Définition de RETENIR

DÉFINITIONS - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : re-te-nir

DÉFINITIONS

1
Tenir encore une fois, ravoir. Je voudrais bien retenir l'argent que je lui ai prêté.
Il voudrait bien retenir ce qu'il a dit, il voudrait ne l'avoir pas dit.
2
Garder par devers soi ce qui est à un autre. Retenir le bien d'autrui. On lui a retenu cinq francs sur sa paye.
C'est toi qui as retenu ma montre ?
On allait vendre ou du moins retenir son linge et ses habits, quand cette femme dont je parle a payé pour elle
3
Ne point se dessaisir d'une chose, la garder toujours.
Cinna, par vos conseils je retiendrai l'empire ; Mais je le retiendrai pour vous en faire part
La possession d'un coeur est fort mal assurée, lorsqu'on prétend le retenir par force
Brutus et Cassius me suivront en Asie ; Antoine retiendra la Gaule et l'Italie
Sémantique : Terme de palais. Donner et retenir ne vaut, une donation n'est pas valable, si l'on ne se dessaisit pas en effet de ce que l'on donne ; c'est ce qu'on appelle un brocard de droit.
4
En parlant des habitudes, des qualités bonnes ou mauvaises, des observances, ne point perdre. Retenir l'accent de son pays.
Ils retenaient encore beaucoup des moeurs de leur pays
de Claude Favre de VAUGELAS dans Q. C. 409
Dans la suite, on se dispensa de cette loi, mais c'était l'intention de Romulus qu'elle fût gardée, et on en retint toujours quelque chose
Je puis être à lui [Dieu], et retenir toute mon indignité, parce que je puis être à lui et n'en être pas meilleur
de Louis BOURDALOUE dans Purif. de la Vierge, Myst. t. II, p. 263
Il n'est pas moralement possible que ce chrétien retienne la fréquente communion, sans être puissamment et continuellement excité à purifier son coeur
de Louis BOURDALOUE dans Dim. Oct. du St-Sacrement, Dominic. t. II, p. 325
Vous vous faites à vous-même un plan de conduite dont vous ne bannissez que vos malheurs passés ; vous retenez tout ce qui peut vous y conduire par d'autres routes
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Pâques.
Il [Pyrrhon] ne retint de la doctrine de ses maîtres que les principes qui favorisaient son penchant naturel à ce doute
5
Prélever, déduire d'une somme. En me payant il a retenu la somme qu'il m'avait prêtée.
Sur cette somme annuelle, on retenait une partie pour les habits, les armes et les tentes
6
Réserver. Il a donné son bien, mais il en a retenu l'usufruit. Il a affermé sa terre, mais il a retenu les bois et les vignes.
7
Sémantique : Terme de procédure. Retenir une cause, se dit des juges qui décident qu'une cause est de leur compétence.
Il signifie aussi : la conserver au rôle pour qu'elle soit jugée à son rang et sans délai.
8
Sémantique : Terme d'arithmétique. Retenir un ou plusieurs chiffres, les réserver pour les joindre aux chiffres de la colonne qu'on doit calculer après : je pose 7 et retiens 2 ; ou, elliptiquement : pose 7 et retiens 2. En 145, je pose 5 et retiens 14.
9
S'assurer par précaution de ce qu'un autre aurait pu prendre.
Ce jour-là, les comédiens avaient été retenus pour représenter une comédie chez un des plus riches bourgeois de la ville
Les violons sont retenus, le festin est commandé, et ma fille est parée pour vous recevoir
J'ai déjà retenu quatre laquais qui jouent parfaitement du violon
de BRUEYS dans Grondeur, II, 15
Cet appartement, j'irai dès ce soir le retenir pour vous
Je lui avais retenu un intendant, qui devait aujourd'hui entrer chez elle ; et cependant elle en a pris un autre
Il [Racine] était bien pardonnable d'être un peu fâché contre ceux qui envoyaient leurs laquais battre des mains à la Phèdre de Pradon, et qui retenaient les loges à la Phèdre de Racine, pour les laisser vides et pour faire accroire qu'elle était tombée
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Mél. litt. Honnêt. litt. préambule.
Enfin, quoiqu'il n'eût pas besoin de secrétaire, En cette qualité monsieur l'a retenu
Sémantique : Fig.
Attendez que nous partions ensemble, quand je me verrai prêt à mourir, je vous manderai, si je puis, le jour que j'aurai retenu ma place au coche
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Lett. à Volt. 25 janv. 1770
Familièrement et ironiquement. Je vous retiens, je le retiens, se dit à propos de quelqu'un qui dit ou fait une sottise. Je vous retiens pour faire des commissions, se dit à quelqu'un qui s'en est mal acquitté.
Sémantique : Populairement. Je retiens part, j'en retiens part, se dit, quand on voit quelqu'un ramasser quelque chose, pour signifier qu'on prétend avoir part à ce qu'il a trouvé.
Je n'ai pu résister au plaisir de me vanter de vos bontés, et un passant a dit : j'en retiens part
Je lui dirai, comme les gens du peuple : j'en retiens part, tant ses satires me paraissent redoutables
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Lett. à Voltaire, 4 déc. 1770
Retenir date, indiquer à quelqu'un un jour, une époque où l'on exigera de lui telle chose.
Retenir une date en cour de Rome, prendre une date, s'assurer d'une date en cour de Rome.
Dans l'ancien style parlementaire, ce conseiller a retenu le bureau, il s'est assuré d'un jour fixe pour rapporter le procès dont il est chargé.
Je retiens croix, je retiens pile, se dit, au jeu de croix ou pile, pour signifier que l'on gage que le côté de la pièce de monnaie qui paraîtra sera croix, sera pile.
On dit dans un sens analogue, quand on joue à pair ou non : je retiens pair, je retiens non.
Les enfants disent de même dans leurs jeux : je retiens de jouer le premier.
10
Ne pas laisser aller, en parlant des choses qu'on arrête, qui sont arrêtées.
S'il retient les eaux, tout deviendra sec ; et, s'il les lâche, elles inonderont la terre
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Job, XII, 15
Ils se sont creusé des citernes entr'ouvertes, des citernes qui ne peuvent retenir l'eau
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans ib. Jérémie, II, 13
C'est une chaussée qui suit les bords de la Loire et retient cette rivière dans son lit
de Jean de LA FONTAINE dans Lettres, 7
Le coeur vole au plaisir que l'instant a produit, Et cherche à retenir le plaisir qui s'enfuit
Garder dans sa bouche.
La première chose que je fis en mettant pied à terre fut d'entrer dans le lac [la mer Morte] jusqu'aux genoux, et de porter l'eau à ma bouche ; il me fut impossible de l'y retenir ; la salure en est beaucoup plus forte que celle de la mer
Garder dans son corps. Retenir son urine. Retenir son eau.
11
Retenir son haleine, ne pas la laisser sortir.
Il [Fox, fondateur de la secte des quakers] se mit à trembler, à faire des contorsions et des grimaces, à retenir son haleine, à la pousser avec violence ; la prêtresse de Delphes n'eût pas fait mieux
Ils [les Prussiens] se lèvent, ils l'entourent [d'Assas], lui mettent vingt baïonnettes sur la poitrine : si vous criez, vous êtes mort ; il retient son souffle un moment pour crier plus fort : à moi, d'Auvergne, les voilà, et il tombe percé de coups
On dit de même : retenir ses soupirs, ses larmes.
Et vous, madame, Retenez des soupirs dont vous me percez l'âme
Nous ne pûmes, en le remerciant, retenir nos larmes
Il ne la faut donner [la tragédie des Scythes] que quand Mlle Durancy sera sûre de son rôle, et qu'elle aura appris à répandre et à retenir des larmes
Sémantique : Fig.
Que de fois dans ce coeur, honteux de la tromper, Je retins mon secret qui voulait m'échapper !
Retenir le rire, s'empêcher de rire.
Elle confesse qu'elle avait tellement perdu les lumières de la foi, que, lorsqu'on parlait sérieusement des mystères de la religion, elle avait peine à retenir ce rire dédaigneux qu'excitent les personnes simples, lorsqu'on leur voit croire des choses impossibles
Retenir sa langue, ne pas se laisser aller à parler, à trop parler.
Pourquoi ces retraites, ces veilles, ces jeûnes, ces continuelles prières, si nous ne laissons pas avec cela de nous damner en ne retenant pas notre langue ?
de Louis BOURDALOUE dans 11e dim. après la Pentecôte, Dominic. t. III, p. 256
12
Arrêter, ne pas laisser aller, en parlant des personnes.
Je suis encore ici, M. et Mme de Chaulnes font de leur mieux pour m'y retenir
Il ne m'a retenu que pour parler de vous
Et qui s'honorerait de l'appui d'Agrippine, Lorsque Néron lui-même annonce ma ruine, ....Quand Burrhus à sa porte ose me retenir ?
Il était tous les jours retenu pour quelque repas
Et de voir qu'on retînt en prison une belle dame et deux amis pour un crime qu'il n'avait pas fait
Au lieu que le roi [Charles XII] avait renvoyé tous ces prisonniers moscovites qu'il ne craignait pas, le czar retint les Suédois pris à Pultava
Il voulut s'en aller, elle le retint : Vous êtes de mes amis, lui dit-elle, et l'un de ceux que je vois avec plus de plaisir
Il me retint par ma robe, en me suppliant de lui accorder un moment d'entretien
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Ad. et Th. t. II, p. 337, dans POUGENS
Retenir à, avec un infinitif, garder quelqu'un pour qu'il couche, dîne dans la maison.
Mme de la Fayette me retint à coucher
Je retins mon frère à dîner
Je ne vous retiens plus, se dit à une personne qu'on renvoie, à qui on permet de prendre congé.
Monsieur, peut-être ailleurs êtes-vous attendu ; Je ne vous retiens point
de BOURSAULT dans Fabl. d'És. III, 4
Je ne te retiens plus, sauve-toi de ces lieux
La bonté du terroir y retint ceux du pays
de VAUG. dans Q. C. VIII, 2
La cour ne le retint guère [le duc d'Enghien], quoiqu'il en fût la merveille
Ne prétendrais-tu point, par tes fausses couleurs, Déguiser un amour qui te retient ailleurs ?
Pourrai-je m'arracher de ce séjour plein d'illusion, où rien ne m'attache, où tout me retient ?
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Mme de Maintenon, t. I, p. 257, dans POUGENS
Sémantique : Fig. Vos périls me retiendraient à la vie, Exil de Cicéron, dans DESFONTAINES.
Un ami mourant a souvent voulu que son ami lui prît la main, pour le retenir dans la vie, tandis qu'il se sentait entraîné par la mort
de François René CHATEAUBRIAND dans Italie, Tivoli.
13
Empêcher de sortir.
Des faveurs de l'hiver redoutez le danger, Et retenez vos fleurs qui se pressent d'éclore
de Jean-Baptiste ROUSSEAU dans Sur un arbrisseau.
Sémantique : Fig.
Renfermés dans leur criminelle timidité, ils gardent un profond silence : ils retiennent la vérité dans l'injustice
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Avent, Épiphanie.
Empêcher d'avancer, de cheminer.
J'ai bien tâché [pendant le temps que je viens de passer avec vous] à retenir tous les moments, et ne les ai laissés partir qu'à l'extrémité
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans à Mme de Grignan, 10 nov. 1673
Le temps vole et m'emporte malgré moi ; j'ai beau vouloir le retenir, c'est lui qui m'entraîne ; et cette pensée me fait grand'peur
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans à Bussy, 12 juillet 1691
Les jours vont si vite, et les mois et les années, que, pour moi, mon cher cousin, je ne puis plus les retenir
14
Fixer, empêcher de tomber, de retomber.
Corinne souleva le rideau, et le retint pour laisser passer lord Nelvil
Retenir une poutre, l'attacher avec un lien de fer pour l'empêcher de tomber.
15
S'opposer à l'effet prochain d'une action. Il serait tombé dans le précipice si je ne l'eusse retenu.
Reviens me rendre compte, et voir s'il faut hâter Ou retenir les coups que je dois lui porter
Mérope allait verser le sang de l'assassin ; Ce vieillard, dites-vous, a retenu sa main
Sémantique : Fig.
Le bruit de son trépas D'un vainqueur trop crédule a retenu le bras
16
Réprimer, modérer, empêcher, en parlant des personnes.
La crainte des peines les retient
de PATRU dans Plaidoyer, 6
Mon père, retenez des femmes qui s'emportent
Leur sexe aime à jouir d'un peu de liberté ; On le retient fort mal par tant d'austérité
En vain les rois d'Angleterre ont cru les pouvoir retenir [les esprits] sur cette pente dangereuse [de la liberté religieuse] en conservant l'épiscopat
Il [Théodose] épouvanta les hérétiques sans les punir ; il les retint dans l'obéissance
Par combien de liens il était retenu [dans le protestantisme] !
La raison pourquoi le cardinal Mazarin différait tant à accorder les grâces qu'il avait promises, c'est qu'il était persuadé que l'espérance est bien plus capable de retenir les hommes dans le devoir que non pas la reconnaissance
de Jean RACINE dans Fragm. hist.
Ne me retenez point, monsieur le marquis, ne me retenez point
Ce n'est plus le besoin que j'ai de lui qui me retient ; c'est moi que je ménage
Vous êtes pour moi le démon de Socrate ; mais son démon se bornait à le retenir, et vous m'inspirez
On peut éclairer celui qui s'abuse ; mais comment retenir celui qui se vend ?
Il a autant besoin d'être poussé que l'autre d'être retenu
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Projet d'éduc.
Il se dit des sentiments que l'on contient.
Si cet homme est à vous, imposez-lui silence, Madame, et retenez une telle insolence
Il est aisé de conclure que, parmi cette foule de pécheurs qui provoquent la colère du ciel, il y a quelques justes cachés qui la retiennent
de Esprit FLÉCHIER dans Panégyr. Franç. de Paule.
Je sais.... que la force peut agir.... pour assurer la paix, pour protéger l'innocence, pour arrêter la malice qui se déborde, et pour retenir la cupidité dans les bornes de la justice
Il allait porter son encens avec peine sur les autels de la fortune, et revenait chargé du poids de ses pensées qu'un silence contraint avait retenues
Je m'observe sans cesse pour retenir mon impatience, et pour empêcher qu'on ne s'aperçoive que je la retiens
Rendez grâce au seul noeud qui retient ma colère ; D'Iphigénie encor je respecte le père
C'est vous qui retenez mes passions impétueuses
Cette dignité qui retient les saillies du tempérament, cette humanité qui rend plus sensible aux impressions de la grâce
Retenir avec de et un infinitif.
Vous-même êtes-vous sûr que ce noeud la retienne D'ajouter, s'il le faut, votre perte à la mienne ?
Bien des raisons doivent me retenir de parler
Cette considération ne m'a jamais retenu de faire ce que j'ai cru bon et utile
Retenir avec que et le verbe au subjonctif.
Et le retiennent qu'il n'y fonde Ou son amour ou son espoir
17
Retenir dans, imposer, prescrire.
La crainte de renouveler vos peines et, plus que tout, la confiance que vous connaissez mon coeur, m'a retenu dans un silence que je crois que vous avez entendu
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans à Pompone, 24 nov. 1695
Nature : Absolument. Retenir quelqu'un, lui faire observer la discrétion, des ménagements.
Vous ne pouvez le retenir que par la confiance
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Ad. et Th. t. II, p. 438, dans POUGENS
18
Mettre, garder dans sa mémoire.
Quiconque a beaucoup vu Peut avoir beaucoup retenu
J'ai ouï dire, il y a longtemps, une parole d'un ancien que j'ai toujours retenue
Elle retient comme un éloge admirable ce que vous dites de M. Rouillé, que la justice est sa passion dominante
Non-seulement elle [la religion] a été bien enseignée par les apôtres, mais encore elle a été bien retenue par ceux qui les ont suivis
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans 1er avert. 5
Ce qui est sûr, c'est que j'ai toujours retenu leurs visages, je les vois encore, je les peindrais
Le véritable éloge d'un poëte, c'est qu'on retienne ses vers
En général, nous retenons plus facilement les idées qui ont le plus de rapport aux matières qui nous ont souvent occupés
Nature : Absolument.
Pourquoi parle-t-on [dans la chaire], sinon pour persuader, pour instruire, et pour faire en sorte que l'auditeur retienne ?
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans Dialogues sur l'éloquence, I
Retenir que.
Retenons bien que les objets extérieurs ne renferment rien d'agréable ni de fâcheux
Sémantique : Familièrement. Retenir quelqu'un, retenir ce qu'il dit.
Pour de la logique, si nature vous en avait départi, à égale mesure, il n'y aurait plus qu'à vous écouter et vous retenir par coeur
de Denis DIDEROT dans Lett. à Falconet, sept. 1766
19
Il se dit absolument pour être fécondées en parlant des femelles des animaux.
Il serait mieux, pour avoir d'excellents chevaux, de ne laisser couvrir les juments que de deux années l'une ; elles dureraient plus longtemps et retiendraient plus sûrement
20
Nature : Absolument. Se dit des chevaux qui sont au timon ou dans les limons, et qui empêchent la voiture d'aller trop vite à une descente. Ce cheval a les reins bons, il retient fort bien.
21
Se retenir, Nature : v. réfl. S'empêcher de tomber. Il se retint aux crins du cheval.
Il [le hérisson] monte sur les arbres, et se retient aux branches avec la queue
22
S'arrêter avec effort. Il se retint au bord du précipice.
Dès qu'une fois on a commencé à glisser ou à rouler avec un peu de vitesse, cette vitesse s'accélère continuellement, et il devient impossible de se retenir
de SAUSSURE dans Voy. Alpes, t. IV, p. 32, dans POUGENS
Il se dit des chevaux qui ne veulent point se porter librement en avant.
Sémantique : Terme de manége. Un cheval se retient ou reste derrière la main, lorsque, par caprice, il ralentit son allure.
Il se retient, quand au lieu d'avancer, il saute, et ne part pas facilement de la main.
23
Sémantique : Fig. Se modérer.
Allons.... je ne pourrais me retenir, et il vaut mieux quitter la place
Cela me parut si horrible que j'eus peine à me retenir
Ne vous retenez point quand votre plume veut parler de la Provence ; ce sont mes affaires
Retenez-vous sur le jeu, vous avez été souvent témoin des malheurs que l'amour du jeu attire
J'ai peine à me retenir, quand je parle de cette horrible aventure [l'exécution du chevalier de la Barre]
Il se dit des sentiments dans le même sens.
Croyez-moi, les épanchements de l'amitié se retiennent devant un témoin quel qu'il soit
24
Différer de satisfaire aux besoins, aux mouvements naturels. Retenez-vous, vous ne pouvez pleurer ici. Tâchez de vous retenir jusqu'à ce que vous soyez chez vous.
Je l'aimais aussi moi, madame, et j'en pleurerais, je crois, si je ne me retenais
de Louis-Benoît PICARD dans Ricochets, I, 15
25
Être gardé dans la mémoire. Ces préceptes se retiennent facilement.

HISTORIQUE

1
XIe s.
De la viande ki de l'herberc vint Tant an retint, dunt son cors en sustint
dans St Alexis, LI
Blanc ai le chef et la barbe canuthe [chenue] ; Ma grant honur [fief] t'aveie retenue
dans ib. LXXXII
Ki retient le dener saint Pere, le dener rendra per la justice de sainte eglise
dans Lois de Guill. 20
Retenez les [gardez-les avec vous], c'est vostre salvement
dans Ch. de Rol. LXI
2
XIIe s.
Se [elle] ne me veut retenir ou quiter
dans Couci, VI
Puiz que mes cuers [mon coeur] ne s'en veut revenir De vous, dame, pour qui il m'a guerpi, Aumosne aurez, sel daigniez retenir
de ID. dans IX
Je lo [conseille] bien que il [les messagers] soient et retenu et pris
dans Sax. XXVI
3
XIIIe s.
Jacques d'Avesnes retenoit le siege [continuait à assiéger] Corinthe, si com li marchis li avoit laissié
Li maistres perd sa poine toute, Quand li disciples qui escoute, Ne met s'entente au retenir, Si qu'il l'en puisse sovenir
dans la Rose, 2065
Habiz de chasteé est aquis par usage de retenir soi contre ses covoitises
On oste trente et retient le sorplus
dans Comput, f. 9
Et tex cozes qui les retient à soi, li sires l'en pot sivir comme d'espave concelée
de Philippe de BEAUMANOIR dans XXV, 21
Et s'ele [la procuration] est soufisans, le justice le [la] retient par devers li
de Philippe de BEAUMANOIR dans IV, 24
En toutes ces choses que nous avons ordenées pour le proufit de nos subjez et de nostre royaume, nous retenons à nous pooir d'esclaircir, d'amender, d'ajouster et d'amenuisier, selonc ce que nous aurons conseil
Sire clerc, fist le roy, vous avez perdu à estre prestre par vostre proesce, et pour vostre proesce je vous retieing à mes gages
Bien retient ce c'on li enseigne
dans Ren. 15183
4
XIVe s.
Que ce soit retenu en memoire de ceux qui emprès nous vendront [viendront]
de Pierre BERCHEURE dans f° 73, recto.
En son ostel a vilain oste Qui mauvais conseillier retient
de J. DE CONDÉ dans t. II, p. 47
Et sont et seront tenu lesdits religieux de retenir [entretenir] bien et souffisamment lesdites voies
5
XVe s.
Je le remercie grandement des beaux presens qu'il m'a presentés ; mais ce n'est mie l'aise ni la paix du roi d'Angleterre mon seigneur que je les retienne
Et en y eut bien de morts quatre mille huit cens, et retenus [faits prisonniers] quatre cens, qui furent amenés à St-Omer et mis en prison
6
XVIe s.
Les aultres plantes ont retenu le nom des regions desquelles feurent ailleurs transpourtées
Madame a retenu ce porteur, jusques à ce qu'elle se trouve si bien que le savoir vous en fist contentement
Qui aura leu diligemment, bien entendu et fidelement retenu les histoires....
de Jacques AMYOT dans Préf. IV, 29
Ceste lecture retient et arreste tellement les bons esprits, qu'elle leur fait bien souvent oublier tous autres plaisirs
de Jacques AMYOT dans Préf. XV, 42
Il les gaigna, leur promettant qu'il se retiendroit la superintendance de la guerre, et la garde des loix seulement
de Jacques AMYOT dans Thésée, 28
Il estoit fort retenu et reservé en son parler
de Jacques AMYOT dans Péric. X
Les Turcs en retiennent quelque chose [de cet usage]
de Michel de MONTAIGNE dans I, 48
La jeunesse, qui est desireuse de nouveauté et ardante en ses affections, ne se peut retenir qu'elle n'aille gouster, voire se saouler de ces douces poisons
L'ame bien reiglée ne se retient pas seulement de mal faire pour crainte de punition, mais....
....Pour nous monstrer que c'est à dire, lier et deslier : assavoir de retenir les pechez et les remettre
de Jean CALVIN dans ib. 885
Donner et retenir ne vaut
de Antoine LOYSEL dans 659
Il estoit bourgeois de Paris ; Et de faict par un long usage Il retenoit du badaudage
dans Sat. Ménippée, l'Asne ligueur

ÉTYMOLOGIE

1
Re..., et tenir ; wallon, ritai ; génev ratenir ; provenç. retener, retenir ; espagn. retener ; portug. reter ; ital. ritenere.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
Retenir que, avec le subjonctif. Ajoutez cet exemple :
Pour ce que les enfants sont en un âge qui a besoin de conduite, ils [les pères] leur ont été baillés comme magistrats domestiques, pour les retenir qu'ils ne fassent rien de mal à propos
de François de MALHERBE dans Lexique, éd. L. Lalanne

Synonymes de RETENIR

Termes proches de RETENIR