Définition de ORGUEIL

DÉFINITIONS - REMARQUE - SYNONYME - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : or-gheull', ll mouillées

DÉFINITIONS

1
Sentiment, état de l'âme où naît une opinion trop avantageuse de soi-même.
L'orgueil n'est pas toujours la marque des grands coeurs
L'orgueil se dédommage toujours et ne perd rien, lors même qu'il renonce à la vanité
L'orgueil ne veut pas devoir, et l'amour-propre ne veut pas payer
La nature, qui a sagement pourvu à la vie de l'homme par la disposition admirable des organes du corps, lui a sans doute donné l'orgueil pour lui épargner la douleur de connaître ses imperfections et ses misères
de François, duc de LA ROCHEFOUCAULD dans ib. Prem. pens. n° 12
L'orgueil qui naît des qualités spirituelles est de même genre que celui qui est fondé sur des avantages extérieurs
de NICOLE dans Ess. de mor. 1er traité, ch. 1
Tout ce qui est au monde ou concupiscence de la chair, ou concupiscence des yeux, ou orgueil de la vie
Jésus-Christ est un Dieu dont on s'approche sans orgueil, et sous lequel on s'abaisse sans désespoir
de Blaise PASCAL dans ib. XVII, 7
La misère persuade le désespoir, l'orgueil persuade la présomption ; l'incarnation montre à l'homme la grandeur de sa misère par la grandeur du remède qu'il a fallu
de Blaise PASCAL dans ib. XII, 14
Ils n'ont pu fuir ou l'orgueil ou la paresse, qui sont les deux sources de tous les vices
de Blaise PASCAL dans ib. XII, 11
Ô hommes.... vos maladies principales sont l'orgueil qui vous soustrait de Dieu, la concupiscence qui vous attache à la terre
de Blaise PASCAL dans ib. XII, 2
Orgueil contre-pesant toutes nos misères : ou il cache ses misères, ou, s'il les découvre, il se glorifie de les connaître
de Blaise PASCAL dans ib. II, 2
M. d'Aix doit être bien content que M. d'Arles lui quitte la place ; appelle-t-on cela de l'orgueil ? c'en est un au moins qui contente fort celui de M. l'archevêque d'Aix : ces deux orgueils, dont l'un demeure et l'autre s'en va, s'accommoderont fort bien ensemble
Les enfers où il [Alexandre] porte la peine éternelle d'avoir voulu se faire adorer comme un Dieu soit par orgueil, soit par politique
Elle croyait voir partout dans ses actions un amour-propre déguisé en vertu.... ainsi Dieu l'humiliait par ce qui a coutume de nourrir l'orgueil
L'oeil qui monte toujours
de ID. dans Marie-Thér.
Vous allez voir une reine qui, à l'exemple de David, attaque de tous côtés sa propre grandeur et tout l'orgueil qu'elle inspire
Saint Augustin définit l'orgueil une perverse imitation de la nature divine
L'âme regarde ces honneurs que le monde vante ; et aussitôt elle en voit le fond, elle voit l'orgueil qu'ils inspirent, et découvre dans cet orgueil et les disputes et les jalousies et tous les maux qu'il entraîne
L'orgueil est l'endroit le plus vif du coeur ; pour peu qu'on y touche, la douleur nous fait jeter de hauts cris
de Louis BOURDALOUE dans Pensées, t. II, p. 106
Cet homme qui défendait les villes de Juda, qui domptait l'orgueil des enfants d'Ammon et d'Esaü
Mais, pour un vain bonheur qui vous a fait rimer, Gardez qu'un sot orgueil ne vous vienne enfumer
Je l'ai trouvé [Mardochée] couvert d'une affreuse poussière, Revêtu de lambeaux, tout pâle ; mais son oeil Conservait sous la cendre encor le même orgueil
Dois-je au superbe Achille accorder la victoire ? Son téméraire orgueil, que je vais redoubler, Croira que je lui cède
C'en est fait : mon orgueil est forcé de plier
Que son farouche orgueil le rendait odieux !
Il faut définir l'orgueil une passion qui fait que, de tout ce qui est au monde, l'on n'estime que soi
de Jean de LA BRUYÈRE dans Théophraste, XXIV
L'orgueil, qui vous tient lieu de raison, fait peut-être que les moeurs au dehors paraissent égales et uniformes
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Inconst.
C'est le chef-d'oeuvre de la plus sincère modestie que d'avouer de l'orgueil et les imprudences de cet orgueil
Notre orgueil nous met si vite au fait de celui des autres
Nous nous connaissons tous si bien en orgueil, que personne ne saurait nous faire un secret du sien
L'orgueil, joint à une vaste ambition, à la grandeur des idées, produisit chez les Romains les effets que l'on sait
L'orgueil des petits consiste à parler toujours de soi ; l'orgueil des grands est de n'en jamais parler
Il se peut que Cicéron, qui d'ailleurs avait souvent vu le peuple romain, le peuple roi, lui applaudir et lui obéir, et qui était remercié par des rois qu'il ne connaissait pas, ait eu quelques mouvements d'orgueil et de vanité
Piron seul eut raison, quand dans un goût nouveau Il fit ce vers heureux digne de son tombeau : Ci-gît qui ne fut rien ; quoi que l'orgueil en dise, Humains, faibles humains, voilà votre devise
L'orgueil est le premier des tyrans ou des consolateurs
de Charles Pinot, sieur DUCLOS dans Consid. moeurs, 10
L'orgueil humilié et rampant est toujours de l'orgueil
On a bien raison de dire : quand l'orgueil arrive, la pauvreté n'est pas loin
Orgueil de..., orgueil inspiré par.
Madame, ignorez-vous que l'orgueil de l'empire....
Nous ne connaissons point l'orgueil de la naissance
2
En bonne part, sentiment noble, élevé, qui inspire une juste confiance en son propre mérite.
J'ai l'orgueil de croire que je ne suis pas indigne de votre amitié
dans Dict. de l'Acad.
Leur orgueil foule aux pieds l'orgueil du diadème
Plutôt que jusque-là j'abaisse mon orgueil, Je verrais sans pâlir les fers et le cercueil
J'ai pensé qu'un guerrier, jaloux de sa puissance, Peut mettre l'orgueil même à pardonner l'offense
Soyez béni, mon Dieu, vous qui daignez me rendre L'innocence et son noble orgueil
Faire l'orgueil de, être l'orgueil de, être un sujet d'orgueil pour.
Elle fait tout l'orgueil d'une superbe mère
La fille d'Alpéric, l'orgueil de l'Helvétie
de MASSON dans Helv. III
Un chêne antique, orgueil des paisibles hameaux
de BAOUR-LORM. dans dans GIRAULT-DUVIVIER
3
Il se dit aussi des choses qui ont le caractère de l'orgueil.
J'aurais peine à souffrir l'orgueil de ses reproches
Il abaisse à nos pieds l'orgueil des diadèmes
Et c'est là que, fuyant l'orgueil du diadème, Lasse de vains honneurs....
L'orgueil de vos attraits pense tout asservir
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Marianne, II, 2
Moi, que je flatte encor l'orgueil de sa beauté
4
Faste, pourpre.
Le luxe qui l'entoure, dont les pauvres et ses créanciers ont souffert ; l'orgueil de ses édifices, que le bien de la veuve et de l'orphelin, que la misère publique a peut-être élevés
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Avent, Mort du péch.
5
Sémantique : Terme de construction. Cale de bois, de pierre, ou de toute autre matière dure, qui fait dresser la tête d'un levier employé à soulever un corps quelconque et en soutient l'effort.
On peut trouver aussi que l'Académie, en prodiguant les proverbes, a trop épargné certains termes usités des artisans, et qui font des images ou peuvent en fournir.... Furetière avait raison de regretter le nom énergique d'orgueil, employé par les ouvriers pour désigner l'appui qui fait dresser la tête du levier, et que les savants appelaient du beau mot d'hypomochlion
de VILLEMAIN dans Préface du Dict. de l'Académie, 1835

REMARQUE

1
Scribe a employé le pluriel dans sa comédie du Puff, II, 3 : " J'aurais mieux aimé ne voir chez moi que de bonnes gens, et mon salon est le rendez-vous de tous les orgueils, de tous les ressentiments littéraires. " C. Delavigne avait déjà employé ce pluriel dans le Paria : " Que d'orgueils révoltés ! " et Duviquet, dans l'examen critique de cette pièce, disait : " C'est la première fois que j'ai vu le mot orgueil employé au pluriel ; et je doute qu'il fût possible à M. Delavigne d'autoriser ce pluriel par quelques exemples. " Duviquet se trompait ; on voit dans une phrase de Mme de Sévigné, qu'il est question de deux orgueils. Le pluriel est aussi dans J. Marot.

SYNONYME

1
ORGUEIL, VANITÉ. L'orgueil fait que nous nous estimons nous-mêmes au delà de ce qui est. La vanité fait que nous voulons être estimés d'autrui.

HISTORIQUE

1
XIe s.
Consels d'orguill n'est dreiz que à plus mont [monte]
dans Ch. de Rol. X
Veez l'orgoil de France la loée
dans ib. CCXL
2
XIIe s.
...comment soit Ses grans orgueus [son grant orgueil] abaissez et maumis
dans Ronc. p. 30
Quant cil est morz qui m'a tolu l'orguel....
dans ib. p. 102
Pleine d'orgueil et dame sans guerdon
dans Couci, II
....Tout ce ne lo-je mie [je ne conseille] ; Que trop sembleroit estre orgoil et desverie
dans Sax. XXII
3
XIIIe s.
Ha ! frere, vos orgiols vous grevera encore et fera de mescief
dans Ch. de Rains, p. 206
La premiere avoit non Orguex, L'autre qui ne valoit pas miex Fu apelée Vilenie
dans la Rose, 965
4
XVe s.
Grand orgueil est tantost mué
de Alain CHARTIER dans Poésies, p. 720
5
XVIe s.
Vaincu avez le More et son armée ; Genes soubmis, ses orgueilz abbatuz
Ceux qui condamnent les autres par orgueil, il avient après que Dieu les condamne par justice
À orgueil ne manque de couvre deuil
de Antoine LE ROUX DE LINCY dans Prov. t. II, p. 228
Il n'est orgueil que de pauvre enrichi
de Randle COTGRAVE dans
Orgueil n'a pas bon oeil
de ID. dans
Ainsi l'orgueil de Rome est à ce point levé, Que d'un prestre, tout roi, tout empereur bravé, Est marchepied fangeux ; on void, sans qu'on s'estonne, La pantoufle crotter les fleurs de la couronne

ÉTYMOLOGIE

1
Wallon, orgou, ôrgou ; anc. liégeois, orgowe ; provenç. orguelh, erguelh, orguoil, orgoil, argull ; catal. orgull ; espagn. orgullo ; portug. orgulho ; ital. orgoglio ; anc. ital. argoglio ; de l'anc. haut allem. urguol, remarquable, insigne, urgilo, orgueilleux ; anglo-sax. orgel, orgueilleux. L'anc. haut all. se décompose en ur, us, répondant au lat. ex, et guol, gil, gal, pétulant, luxuriant.

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