Définition de RECULER

DÉFINITIONS - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : re-ku-lé

DÉFINITIONS

1
Porter en arrière. Reculez la table. Reculez cette chaise de la cheminée.
2
Reporter plus loin. Il faut reculer cette muraille.
Reculer les bornes, les frontières d'un État, l'agrandir.
Trajan, qui avait rétabli la gloire du nom romain chez les étrangers, et reculé les frontières de l'empire par des victoires signalées
de Etienne Bonnot de CONDILLAC dans Étud. hist. III, 3
Et toujours créateur même alors qu'il imite, De son art étonné recule la limite
de MILLEV. dans Invent. poét.
3
Écarter, éloigner.
Mais il est des objets que l'art judicieux Doit offrir à l'oreille et reculer des yeux
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Art p. III
La lumière du jour ....ne renaît que pour éclairer sa nudité, son impuissance [du voyageur perdu dans le désert], et pour lui présenter l'horreur de sa situation en reculant à ses yeux les barrières du vide
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Quadrup. t. V, p. 15
4
Éloigner quelqu'un du but, une affaire de son issue. La disgrâce de son protecteur l'a bien reculé.
Cette indiscrétion de ma part servirait plutôt à reculer vos affaires qu'à les avancer
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. d'Argence, 3 sept. 1770
5
Ajourner, retarder.
Tous mes soins, tous mes voeux hâtent cette vengeance, Ta perte la recule, et ton salut l'avance
de Pierre CORNEILLE dans Pomp. IV, 4
N'eût-il [Horace] que d'un moment reculé sa défaite, Rome eût été du moins un peu plus tard sujette
de Pierre CORNEILLE dans Hor. III, 6
C'est un accident qui a fait reculer son mariage
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Méd. m. lui, II, 6
Je crois que la pension des menins n'a point été retranchée ni reculée
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 23 avr. 1690
[Philopoemen] à voir agir les Romains dans la Macédoine, jugea bien que la liberté de la Grèce allait expirer, et qu'il ne qui restait plus qu'à reculer le moment de sa chute
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Hist. III, 6
Sans reculer plus loin l'effet de ma parole, Je vous rends dans trois mois au pied du Capitole
de Jean RACINE dans Mithr. III, 1
Lorsque étendu sur le lit de votre douleur, la mort sera à la porte, vous la croirez encore loin ; vous reculerez encore l'affaire de votre salut et la proposition qu'on vous fera, d'appeler un ministre de Jésus-Christ
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Impén. fin.
6
Porter au loin dans le temps.
Ces peuples [les Japonais] ont eu aussi la manie de reculer leur origine
de Denis DIDEROT dans Opin. des anc. philos. [Japonais].
7
Nature : V. n. Aller en arrière, exécuter la progression en sens inverse de la direction ordinaire et naturelle. La voiture recula. Ce cheval a de la peine à reculer.
Reculez un peu pour la troisième [révérence]
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Bourg. gent. III, 19
Sémantique : Fig.
Les femmes qui se sentent finir d'avance par la perte de leurs agréments, voudraient reculer vers la jeunesse
de Charles-Louis de Secondat MONTESQUIEU dans Lett. pers. 52
Sémantique : Terme de marine. On dit que les vents reculent, lorsque, au lieu de tourner de gauche à droite, comme lorsqu'ils vont du sud au nord en passant par l'ouest, ils reviennent du nord au sud en passant de même par l'ouest.
Nature : S. m. Sémantique : Terme de manége. Le reculer, action par laquelle le cheval se déplace dans un ordre inverse à celui des mouvements progressifs.
8
Il se dit des armes à feu que l'explosion fait aller en arrière. Un canon recule par l'effet de la réaction égale à l'action.
9
Se retirer en arrière.
Pourrait-on reculer en combattant sous vous ?
de Pierre CORNEILLE dans Médée, IV, 3
Ah ! coquin ! ah ! canaille ! vous en voulez par là !... soutenez, marauds ; soutenez.... comment, vous reculez !
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Fourber. II, 9
Si je me défends, ce n'est qu'en reculant
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans F. sav. IV, 3
Hé quoi ! loin d'approcher, vous reculez tous deux !
de Jean RACINE dans Théb. IV, 3
Et toi, soleil.... Toi qui n'osas du père éclairer le festin, Recule, ils t'ont appris ce funeste chemin
de Jean RACINE dans Iphig. V, 4
Le flot qui l'apporta recule épouvanté
de Jean RACINE dans Phèdre, V, 6
Il ne recule jamais, on ne l'a jamais vu reculer, se dit d'un homme très brave.
C'est Merci avec ses braves Bavarois, enflés de tant de succès et de la prise de Fribourg ; Merci qu'on ne vit jamais reculer dans les combats
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Louis de Bourbon.
Cela se dit aussi de celui qui soutient son opinion avec fermeté.
On dit dans le même sens : Il aimerait mieux se faire hacher en pièces, que de reculer.
10
Sémantique : Fig. Renoncer, céder, en parlant des personnes.
J'accepte la proposition, et ne suis point personne à reculer lorsqu'on m'attaque d'amitié
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Fourber. III, 1
Vous reculez, lui dis-je en l'interrompant, vous reculez, mon père : vous abandonnez le principe général
de Blaise PASCAL dans Prov. IV
Poursuis, Néron ; avec de tels ministres Par des faits glorieux tu te vas signaler ; Poursuis ; tu n'as pas fait ce pas pour reculer
de Jean RACINE dans Brit. V, 6
Il était dangereux pour vous de reculer
de Jean RACINE dans Bajaz. V, 4
C'est un mauvais orgueil de croire qu'on ne peut avoir tort ; c'est une faiblesse de n'oser reculer, quand on sent qu'on nous a fait faire une mauvaise démarche
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Pet. carême, Écueils piét. grands.
Je crois qu'il ne peut plus reculer sur ce point
de Philippe Néricault DESTOUCHES dans Irrésolu, I, 2
Quand il devrait un peu m'en coûter [pour le Corneille avec les commentaires], je ne reculerai pas
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. d'Argental, 28 juill. 1761
Savoir reculer à propos pour gagner ensuite plus de terrain
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Éloges L. Verjus.
Reculer pour mieux sauter, temporiser pour mieux prendre ses avantages.
Si je recule, c'est pour mieux sauter
de CYRANO DE BERG. dans Pédant joué, IV, 2
On recule souvent, dit-on, pour mieux sauter
de Thomas CORNEILLE dans D. Cés. d'Avalos, II, 1
Il a reculé pour mieux sauter, il a sacrifié un petit avantage présent pour en obtenir plus tard un beaucoup plus grand.
Cela se dit aussi quand, après un mauvais succès, on en obtient un signalé ; et, en sens inverse, quand on évite un petit inconvénient pour tomber dans un plus grand.
11
Il se dit des choses qui ne réussissent pas. Ses affaires reculent au lieu d'avancer.
12
Être ajourné.
Le baptême de M. le duc de Chartres recule ; et je ne puis partir qu'il ne soit fait
de Françoise d'Aubigné, marquise de MAINTENON dans Lett. à l'abbé Gobelin, 3 sept. 1675
13
Perdre l'avance qu'on avait. La civilisation recula dans ce pays sous la domination des conquérants étrangers.
Qui n'avance pas dans les voies de Dieu recule
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Profess. relig. 2
Les Espagnols avancent quand nous reculons ; ils ont fait plus de progrès en deux ans que nous n'en avons fait en vingt
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. d'Argental, 6 mai 1768
14
Aller plus loin, s'écarter.
L'homme a fait reculer peu à peu les bêtes féroces, il a purgé la terre de ces animaux gigantesques....
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Anim. domestiques.
15
Différer, éviter de faire. On le presse d'agir, il recule toujours. Il recula devant une proposition si hardie.
Reculer à, ne pas se soumettre à, craindre de.
Hé bien ! oui, puis qu'il veut te choisir pour juge, je n'y recule point
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans l'Av. IV, 4
Comme je l'avais sur moi, et qu'apparemment je reculais à l'ôter, n'y a-t-il plus rien à mettre, disais-je, est-ce là tout ?
de Pierre de MARIVAUX dans Marianne, 3e part.
Il ne recule à rien, il n'est aucun travail qu'il n'accepte.
Je ne recule à rien, tout tombe sur mon dos
de Noël LEBRETON, sieur de HAUTEROCHE dans Deuil, SC. 9
La Fontaine a dit dans ce sens : reculer de.
Avant le coup demandez la cédule : De la donner je ne crois qu'il recule
de Jean de LA FONTAINE dans Sav.
Il n'y a plus moyen de reculer, il n'y a plus à reculer, on ne peut plus échapper, différer.
Mes révérends pères, il n'y a plus moyen de reculer : il faut passer pour des calomniateurs convaincus, et recourir à votre maxime, que cette sorte de calomnie n'est pas un crime
de Blaise PASCAL dans Provinc. X
Comment lui déclarer votre mariage ? cependant il n'y a plus à reculer
de D'ALLAINVAL dans Éc. des bourg. I, 2
Reculer trop loin à, trop différer.
Ayant rejeté les yeux sur votre lettre, j'ai vu qu'elle était datée du 7 courant, et que ce serait reculer trop loin à vous faire connaître que je l'ai reçue
de Pierre CORNEILLE dans Lett. au P. Boulard, 30 mars 1652
16
Se reculer, Nature : v. réfl. Aller en arrière, s'écarter.
Et pour la décevoir, il use d'une feinte, Se recule en passant, et se laisse frapper
de Jean de MAIRET dans M. d'Asdrub. V, 1
Les premiers jours, il fallait voir comme elle se reculait d'auprès de moi, et puis elle reculait plus doucement, et puis petit à petit elle ne reculait plus
de Pierre de MARIVAUX dans Double inconst. I, 6
17
Être différé.
C'est toujours dans cette vue de vous plaire que je me conserve et que j'ai soin de moi, étant très persuadée que l'heure de ma mort ne se peut ni avancer, ni reculer
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 318
Le retour du roi se recule toujours
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 1er juillet 1676

HISTORIQUE

1
XIIe s.
Cuidiez vos ore qu'alasse reculant ? Je nel feroie por l'onor d'Abilant
dans Li coronemens Looys, V. 2438
Plus d'une archiée ont païen reculé
dans Bat. d'Aleschans, V. 5856
2
XIIIe s.
L'en doit bien reculer pour le plus loin saillir
dans Berte, XII
Et fist le flun escluser et reculer contre-mont
dans Chr. de Rains, 102
Chascuns Turs de bien faire moult forment se pena, Dusqu'au chief d'une rue nos François recula
dans Ch. d'Ant. VI, 919
Si brisa leur navie [contre une île], et perit grand multitude de l'ost, si que il n'en eschappa que environ XXX mille hommes, qui se reculerent [réfugièrent] sur ceste isle
de MARC POL dans p. 545
3
XIVe s.
Et les etrusques legions n'ont mie reculé
de Pierre BERCHEURE dans f° 44, recto.
4
XVe s.
Ils ressoignent et reculent, car ils ne sont pas gens pour combattre à nous
de Jean FROISSART dans I, I, 121
Ils se reculerent droit vers les seigneurs
de Philippe de COMMINES dans I, 11
Il [Louis XI] reculla de luy toutes gens que il avoit acoustumé
de Philippe de COMMINES dans VI, 7
5
XVIe s.
Ilz reculoient tousjours à mettre la main à l'oeuvre
de Jacques AMYOT dans Cam. 52
Les ennemis s'espouvanterent si fort qu'ilz reculerent arriere.... il en fit fouir les uns jusques aux plus reculez quartiers de la ville, les autres de frayeur se rendirent
de Jacques AMYOT dans Cor. 10
Ilz se retirerent en reculant pas à pas en arriere
de Jacques AMYOT dans Pélop. 59
Il n'y avoit sorte de combat à laquelle il reculast
de Jacques AMYOT dans Marcel. 2
Toutes choses estoient si prestes, qu'il ne pouvoit reculer à ce voyage
de Jacques AMYOT dans Cimon, 34
À mesure que la mémoire leur fournit la chose entiere et presente, ils reculent si arriere que leur narration...
de Michel de MONTAIGNE dans I, 34
Le reculer leur estant interdict par la foule
de Michel de MONTAIGNE dans II, 38
Ny nostre hardiesse, ny nostre couardise ne la peuvent advancer ou reculer [la mort]
de Michel de MONTAIGNE dans III, 131
De cheval qui recule au plus tost te delivre
de Randle COTGRAVE dans
Pour neant recule qui malheur attend
de Randle COTGRAVE dans
Qui contre esguillon recule deux fois se poind
de Randle COTGRAVE dans

ÉTYMOLOGIE

1
Re..., et culer ; wallon, reskoulé ; bourguig. requeulai ; provenç. et espagn. recular ; ital. rinculare.

Synonymes de RECULER

Termes proches de RECULER