Définition de RASER

DÉFINITIONS - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : ra-zé

DÉFINITIONS

1
Couper le poil tout près de la peau. Raser la tête. Ils ne se rasent jamais le menton.
Une des plus difficiles entreprises du fondateur [le czar Pierre Ier] fut d'accourcir les robes, et de faire raser les barbes de son peuple ; ce fut là l'objet des plus grands murmures
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Russie, Anecdotes.
Nature : Absolument, raser se dit pour raser la tête, en parlant des personnages politiques qu'au moyen âge on enfermait dans les couvents.
Après cette réponse favorable [du pape], Pépin fut sacré roi à Soissons par les évêques, avec le suffrage unanime des grands et du peuple, et Childéric rasé et mis dans un monastère
de DUMARS. dans Oeuv. t. VII, p. 121
Les vainqueurs se contentèrent de faire raser l'impératrice, de la mettre en prison en Lombardie....
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Moeurs, 23
Sémantique : Familièrement. Ruiner, anéantir.
Toutes ces belles espérances ont été rasées par une dyssenterie
de Gui PATIN dans Nouv. lett. t. I, p. 169, dans POUGENS
2
Il se dit particulièrement de la barbe, et alors il se dit sans le mot barbe.
Que le prédicateur vienne à paraître ; si.... et que son barbier l'ait mal rasé
de Blaise PASCAL dans Pens. III, 3, éd. HAVET.
Il sollicitait l'autre jour à Rennes avec une grande barbe ; quelqu'un lui demanda pourquoi il ne se faisait point raser....
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 58
Nature : Absolument. Un perruquier qui rase bien. Ce rasoir rase mal.
3
Abattre, démolir une construction rez terre.
Si vous ne me remettez Judas lié entre les mains, je raserai jusqu'en terre ce temple de Dieu
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Machab. II, 14, 33
Rien ne fut plus capable de flatter ce peuple [romain] que la promptitude avec laquelle le consul Publicola fit raser dans une nuit sa maison, sur quelques murmures qu'on faisait contre sa situation élevée
de Charles ROLLIN dans Traité des Ét. V, III, 2
On dit de même : raser une place.
On lui impose [au landgrave de Hesse] pour condition de venir embrasser les genoux de l'empereur, de raser toutes ses forteresses, à la réserve de Cassel ou de Ziegenheim....
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Ann. Emp. CharlesQuint, 1547
4
Il se dit du canon qui démolit les parties supérieures d'une fortification.
Ceux qui raisonnent croient communément qu'on sera sur la contrescarpe la nuit du samedi au dimanche, après avoir rasé avec le canon une partie des ouvrages
de Paul PELLISSON dans Lett. hist. t. III, p. 9
Sémantique : Terme de marine. Raser un navire, lui enlever une certaine partie de ses oeuvres mortes pour l'alléger.
Lui abattre ses mâts dans un combat.
5
Passer tout auprès.
Harlay rasait toujours les murailles pour se faire place avec plus de bruit
de Louis de Rouvroy, duc de SAINT-SIMON dans 17, 198
Il [Cassini] avait pris ses mesures si justes, que la méridienne alla raser les deux dangereuses colonnes qui avaient pensé faire tout manquer
de Bernard le Bouyer de FONTENELLE dans Cassini.
Je les y menai en rasant la muraille
de Pierre de MARIVAUX dans Pays. parv. 5e part.
....Une lame de couteau ou de verre dont la pointe est rasée par les rayons du soleil dans une chambre obscure ; on sait que les rayons s'infléchissent, se portent vers cette lame....
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Nat. du feu. I, 4
Les rayons du soleil levant rasaient déjà les plaines
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Ém. IV
D'abord un bruit léger rasant le sol de la terre comme l'hirondelle avant l'orage
de Pierre Augustin Caron de BEAUMARCHAIS dans Barb. de Sév. II, 8
Raser la côte, naviguer le long de la côte.
Montons sur ma barque légère, Que ma main guide sans efforts, Et de ce golfe solitaire Rasons timidement les bords
de Alphonse de LAMARTINE dans Médit. I, 21
Sémantique : Fig. Raser la terre, se tenir dans une condition humble et retirée.
Je ne fais que raser la terre, et je m'en console
de CARACCIOLI dans Lett. recréat. et mor. t. I, p. 27, dans POUGENS
6
Passer tout auprès avec rapidité. Ce cocher a rasé la borne. La balle du joueur a rasé la corde. Une balle lui rasa le visage, et, familièrement, lui rasa la moustache.
[Mercure] Vient, rasant le bord lybien, Fondre où le prince phrygien, Avec Didon d'amour ravie, Menait une fort laide vie
de Paul SCARRON dans Virg. IV
Boirude fuit le coup : le volume effroyable Lui rase le visage
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Lutr. V
Sur l'herbe tendre elles formaient leurs pas, Rasant la terre et ne la touchant pas
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Ce qui plaît, etc.
Les hirondelles qui rasent la terre annoncent la pluie
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Dict. phil. Augure.
Je demande s'il n'est pas probable qu'il tombe de temps à autre des comètes dans le soleil, puisque celle de 1680 en a, pour ainsi dire, rasé la surface
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans 1re ép. nat. Oeuv. t. XII, p. 79
[Un oiseau qui] Rase tantôt la rive et tantôt les prairies
de Jacques DELILLE dans Én. XI
Sémantique : Terme de fauconnerie. Raser l'air, se dit de l'oiseau qui plane.
L'herbe l'aurait portée ; une fleur n'aurait pas Reçu l'empreinte de ses pas ; Elle semblait raser les airs, à la manière Que les dieux marchent dans Homère
de Jean de LA FONTAINE dans Poés. mêl. LXV
7
Sémantique : Terme de manége. On dit qu'un cheval rase le tapis, lorsque, dans ses allures, il ne relève pas assez les pieds et semble glisser à la surface du sol.
8
Sémantique : Terme de métallurgie. Faire raser la tuyère dans un fourneau, en diminuer l'inclinaison.
9
Dans l'argot des artistes actuels, raser, contraindre quelqu'un à vous écouter en lui tenant des discours ennuyeux ; la métaphore est prise du barbier qui vous tient dans son fauteuil et vous force d'entendre ses bavardages pendant qu'il opère.
10
Nature : V. n. Sémantique : En termes de vétérinaire, on dit qu'un cheval rase ou a rasé, lorsque la cavité de ses incisives s'efface ou est déjà effacée ; alors on ne peut plus connaître son âge à ses dents.
11
Se raser, Nature : v. réfl. Se faire la barbe. Savoir se raser.
Scipion Émilien fut le premier romain qui se rasa tous les jours
de PASTORET dans Inst. Mém. hist. et litt. anc. t. III, p. 334
Il signifie quelquefois se faire raser. Il se rase rarement. Quand voulez-vous vous raser ? Je ne veux me raser que demain.
12
Sémantique : Terme de chasse. Se raser, se dit du gibier qui s'étend à ras le sol pour n'être pas vu.
Il se dit d'une semblable attitude chez tout animal. Il [le tigre] avait pris l'attitude que les chasseurs de tigres et de panthères appellent se raser ; il était resté immobile sous les branches, les yeux fixés sur son ennemi, et le corps aplati contre terre, ANAÏS SÉGALAS, Feuilleton de l'Écho d'Oran, du 16 mai 1867.
13
Sémantique : En termes de construction de chemin de fer, se raser, suivre le niveau du sol. Quand on se rase au niveau des vallées, on ne trouve certainement ni tunnel, ni viaduc à faire, Moniteur universel, 5 juin 1868, p. 776, 4e col.

HISTORIQUE

1
XIIe s.
Cil rasarent lor barbes
dans Job, p. 446
Il i out mis du feu tout rasé un tonel [un tonneau plein de feu à ras] ; Les douves sont emprises, si rompent li cercel
dans Sax. IX
Mout [ils] ont lor ennemis rasez et damagiez ; Mout ferirent bien tuit [tous] de bonne volenté
dans Rou, ms. p. 58, dans LACURNE
2
XIIIe s.
Le fort haubert [il] lui dessartit, L'espée lui rase au costé, Si que du cuir lui a osté
dans Bl. et Jeh. 4151
3
XIVe s.
[à] ung chevallier [il] donna De l'espée tel cop que le bras ly rasa
dans Hugues Capet, V. 3799
Sire, dit un bourjois, qu'on nommoit Tolomer, Avez-vous si tost fait telle ville raser ?
dans Guesclin. 21416
4
XVe s.
De venir les queues [tonneaux] raser [racler]
de Eustache DESCHAMPS dans Poésies mss. f° 474
Et fit razer toutes les tours et murailles
de Philippe de COMMINES dans II, 4
Le suppliant, pour doute que icellui Jouel ne lui fist pis, se rasa de lui [se rangea], et sacha son espée du fourreau
de Victor Henri-Joseph Brahain, dit DU CANGE dans rasare.
5
XVIe s.
Et ne convient que le los on me rase [enlever, faire perdre], D'avoir passé le haut mont de Caucase
de Clément MAROT dans IV, 129
Aultrement le coup, qui ne lui raza que le dessus de la teste...
de Michel de MONTAIGNE dans I, 50
On leur rasoit les cheveux, on les faisoit aller deschaux
de Jacques AMYOT dans Lyc. 34
En parlant des vertus royales, il met ceste-ci au nombre, de raser les meschans de la terre
de Jean CALVIN dans Instit. 1199
Lansac faisant lever ses ancres fit contenance de descendre en Ré, et en rasant l'isle....
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans Hist. II, 294

ÉTYMOLOGIE

1
Ras 1 ; wallon, rezé. Radere avait donné raire.

Synonymes de RASER

Termes proches de RASER

Phonétiquement proche de RASER