Définition de PLAINDRE

DÉFINITIONS - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : plin-dr'

DÉFINITIONS

1
Témoigner un sentiment de chagrin pour les peines d'autrui ou de soi-même.
Plaindre les malheureux n'est pas contre la concupiscence [l'ensemble des mauvais penchants] ; au contraire, on est bien aise d'avoir à rendre ce témoignage d'amitié, et à s'attirer la réputation de tendresse sans rien donner
Ceux qui admiraient sa fermeté [de Mme de Montausier malade] perdirent la leur ; ceux qui la plaignaient paraissaient presque les seuls à plaindre
Fidèle dans leurs disgrâces [de ses amis], il osa les louer et les servir en des temps où les autres n'osaient presque pas les plaindre
Je plaindrais le cardinal de Rohan, si je pouvais plaindre un homme qui a l'honneur d'être la victime de son zèle pour la vérité
Je plains les malheureux depuis que je le suis ; et je sens que mon coeur s'intéresse pour cet homme, sans savoir pourquoi
J'ai vu Bolingbroke rongé de chagrins et de rage ; et Pope, qu'il engagea à mettre en vers cette mauvaise plaisanterie [Tout est bien], était un des hommes les plus à plaindre que j'aie jamais connus
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Princ. d'act. XVI
On croit être plaint quand on est écouté
de GRAFFIGNY dans Lett. péruv. v.
Témoigner de la compassion au sujet de.
Je vous plains bien de vos méchantes compagnies
Je vous ai souvent plainte de la vie ennuyeuse que vous menez depuis huit ans
Tous sont contents d'eux-mêmes et de leur esprit, et l'on ne veut pas dire qu'ils en soient entièrement dénués ; mais on les plaint de ce peu qu'ils en ont, et, ce qui est pire, on en souffre
Plaindre de, avec le verbe à l'infinitif.
Je te plains de tomber dans ses mains redoutables
Être à plaindre, mériter d'être plaint.
Atys, que vous seriez à plaindre Si vous saviez tous vos malheurs !
de QUIN. dans Atys, I, 6
Non, il n'est homme à plaindre ici que le méchant
de Jean-François COLLIN D'HARLEVILLE dans Optimiste, V, 11
Vous êtes bien à plaindre, bien digne de compassion.
Mme de la Fayette m'a mandé qu'elle allait vous écrire, mais que la migraine l'en empêche : elle est fort à plaindre de ce mal
Se dit souvent ironiquement. On vous envoie en province avec une belle place ; vous êtes bien à plaindre !
N'être pas à plaindre, être dans une condition où l'on ne doit pas être plaint.
Il y a beaucoup de jolies sottes, beaucoup de jolies friponnes ; vous avez épousé beauté, bonté et esprit ; vous n'êtes pas à plaindre
Ainsi elle n'était sûrement pas à plaindre, quoiqu'elle se plaignît toujours
2
En parlant des choses pour lesquelles on témoigne sa pitié.
....ô qu'il est doux de plaindre Le sort d'un ennemi quand il n'est plus à craindre !
Ne plaignons plus ses disgrâces, qui font maintenant sa félicité [dans le paradis]
La vieillesse.... Toujours plaint le présent et vante le passé
Je révoque des lois dont j'ai plaint la rigueur
Votre sort est à plaindre, je l'avoue
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Voc.
Plaindre quelque chose, exprimer des plaintes de la perte, de la privation de quelque chose.
Ce triste et fier honneur m'émeut sans m'ébranler ; J'aime ce qu'il me donne, et je plains ce qu'il m'ôte
Plaindre que, se montrer fâché que.
Il [mon fils] m'en avait parlé le premier.... plaignant et regrettant, tout comme nous, que M. le chevalier ne conduisît pas ses premières années [du jeune Grignan]
3
Employer à regret, donner avec répugnance et parcimonie. Sachant très bien qu'en amour comme en guerre On ne doit plaindre un métal qui fait tout, La FONT. Coupe.
Je crois que mon fils ne plaindrait pas de plus gros gages pour avoir un vrai bon cuisinier
Que mon âme, en ce jour de joie et d'opulence, D'un superbe convoi plaindrait peu la dépense !
On ne plaint pas son argent pour voir un opéra-comique, et on le plaindra pour avoir des aqueducs
Se plaindre une chose, s'en passer par avarice.
Celui qui amasse injustement des richesses en se plaignant sa propre vie, les amasse pour d'autres
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Ecclésiast. XIV, 4
Il ne lui manque aucune de ces curieuses bagatelles que l'on porte sur soi ; et il ne se plaint non plus toute sorte de parure qu'un jeune homme qui a épousé une riche vieille
de Jean de LA BRUYÈRE dans II
Oh ! la belle leçon pour la plupart des pères ! Ils se plaignent souvent les choses nécessaires ; Pour qui ? pour des ingrats, pour des extravagants....
de Philippe Néricault DESTOUCHES dans Dissip. I, 7
Regretter.
Vous avez peut-être regret de m'avoir fait ce bien-là sans y penser ; ne me le plaignez point, aimable Léonore
Et on plaindra à ces gens-là des grandeurs dont ils font un si bon usage !
Si votre main gauche plaint ce que donne votre main droite
de Esprit FLÉCHIER dans III, 468
Chacun a bien fait son devoir, ne plaignons point quelques moments de trouble
Plaindre sa peine, travailler mollement et sans se donner véritablement de la peine.
Tout le mal qu'on dit d'elle [de la langue française] n'est vrai qu'entre les mains d'un homme sans génie ou qui plaint sa peine
de D'OLIVET dans Prosod. franç. V, 1
Il ne plaint pas sa peine, ses peines, il est obligeant, actif.
4
Nature : V. n. Pousser des plaintes, des gémissements.
C'est fait de moi, quoi que je fasse ; J'ai beau plaindre et beau soupirer....
de François de MALHERBE dans V, 5
Et Cléone et le roi s'y jettent pour l'éteindre [le feu] : Mais, ô nouveau sujet de pleurer et de plaindre, Ce feu saisit le roi ; ce prince en un moment Se trouve enveloppé du même embrasement
5
Se plaindre, V. réfl. Se lamenter.
Et quiconque se plaint cherche à se consoler
Qu'avons-nous à nous plaindre, lorsqu'il ne plaît pas à Dieu de nous écouter ?
de Louis BOURDALOUE dans Pensées, t. II, p. 90
Mais l'amour qui se plaint le plus N'est pas toujours le plus à plaindre
de QUINAULT dans Phaéton, II, 4
La pauvre Fanchon s'est plainte de beaucoup de maux de tête tout le matin
de Jean RACINE dans Lett. XXV, à son fils.
Sémantique : Poétiquement.
Sous les fougueux coursiers l'onde écume et se plaint
6
Témoigner des regrets, du mécontentement.
Mais donnons quelque chose à Rome qui se plaint
Et si vous vous plaignez de moi, Je ne sais pas de bonne foi, Ce qu'il faut pour vous satisfaire
Gardons-nous bien de nous plaindre des gens dont nous devons nous louer
Je le plains plus que je ne m'en plains
Quand vous me haïriez, je ne m'en plaindrais pas
Il est souvent plus utile de quitter les grands que de s'en plaindre
de Jean de LA BRUYÈRE dans IX.
Se plaindre que, avec l'indicatif (le sens est que l'acte exprimé par le verbe à l'indicatif n'a rien d'hypothétique).
La mouche, en ce commun besoin, Se plaint qu'elle agit seule et qu'elle a tout le soin
Elle se plaint que vous avez fini le premier un commerce qui lui faisait un grand plaisir
Nous nous sommes plaints que la mort, ennemie des fruits que nous promettait la princesse, les a ravagés dans la fleur
Parlez ; Phèdre se plaint que je suis outragé
Vous vous plaignez que votre ennemi vous a décrié en secret et en public
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Pardon.
Se plaindre que, avec le subjonctif (le sens est que l'acte exprimé par le verbe au subjonctif est hypothétique).
Combien de fois ne s'est-on pas plaint que les affaires n'eussent ni règle ni fin !
Vous-même, monsieur, pouvez-vous vous plaindre qu'on n'ait pas rendu justice à votre dialogue de l'amour et de l'amitié ?
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Lett. à Ch. Perrault.
Quelques-uns ont pris l'intérêt de Narcisse, et se sont plaints que j'en eusse fait un très méchant homme
Se plaindre de ce que.
Ces hérésiarques se sont-ils plaints de ce qu'on leur imposait ce qu'ils ne disaient pas ?
7
Former une plainte en justice. Il est allé se plaindre au commissaire.
8
Témoigner de la compassion l'un pour l'autre.
Comme ceux qui courent le même péril se plaignent les uns les autres par une expérience sensible de leurs communes disgrâces
Témoigner de la compassion pour soi-même.
Il plaignait ceux qui l'aimaient, beaucoup plus qu'il ne se plaignait lui-même
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans l'Ingénu, 10

HISTORIQUE

1
XIe s.
Plainums ansemble le doel [deuil] de nostre ami
dans St Alexis, XXX
Jamais n'ert [ne sera] jur que Charles ne se pleigne
dans Ch. de Rol. LXXI
Pleindre poons [nous pouvons] France douce la belle
dans ib. CXXVI
2
XIIe s.
Et quant je plus plaing et souspir....
dans Couci, XVIII
À tort s'en plaint li uns, puisque l'autre s'en loue
dans Sax. XVII
Mult me plaig de ses hummes, sainz Thomas respundié [répondit], Qui nos iglises tienent à force e à pechié
dans Th. le mart. 142
3
XIIIe s.
Cil fu durement plains et plorés de Guillaume son frere et des autres barons
Et furent mout destroit et irié, et mout durement se plaintrent de ceux qui la mellée avoient faite de l'empereur Baudoin et du marchis de Montferrat
Et se li sires ne veut faire ceste requeste et li parchonier s'en plaignent au sovrain, li sovrains le doit fere fere
de Philippe de BEAUMANOIR dans XXII, 8
Le roy ne requist ne ne prist onques aide [impôt] des siens barons, ne à ses chevaliers, n'à ses hommes, ne à ses bones villes dont en [on] se plainsist
Il ne muet pas de sens [il n'a pas de sens] celui ki plaint Peine et travail ki li ert [sera] avantage
de MÄTZNER dans p. 23
4
XIVe s.
Et se j'ai vostre argent, ne me le plaindés jà ; Car si tost que je l'ai, li taverniers l'ara
dans Baud. de Seb. VIII, 921
5
XVe s.
Quand il sçut que les François chevauchoient, qui ardoient le pays, et ouït les poures gens pleurer, crier et plaindre le leur, si en eut grant pitié
Les aucuns sages [princes] se sont bien sceu servir des plus apparans [clercs pour conseillers], et les chercher sans y rien plaindre
de Philippe de COMMINES dans II, b.
Parler à quelque amy, et hardiment plaindre ses douleurs
de Philippe de COMMINES dans V, 5
Le noble roy de France le plaint [plaignit] et regretta [du Guesclin], comme Charlemagne fit son neveu Roland
dans Mém. sur du Guesclin. p. 546, dans LACURNE
6
XVIe s.
L'un va plaignant ses gras boeufs delaisser
de Clément MAROT dans I, 311
Ne plain donc point de laisser mere et pere
de Clément MAROT dans IV, 290
L'un se plainct qu'il luy fault....
de Michel de MONTAIGNE dans I, 79
Le duc René plainsit aussi la mort du duc de Bourgoigne
de Michel de MONTAIGNE dans I, 268
Je plaignois les malades beaucoup plus que je ne me treuve à plaindre moy mesme
de Michel de MONTAIGNE dans II, 52
Je plains le temps que met Platon à ces longues interlocutions
de Michel de MONTAIGNE dans II, 107
On ne plaind jamais ce qu'on n'a jamais eu
de Michel de MONTAIGNE dans IV, 363
Il est fort vieil ; mais au demourant il n'a que plaindre en luy [il est ingambe, sans infirmité]
de Jacques AMYOT dans Caton, 50
Dieu ne la plaint [la sagesse] à personne qui la luy demande avec fermeté de vive foy
Il se plaignoit alors de saine teste, comme on dit en commun proverbe
Assez demande qui se plaind
de Randle COTGRAVE dans
Femme se plaind, femme se deult, femme est malade quand elle veut
de Randle COTGRAVE dans
Tel est plein qui se plaind
de Randle COTGRAVE dans

ÉTYMOLOGIE

1
Wallon, plaind ; Berry, plainer, se plainer ; prov. planher, plagner, plaigner, plaingner, planger, plainer, planer ; anc. cat. planger ; ital. piangere ; du lat. plangere, plaindre, proprement frapper avec bruit, battre, puis se battre soi-même par douleur ; c'est la racine nasalisée plag, qui se trouve dans plaga, plaie (voy. ce mot).

Synonymes de PLAINDRE

Termes proches de PLAINDRE