Définition de ROUGIR

DÉFINITIONS - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : rou-jir

DÉFINITIONS

1
Rendre rouge, peindre ou teindre en rouge. Rougir une porte.
Ils rougissent le mors d'une sanglante écume
de Jean RACINE dans Phèdre, V, 6
Jamais le sang humain n'a rougi cette terre
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans Tél. VIII
Je découvrais au loin la mer de l'Archipel avec toutes ses îles ; le soleil couchant rougissait les côtes de Zea
de François René CHATEAUBRIAND dans Itin. part. 1
Ne faire que rougir son eau, mêler à beaucoup d'eau peu de vin.
Donner une façon aux cuirs en leur appliquant un rouge composé de bois de Brésil et de chaux.
2
Sémantique : Fig. Rougir ses mains de sang, tuer quelqu'un.
Sémantique : Par extension, exercer des proscriptions sanglantes.
3
Nature : V. n. Devenir rouge.
Songe aux fleuves de sang où ton bras s'est baigné, De combien ont rougi les champs de Macédoine, Combien en a versé la défaite d'Antoine
de Pierre CORNEILLE dans Cinna, IV, 3
À peine son sang coule et fait rougir la terre....
de Jean RACINE dans Iph. V, 6
Le cuivre et le fer rougissent longtemps avant de fondre
de BRISSON dans Traité de phys. t. II, p. 248
Les cerises commençaient à rougir, et déjà dans les bois on pouvait cueillir des fraises
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Veillées du château t. I, p. 446, dans POUGENS
Faire rougir un fer au feu.
4
Sémantique : Familièrement. Devenir cardinal.
Deux ans après avoir rougi de la sorte, il [l'archevêque de Rouen] fut chancelier de l'ordre par la mort de Cheverny
de Louis de Rouvroy, duc de SAINT-SIMON dans 121, 76
5
Les yeux rougissent, ils deviennent rouges pour avoir pleuré.
Mme de Vins s'attendrit en parlant de la bonté de votre coeur, et tous nos yeux rougirent
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 394
Il me fit croire que les yeux me rougissaient d'un tel souvenir
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 414
6
Il se dit des personnes.
Et dans un même instant par un effet contraire Leur front pâlir d'horreur et rougir de colère
de Pierre CORNEILLE dans Cinna, I, 3
Elle rougit, et n'en fut que plus belle
de Jean de LA FONTAINE dans Confid.
Elle rougissait de tout, sans rien faire dont elle eût à rougir
de Antoine HAMILTON dans Gramm. 9
La décence est une autre gêne pour les poëtes comiques ; une mère veut pouvoir mener sa fille au spectacle, sans avoir à rougir pour elle, si elle est innocente ; et sans la voir rougir, si elle ne l'est pas
de Jean-François MARMONTEL dans Oeuv. t. IX, p. 402
Malheureusement, ne rougit pas qui veut
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Ad. et Th. t. II, p. 173, dans POUGENS
Nous avons regardé Mlle Aline, qui a rougi jusqu'aux oreilles
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Théât. d'éduc. la Lingère, I, 5
Plus d'une fois Sa Majesté rougit jusqu'au blanc des yeux
de LOMÉNIE DE BRIENNE dans Mém. inéd. t. II, p. 42, dans POUGENS
Vous mentirez pour moi, je rougirai pour vous
de Jacques DELILLE dans Conversat. II
7
Sémantique : Fig. Avoir honte, confusion.
Dans les affaires pressantes, les particuliers et les républiques vouaient à Vénus des courtisanes, et la république ne rougissait pas d'attribuer son salut aux prières qu'elles faisaient à leur déesse
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Hist. II, 5
La vie de celui dont je viens vous entretenir a été telle par sa grâce [de Dieu], que je ne rougirai point de la célébrer en présence de ses saints autels et au milieu de son église
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Bourgoing.
Si tu ne rougis pas de pécher, rougis au moins de ne pas rougir en péchant
de Louis BOURDALOUE dans Exhort. sur la flagellat. de J. C. t. II, p. 83
Il fuyait les acclamations populaires, il rougissait de ses victoires, il venait recevoir des éloges comme on vient faire des apologies
de Esprit FLÉCHIER dans Turenne.
Si l'homme savait rougir de soi, quels crimes, non-seulement cachés mais publics et connus, ne s'épargnerait-il pas ?
de Jean de LA BRUYÈRE dans XI
Que dira la postérité, lorsqu'il lui faudra rougir de la honte de ses pères ?
de Charles-Louis de Secondat MONTESQUIEU dans Lett. pers. 146
J'ai une pension du roi, je rougirais de la recevoir tant qu'il y aura des officiers qui souffriront
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. Thiriot, 31 janv. 1761
Pourquoi des malhonnêtes gens rougiraient-ils de l'être, quand on ne rougit pas de leur faire accueil ?
de Charles Pinot, sieur DUCLOS dans Consid. moeurs, 4
Sémantique : Fig.
Ses instructions [d'un prédicateur] ne rougissent pas de sa conduite
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Mélange.
Notre raison rougit tout bas de la faiblesse de nos penchants
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Pécheresse.
Nature : Absolument.
Mais, pour moi, dont le front trop aisément rougit, Ma bouche a déjà peur de t'en avoir trop dit
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Sat. X
N'osez-vous sans rougir être père un moment ?
de Jean RACINE dans Iphig. II, 2
Faire rougir, couvrir de confusion.
Qui ne nous touche point ne nous fait point rougir
de Pierre CORNEILLE dans Hor. V, 3
Adieu ; ce mot lâché me fait rougir de honte
de Pierre CORNEILLE dans Cid, V, 1
Il pourrait faire rougir la Sorbonne, si les corps rougissaient
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. Damilaville, 10 avril 1767

HISTORIQUE

1
XIIe s.
Par les escuz ù l'or rugist, Se passent les grans fers d'acier
de Benoît de Sainte-Maure dans II, 5266
Car um veïst le sanc el blanc cervel rouir, Le cervel ensement el vermeil sanc blanchir
dans Th. le mart. 151
D'ire et de mautalent [il] roigit come cerise
dans Sax. XXIII
Li uns rouir, altres palir
dans Rou, V. 13146
2
XIIIe s.
Tybers, qui gardoit l'huis, de paour en rougi
dans Berte, LXXXIX
Cil aient honte et s'en rogissent, Qui por mes dolors s'esjoissent
dans Psaumes, dans Liber psalm. p. 284
3
XIVe s.
Ceulx qui ont verconde rougissent, et ceulx qui ont paour de mort pallissent
de Nicolas ORESME dans Éth. 138
4
XVe s.
Yeulx rougis, plains de piteux pleurs
de Charles D'ORLÉANS dans Bal. 88
Tant chauffe on le fer qu'il rougist
de François de Montcorbier, dit VILLON dans Ballade.
5
XVIe s.
Ne rougissant non plus d'estre rencontré en cela, que si on l'eust trouvé plantant des aulx
de Michel de MONTAIGNE dans II, 351
J'en ai rougi pour vous, quand l'acier de mes vers Burinoit votre histoire aux yeux de l'univers
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans Tragiques, princes.

ÉTYMOLOGIE

1
Rouge 1 ; wallon, rogi ; norm. faire rouir des oignons, les faire cuire dans le beurre roux ; provenç. rogir. L'ancienne langue avait le verbe roujoier, roujeier, présenter des teintes rouges.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
Nature : S. m. Le rougir, action de devenir rouge.
La nature veut que les plus forts connaissent qu'ils ne le sont pas assez pour lui résister ; le rougir est du nombre de ces infirmités
de François de MALHERBE dans Lexique, éd. L. Lalanne.

Synonymes de ROUGIR

Termes proches de ROUGIR