Définition de PIS

DÉFINITIONS - REMARQUE - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : pî ; l's se lie : le pi-z est

DÉFINITIONS

1
Comparatif de l'adverbe mal : plus mal, d'une manière plus mauvaise. Ils sont pis que jamais ensemble. Il se portait mieux ; mais aujourd'hui il est pis que jamais.
Il ne m'en sera jamais ni pis ni mieux
de Jean de LA BRUYÈRE dans VI
Nature : S. m. Pis aller, ce qui peut arriver de plus fâcheux.
Hélas ! je suis perdu. -Pourquoi ? ton pis aller n'est que d'être pendu
de Thomas CORNEILLE dans Feint astrol. IV, 12
Au pis aller, Nature : loc. adv. En mettant les choses au pis.
Au pis aller, on se justifie en accusant la fortune
de Jean-Louis GUEZ de BALZAC dans 5e disc. de la cour.
Au pis aller, l'argent le fera taire
de Jean de LA FONTAINE dans Mandr.
Ce qui sert à défaut de mieux.
Cela posé, disent-ils, jouissons des créatures ; c'est le pis aller
de Blaise PASCAL dans Caract. de la vr. relig. 7, édit. FAUGÈRE
La vertu n'est pas un pis aller
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Petit carême, Vices et vertus
Certains amis dont on peut faire son pis aller
de Alain René LESAGE dans Turc. I, 1
Pour être un pis aller je ne fus jamais faite
de Philippe Néricault DESTOUCHES dans Phil. marié, IV, 8
Être le pis aller de quelqu'un, être la personne à qui il s'adresse pour quelque chose que ce soit, lorsqu'il n'a pas trouvé une autre personne de qui il pût l'obtenir.
Mon jaloux après tout sera mon pis aller
de Pierre CORNEILLE dans Ment. III, 3
Cette opinion le fit rechercher et fêter dans le grand monde, et par là l'éloigna de moi, qui jamais n'avais été pour lui qu'un pis aller
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Confess. VIII
2
Pis se prend quelquefois adjectivement (d'autant plus facilement que pejus n'est que le neutre de pejor) ; il signifie plus mauvais.
Que m'offrirait de pis la fortune ennemie ?
de Pierre CORNEILLE dans Pomp. III, 2
Que pourrais-je avoir pis, si j'étais le parjure, Si j'avais violé les droits de la nature ?
de Jean de ROTROU dans Antig II, 4
Je n'ai fait que penser à votre état, à transir pour l'avenir, à craindre qu'il ne devienne pis
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 14 juin 1677
Il [Jurieu] avoue qu'on peut croire.... non pas qu'il survient à Dieu des accidents comme à nous, et de nouvelles pensées ; mais, ce qui est beaucoup pis, qu'il change dans la substance....
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans 1er avert. 11
Ce qu'il y a de pis pour la sagesse est d'être savant à demi
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Ém. IV
Cette aversion sourde pour les lumières, triste preuve de médiocrité ou de quelque chose de pis dans les monarques qui ouvrent leur âme à un sentiment si méprisable
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Éloges, Vaux de St-Cyr.
3
Nature : S. m. Le pis (avec l'article défini), ce qu'il y a de plus mauvais.
Quelque plume y périt, et le pis du destin Fut qu'un certain vautour à la serre cruelle Vit notre malheureux [pigeon]....
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. IX, 2
Ce fut là le pis de l'aventure
de Jean de LA FONTAINE dans Or.
Tout le pis, tout ce qu'il y a de plus mauvais.
Je suis du nombre des méchantes langues, et je crois tout le pis
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 48
Il [Séguier] disait toujours tout le pis contre notre pauvre ami [Fouquet]
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 27 nov. 1664
Il fit tout du pis qu'il put....
de STAAL dans Mém. t. I, p. 293
On dit dans le même sens : le pis du pis.
Une députation, sur laquelle le pis du pis était de faire connaître une bonne intention sans effet
de Jean-François Paul de Gondi, cardinal de RETZ dans IV, 210
Faire du pis qu'on peut, faire le plus de mal qu'on peut.
Et quoique jusqu'ici la fortune contraire Nous ait fait tout du pis qu'elle nous pouvait faire
de Jean de MAIRET dans Sophon. I, 3
Pharasmanes faisait du pis qu'il pouvait aux Arméniens
de PERROT dans Tac. 412
Mettre quelqu'un au pis, se dit par manière de défi pour marquer à un homme qu'on ne le craint point, quelque mauvaise volonté qu'il ait.
Et nous verrons bientôt, s'il me veut mettre au pis, Lequel l'emportera de la femme ou du fils
de François L'Hermite, sieur du Soliers, dit TRISTAN L'HERMITE dans M. de Chrispe, III, 6
Les mettre au pis et leur ôter tout prétexte
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Lett. quiét. 230
Mettre les choses au pis, supposer tout ce qui peut arriver de plus fâcheux.
À présent on met tout au pis, on s'attend à tout, on compte là-dessus
de Florent Carton, sieur d'Ancourt, dit DANCOURT dans Fêtes du cours, SC. 19
En mettant tout au pis dans l'avenir, il se soulage et se tranquillise
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans 2e dialogue.
Prendre les choses au pis, les envisager dans le pire état où elles puissent être.
Pour prendre les choses au pis, quand même il serait véritable que Jansénius aurait tenu ces propositions
de Blaise PASCAL dans Prov. XVIII
4
Pis (sans article), chose plus mauvaise.
Encore pis que cela ne nous rendrait pas l'affaire douteuse
de Jean-Louis GUEZ de BALZAC dans Disc. à la rég.
C'est à qui pis fera, à qui pis dira
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 597
Vous dites bien pis que tout ce qui m'a tant déplu, et qu'on avait la cruauté de me dire quand vous partîtes
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 11 août 1677
Vous avez bien fait pis aux Français que de répandre leur sang ; vous avez corrompu le fond de leurs moeurs
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans Dial des morts mod.
Richelieu, Mazarin Quitter l'armée par paresse ou par pis
de Louis de Rouvroy, duc de SAINT-SIMON dans 102, 89
Dire à quelqu'un pis que son nom, l'injurier.
Je pensai l'appeler guenon, Et lui dire pis que son nom
de Paul SCARRON dans Virg. II
Mettre à faire pis ou à pis faire, défier de faire plus de mal ou de faire plus mal.
Je mets à faire pis, en l'état où nous sommes, Le sort et les démons, et les dieux et les hommes
de Pierre CORNEILLE dans Hor. II, 3
Ils me feront plaisir : je les mets à pis faire
de Jean RACINE dans Plaid. II, 3
Qui pis est, ce qu'il y a de plus fâcheux et de plus désagréable.
Qui pis est, il pleuvait d'une telle manière....
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Sat. x.
Bacchus le déclare hérétique Et janséniste, qui pis est
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Poésies div. VI
5
De mal en pis, de pis en pis, Nature : loc. adv. De plus mal en plus mal.
....Les gens n'ont point de honte De faire aller le mal toujours de pis en pis
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. III, 8
Les affaires de ce roi, mon ancien disciple et mon ancien persécuteur, vont de mal en pis
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. d'Argental, 12 sept. 1757
6
Tant pis, voy. TANT.

REMARQUE

1
1. On dit bien : il a fait pis, comme on dit : il a fait mieux que vous ; mais, si l'on prend un verbe qui ne reçoive pas de complément, comme agir, parler, etc. on dira bien : il a agi mieux que vous ; mais on ne dira pas : il a agi pis que vous, JULLIEN., En effet l'usage (l'usage seul, car il n'y a pas de raison pour ne pas employer pis comme mieux, ainsi qu'on faisait anciennement) ne prend pis adverbialement qu'avec le verbe être et dans la locution pis aller.
2
2. Molière a dit :
La prose est pis encore que les vers, Impromptu
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans sc. 1
3
3. Pis, qui est un adjectif en certains emplois particuliers, ne se joint jamais avec un substantif ; l'on dit ; il n'est pire eau que l'eau qui dort ; et jamais : il n'est pis eau....
4
4. C'est une faute populaire de dire tant pire au lieu de tant pis.

HISTORIQUE

1
XIIe s.
Li destriers Pinabel, ce jour, en ot le pis
dans Ronc. p. 194
Et se je sui de vostre amour espris, Douce dame, ne m'en doit estre pis
dans Couci, XVII
2
XIIIe s.
Li mundz s'en va de mal en pis, Edouard le confesseur, V. 3401. Se vos à lui tenés, vous ferés ce que vous devés ; ou se non, sachiés certainement que nous vos ferons du pis que nous porrons
de Geoffroi de VILLEHARDOUIN dans LXVIII
Ne sai [ce] que puissons faire, or va la chose au pis
dans Berte, LXXV
Maintenant lui [à la malade] est pis, je ne sai que cle a
dans ib. LXXVIII
Vous savez que le conte de Bretaingne a pis fait au roy que nul home qui vive
de Jean, PRINCE DE JOINVILLE dans 203
3
XIVe s.
Qui.... font de pis en pis Pour aller en enfer avec les anemis [diables]
dans Guesclin. 7660
4
XVe s.
Car Dangier l'a desrobé de plaisir, Et, que pis est, a de lui eslongnée Celle qui plus le povoit enrichir
de Charles D'ORLÉANS dans Ball. 23
Il fut crié sur peine de la hart, que nul ne nulle ne fust si ozé ne si hardy de leur dire pis de leur nom
dans Journ. de Paris sous Ch. VI et VII, p. 176, dans LACURNE
Ou à tout le moins et au pis aller une bien glorieuse fin
de Philippe de COMMINES dans II, 12
5
XVIe s.
Et qui pis est
de Michel de MONTAIGNE dans I, 404
Je prends toutes choses au pis, et ce pis là, je me resoulds à le porter
de Michel de MONTAIGNE dans III, 46
Il les admonestoit qu'ilz ne se muassent point en pis
de Jacques AMYOT dans Caton, 16
Le juge dit qu'ilz avoient tous respondu, l'un pis que l'autre
de Jacques AMYOT dans Alex. 107
Ils pensent qu'on n'ose les irriter, ny les mettre à pis faire, Sat. Mén p. 188. Villes mal garnies de gens de guerre, et encores pis fortifiées
de Martin DU BELLAY dans 402
Celuy qui porte au menton Le plus crespelu coton.... Je suis son pis et son mieux ; Il me courtize en tous lieux
de Étienne PASQUIER dans Oeuvres meslées, p. 485, dans LACURNE

ÉTYMOLOGIE

1
Bourguig. pei ; provenç. piegz, pieitz, piets ; du lat. pejus ; comparez PIRE. Pis est un de ces rares noms qui ont conservé dans l'ancienne langue au nominatif l's des noms neutres latins, comme tems, de tempus, cors, de corpus, pis, de pectus.

Synonymes de PIS