudes, ignorans, et non pas expers du mestier de cirurgerie
4
XVIe s.
Estant ainsi devenu de prince populaire tyran violent, il en fut estimé non seulement rude et rigoureux, mais, qui pis est, deloyal et ingrat
de Jacques AMYOT dans Pyrrh. 51
C'est une croppe de montagne rude et aspre de tous costez
de Jacques AMYOT dans Sylla, 38
C'a esté un zele desordonné de quelques rudes et idiots
de Jean CALVIN dans Avertissement sur les reliques
Il en fera une rude vengeance
Un rude tireur le floret au poing
de Michel de MONTAIGNE dans I, 164
Des nations assises soubs bien plus rude ciel que le nostre
de Michel de MONTAIGNE dans I, 259
À rude chien dur lien
de Randle COTGRAVE dans

ÉTYMOLOGIE

1
Provenç. rude ; espagn. rudo ; it. rude ; du latin rudis.

Synonymes de RUDE