Définition de R?CHABITE

DÉFINITIONS - PROVERBES - REMARQUE - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : mo-ké

DÉFINITIONS

1
Tourner en ridicule quelqu'un.
On ne rit point du ridicule des gens qu'on ne connaît point ; voilà pourquoi M. de Mazarin disait qu'il ne se moquait jamais que de ses parents et de ses amis
Tourner en ridicule quelque chose.
Des mystères sacrés hautement se moquait
Pour se moquer de leur religion [des Égyptiens], il [Cambyse] avait fait tuer le dieu Apis, c'est-à-dire le taureau sacré qu'ils adoraient sous ce nom
On commence à respecter très peu l'aventure de Curtius, qui referma un gouffre en se précipitant au fond lui et son cheval ; on se moque des boucliers descendus du ciel
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Mél. hist. Fragm. s. l'hist. art. XII
On se plaignait de l'envie en Grèce, on s'en plaignait à Rome, et je m'en moque quelquefois en France
La malignité saisit un ridicule et s'en moque ; la sottise se moque sans aucune raison
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Ad. et Théod. t. III, p. 237, dans POUGENS
2
Témoigner par des paroles ou par des actes qu'on ne fait nul cas de quelqu'un ou de quelque chose.
Faisons nos sûretés et moquons-nous du reste
Ce héros voit la fourbe et s'en moque dans l'âme
Je me moque de ces auteurs-là, s'ils sont contraires à la tradition
Si vous dites que nous avons menti, que cela est faux, qu'on se moque de vous.... nous trouverons que vous avez raison
Je me moque de ces moments d'amitié qui ne laissent aucun crédit à ceux que l'on aime
Il se moque des lois, se rit des immortels
de QUIN. dans Agrippa, I, 5
À peine Mme du Maine fut-elle mariée qu'elle se moqua de tout ce que M. le Prince lui put dire
de Mme DE CAYLUS dans Souvenirs, p. 247, dans POUGENS
Antoine, qui se voyait aux portes de Rome à la tête d'un puissant corps de troupes, se moqua du décret
Pie II envoya, au roi une épée bénite, mais il se moqua de lui, et ne donna point à son cousin le royaume de Naples
Je m'en moque comme de l'an quarante, sous-entendu de la république, dicton employé par les royalistes pour exprimer qu'on ne verrait jamais l'an quarante de la république.
Se moquer du monde, se moquer des gens, ne pas parler d'une manière sérieuse, ne pas mériter l'attention.
N'est-ce pas se moquer des gens ?
On ne peut se moquer du monde d'une façon plus grossière
Voilà une drôle de façon d'honorer un honnête homme, que de mettre une troupe de coquins après lui, c'est se moquer du monde
L'ange Ituriel se moque du monde, de vouloir détruire une ville si charmante
Allez, monsieur, vous vous moquez des gens
de BOISSY dans Français à Londres, 16
C'est se moquer de Dieu et du monde d'agir ainsi, c'est-à-dire c'est fouler aux pieds toutes sortes de lois.
3
Se moquer de, suivi d'un infinitif, n'agir pas raisonnablement. Il se moque de soutenir une chose si absurde.
Elle se moque de se piquer de jeunesse
de Jean de LA BRUYÈRE dans III
4
Refuser en ridiculisant, ne pas tenir à.
Je me moquerais fort de prendre un tel époux
Je veux ce soir lui donner pour époux un homme aussi riche que sage ; et la coquine me dit au nez qu'elle se moque de le prendre
5
Nature : Absolument. Ne pas parler, ne pas agir sérieusement.
En nous flattant il semble qu'il se moque
On crut qu'il se moquait ; on sourit, mais à tort
Votre père se moque ; et ce sont des chansons
Ah, monsieur Fleurant, c'est se moquer, il faut vivre avec les malades
Nous ne songeons plus qu'il y ait eu un comte de Guiche au monde ; vous vous moquez avec vos longues douleurs
Sémantique : Par civilité. Vous vous moquez de moi, vous vous moquez, c'est-à-dire vous me traitez avec trop de cérémonie, vous poussez trop loin la politesse.
Éraste : Je vous prie de m'excuser de l'incivilité que je commets. - M. de Pourceaugnac : Vous vous moquez
Il me dit que je me moquais ; que ces compliments ne se faisaient pas entre amis
Vous moquez-vous ? de grâce, ne prenez pas garde à moi ; entre amis et voisins les compliments doivent être bannis
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Théâtre d'éduc. le Vrai sage, II, 6
6
Être moqué, être tourné en ridicule.
Les esprits forts qui s'étaient moqués de la fée furent moqués à leur tour
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Reine Fantasque.
Qui n'a pas été opprimé par les puissants, moqué par les faibles, fui et abandonné par tous les hommes !
de VAUVENARGUES. dans Orat. chagrin.
7
Se faire moquer, être tourné en ridicule. Il s'est fait moquer pour sa conduite étourdie. Il s'est fait moquer de tout le monde.

PROVERBES

1
Exemple : La pelle se moque du fourgon, se dit lorsqu'une personne se moque d'une autre qui aurait autant de sujet de se moquer d'elle.
L'abbé Testu dit rudement à notre voisine : Mais, madame, si elle vous avait répondu que la pelle se moque du fourgon, qu'auriez-vous dit ? Monsieur, dit-elle, je ne suis point une pelle, et elle est un fourgon
2
Exemple : Il ne faut pas se moquer des chiens qu'on ne soit hors du village, c'est-à-dire il ne faut pas choquer un homme tant qu'on est dans un lieu où il peut vous nuire.
3
Donner à plus riche que soi, le diable s'en moque, signifie que, les largesses faites à des riches étant rarement désintéressées, le diable ne doit pas en tenir compte, ou bien qu'il est ridicule de donner à plus riche que soi.

REMARQUE

1
1. On notera que moquer a une forme passive, bien qu'il n'ait pas de forme active. On ne dit pas moquer quelqu'un ; mais on dit être moqué par quelqu'un. L'ancienne langue employait régulièrement l'actif.
2
2. À côté de se faire moquer, tournure qui est la tournure régulière, il s'en est introduit une autre qui est complétement inconciliable avec la syntaxe ; c'est : vous vous ferez moquer de vous, il s'est fait moquer de lui, etc. De vous, de lui, etc. ne peuvent se construire : faire moquer soi de soi, ne signifie rien. Cependant il faut ajouter que cette locution, tout opposée à la grammaire et même toute barbare qu'elle est, a pour elle l'usage, l'autorité de l'Académie et celle des exemples.
Ne vaut-il pas mieux porter son mal en patience, que de se faire moquer de soi par des regrets inutiles ?
de D'ABLANCOURT dans Lucien, Dial. des morts, Achille et Antiloque.
Il se fait moquer de lui en public à cause de sa timidité
de D'ABLANCOURT dans Lucien, Jupiter le tragique.
Xanthus avait une femme de goût assez délicat, et à qui toutes sortes de gens ne plaisaient pas ; si bien que de lui aller présenter sérieusement son nouvel esclave [Ésope], il n'y avait pas d'apparence, à moins qu'il ne la voulût mettre en colère et se faire moquer de lui
de Jean de LA FONTAINE dans Vie d'Esope.
C'est un orgueil indiscipliné qui se vante, qui va à la gloire avec un empressement trop visible ; il se fait moquer de lui
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Pensées chrét. 21
Je me ferais moquer de moi
Certains particuliers qui.... excitent par une dépense excessive et par un faste ridicule les traits et la raillerie de toute une ville qu'ils croient éblouir, et se ruinent ainsi à se faire moquer de soi
de Jean de LA BRUYÈRE dans VII
Albergotti s'évanouit chez Mme de Maintenon, et, tout à la mode qu'il fût, se fit moquer de lui
Je crus que je me ferais moquer de moi, si je m'expliquais d'une manière bien claire
Un étranger qui écrirait en français croirait bien faire que d'emprunter beaucoup de phrases à Molière, et se ferait moquer de lui
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Mél. t. V, Sur la latinité des modernes.
Tu te fais moquer de toi par les voyageurs qui descendent dans cette auberge

HISTORIQUE

1
XIIIe s.
Teus [tel] me tient ore en grant honneur et en grant reverence qui adont se moqueroit de moi
dans Hist. litt. de la France, t. XXIII, p. 727
Vostre orguel ne vaut une coque ; Sachiés que fortune vous moque
dans la Rose, 6542
De joste son seignor se sist Au mangier, et maintenant rist De Renart qui les a moquiez
dans Ren. 22137
Le bon comte de Soissons, en ce point là où nous estions, se moquoit à moy [plaisantait avec moi] et me disoit : Seneschal, lessons huer ceste chiennaille
Sa fame et si enfant vraiement s'en anuient ; Li estrange le moquent, et li sien le defuient [fuient]
2
XIVe s.
Quant l'empereur vist l'escript, il fut tout esmerveillé, et dit que le clerc s'estoit moqué de luy
dans Modus, f° CXIX
Nariller, frotter la narine ou mouquer [subsannare]
3
XVe s.
Ainsi de moy fort amour se mocquoit
de Charles D'ORLÉANS dans I
4
XVIe s.
Et que le mocqueur soit à mocquer si adestre, Que le mocqué s'en rie, et ne pense pas l'estre
de Pierre de RONSARD dans 659
Ils y apprenoient à s'entre-moquer plaisamment, et à ne se courroucer point pour estre semblablement moquez
de Jacques AMYOT dans Lyc. 19
Les tribuns ne se feirent que rire et moquer de ceste advertissement
de Jacques AMYOT dans Cam. 23
Diogenes, à un qui luy disoit, " Ceux là se moquent de toy, " " Je ne m'en tiens, dit-il, point pour moqué. " Voulant dire qu'il reputoit ceulx là seuls estre moquez, qui se passionnent et se troublent pour des moqueries
de Jacques AMYOT dans Fab. 23
Et ce je appelle moque Dieu, non oraison
Qui de nous ne se mocque de veoir....
de Michel de MONTAIGNE dans I, 84
Le fourgon se mocque de la paele
de Michel de MONTAIGNE dans III, 388
Elle [la vieillesse] se faict mocquer d'elle

ÉTYMOLOGIE

1
Provenç. mochar ; angl. to mock. Diez rapproche l'espagnol mueca, grimace, de moquer, qu'il tire, comme la plupart des étymologistes, du verbe grec signifiant railler. Cette étymologie paraît plausible ; cependant on ne voit pas comment un verbe grec serait entré, sans intermédiaire latin, dans le provençal et le français, et y serait entré sans pénétrer simultanément dans l'espagnol et l'italien ; car l'assimilation de mueca et du terme grec est très problématique. Le celtique a : kimry, moc, moquerie, mociaw, se moquer ; gaél. mag, se moquer ; on pourrait y voir l'origine de notre mot. Enfin Scheler, repoussant aussi le verbe grec, croit que moquer est la forme picarde de moucher (ce qui pourrait être en effet), et que moquer ou moucher est une locution figurée pour railler, duper : se moucher de quelqu'un, à peu près comme les latins disaient emungere, qui signifiait à la fois se moucher, et duper, railler. Cette étymologie est fortement appuyée par l'exemple du XIVe siècle qui rend subsannare, railler, par mouquer ; elle l'est aussi par le sens populaire de moucher, qui veut dire corriger un homme, le battre : je l'ai mouché ; tu vas te faire moucher.

Termes proches de MOQUER (SE)