Définition de PARDONNER

DÉFINITIONS - REMARQUE - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : par-do-né

DÉFINITIONS

1
Nature : V. a. Remettre la punition ou la vengeance de quelque chose. Pardonner une offense. Tes péchés te sont pardonnés. Je lui pardonne ses torts.
Dieu pardonne plus aisément les crimes que les vices
Quelque délicat qu'on soit en amour, on pardonne plus de fautes que dans l'amitié
de Jean de LA BRUYÈRE dans IV
On pardonne les maux, mais non pas les injures
Neutralement, même signification. Je lui pardonne de m'avoir offensé.
On pardonne aisément aux personnes qu'on aime
Ô ciel ! pardonne-lui comme je lui pardonne
Pardonnez-vous sans peine à tous vos ennemis ?
Il est pénible à un homme fier de pardonner à celui qui le surprend en faute, et qui se plaint de lui avec raison
de Jean de LA BRUYÈRE dans IV
Les rois pardonnent rarement à ceux qu'ils craignent
de Charles Pinot, sieur DUCLOS dans Oeuv. t. III, p. 38
On ne pardonne point à qui nous fait rougir
de LA HARPE dans Mélanie, III, 1
Il s'applique quelquefois à un nom de chose personnifiée.
Et qui pardonne au crime en devient le complice
Nature : Absolument.
On dit que pardonner est une oeuvre divine
Pardonner à demi, c'est ne pardonner pas
Qui pardonne aisément invite à l'offenser
On pardonne tant que l'on aime
Dire qu'on ne saurait haïr N'est-ce pas dire qu'on pardonne ?
Les rois comme les dieux sont faits pour pardonner
de BOURSAULT dans Ésope à la cour, V, 7
Peut-être l'on préfère avec quelque plaisir L'orgueil de pardonner à l'orgueil de punir
de LA HARPE dans Warwick, IV, 4
Sémantique : Familièrement. Dieu me pardonne, espèce d'excuse ou d'adoucissement à ce qu'on dit.
Dieu me pardonne ! madame, je crois que vous n'avez point de chemise !
Faire grâce. Le roi lui pardonna. Cet écolier avait mérité une punition, le maître lui a pardonné.
2
Excuser, tolérer.
Lynx envers nos pareils, et taupes envers nous, Nous nous pardonnons tout et rien aux autres hommes
Les plus expérimentés dans les affaires font des fautes capitales ; mais que nous nous pardonnons aisément nos fautes, quand la fortune nous les pardonne !
M. de Montausier n'a-t-il pas eu, dans la licence de la guerre, une scrupuleuse retenue dans un temps où l'on pardonnait un peu d'avarice, pour entretenir le courage et la bonne humeur des gens de guerre !
En faveur de Titus vous pardonnez le reste
Pardonnez à l'éclat d'une illustre fortune Ce reste de fierté qui craint d'être importune
L'on ne peut aller loin dans l'amitié, si l'on n'est pas disposé à se pardonner les uns aux autres les petits défauts
Si quelquefois une femme survient qui n'est pas de leurs plaisirs [des gens d'une coterie]..., ils ne lui pardonneront ni son ton de voix, ni son silence, ni sa taille, ni son visage, ni son habillement, ni son entrée, ni la manière dont elle est sortie
de Jean de LA BRUYÈRE dans VII
Elle nous a amenées, et elle ne nous le pardonnerait pas si nous restions
Ô mes rois, pardonnez mes larmes paternelles
Neutralement, même signification.
Nous pardonnons souvent à ceux qui nous ennuient ; mais nous ne pardonnons pas à ceux que nous ennuyons
de François, duc de LA ROCHEFOUCAULD dans dans GIRAULT-DUVIVIER
Pardonne, cher Hector, à ma crédulité
Je lui pardonne De préférer les beautés De Palès et de Pomone Au tumulte des cités
de Jean-Baptiste ROUSSEAU dans dans GIRAULT-DUVIVIER
Ah ! seigneur, pardonnez à son impatience
Sémantique : Terme de civilité. Pardonnez-moi la liberté que je prends d'être d'une autre opinion que vous.
On dit de même : pardonnez-moi ce langage, ces expressions.
Représentons-nous ce jeune prince que les Grâces semblaient elles-mêmes avoir formé de leurs mains ; pardonnez-moi ces expressions ; il me semble que je vois encore tomber cette fleur
Il s'emploie aussi absolument dans des formules analogues de civilité. Pardonnez-moi, ou, simplement, pardonnez si je vous contredis. Vous me pardonnerez si je rectifie ce que vous venez de dire.
Dans cette acception, on dit quelquefois simplement et sans rien ajouter : Pardonnez-moi, vous me pardonnerez, pour exprimer civilement qu'on n'est pas d'accord de ce qu'un autre dit.
3
Ne point pardonner, juger sévèrement, condamner.
Il ne pardonne point les endroits négligés
Nature : V. n. Même signification.
Il ne pardonne pas aux vers de la Pucelle
4
Voir sans dépit, sans jalousie. On lui pardonne ses succès à cause de sa modestie.
Il [Antoine Arnauld] plaida cette cause avec une véhémence et un éclat que les jésuites ne lui ont jamais pardonnés
de Jean RACINE dans Hist. Port-Royal.
Les grands surtout ne pouvaient pardonner à César la vie qu'il leur avait donnée dans les plaines de Pharsale
Nature : V. n. Même signification.
Des droits de ses enfants une mère jalouse Pardonne rarement au fils d'une autre épouse
5
Nature : V. n. Épargner, excepter (en cet emploi, il ne se dit qu'avec ne et à). La mort ne pardonne à personne.
On ne pardonne ni à âge, ni à sexe, à lieu sacré ni à profane
de PERROT dans Tacite, 42
Nature : Absolument. Cette maladie ne pardonne point, on y succombe tôt ou tard.
6
Se pardonner, Nature : v. réfl. Être pardonné.
Perfide, cet affront se peut-il pardonner ?

REMARQUE

1
Quand ce verbe a pour régime un nom de personne, c'est toujours le régime indirect qu'il faut employer : pardonner à quelqu'un, et non pardonner quelqu'un. Cependant le passif s'emploie quelquefois ; voyez ce qui est noté au participe.

HISTORIQUE

1
XIe s.
Ferut [je] vous ai ; car le me perdunez
dans Ch. de Rol. CXLVII
Jel vous parduin ici et devant Deu
dans ib. 147
2
XIIe s.
Et ses pechez perdonas au larron
dans Ronc. p. 48
Mais or en aiez [obtenez] merci, Et si vous soit pardonné
dans Couci, XI
3
XIIIe s.
Li rois demande les ostages, à nul d'els nes a pardonés [n'a permis qu'ils ne les donnassent pas]
dans Ren. 14521
Ge lo [conseille] que vous li requerés, Qu'il vous pardoint sa malvoillance, Par amors et par recordance
dans la Rose, 3151
Biaus seignors, qui que me pardoigne L'ort pechié dont si fort me poise, Ne comment que du pardon voise [aille], Ge ne m'en pardoint pas la paine
dans ib. 8679
4
XIVe s.
Pierre des Essars fut condamné à cent mille florins ; mais, à la priere du comte de Flandres, le roy luy pardonna 50 mille florins
dans Chron. de St-Denis, t. II, f° 216
5
XVIe s.
Dieu me le pardoint, je ne le dy de bon cueur
Pardonnant tout le passé, avecques oubliance sempiternelle de toutes les offenses precedentes
Le sort, l'usure, et les interestz je perdonne, je me contente des despens
de François RABELAIS dans ib. III, 15
Granius Silvanus et Statius Proximus, aprez estre pardonnez par Neron, se tuerent
de Michel de MONTAIGNE dans II, 34
Le malheur ou la faute d'experience d'Ynovie le fit camper une fois seulle en lieu où il n'y avoit point d'eau, ce qui ne lui fut pas pardonné par les bachas et Pierre avec eux qui sçavoit la contrée
Les vitriers disent que la lune a ce fait, mais ils me pardonneront : car c'est l'humidité des pluies....
de Bernard PALISSY dans 50
Elle ne pardonnoit jamais depuis qu'elle avoit pris une chose à cueur
de Jacques AMYOT dans Artax. 24
Pardonne à tous, mais à toy point
de Randle COTGRAVE dans

ÉTYMOLOGIE

1
Prov. ét esp. perdonar ; port. perdoar ; ital. perdonare ; du latin per, et donare : proprement donner complétement, remettre.

Synonymes de PARDONNER

Termes proches de PARDONNER