Définition de NOBLESSE

DÉFINITIONS - PROVERBES - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : no-blè-s'

DÉFINITIONS

1
Rang et qualité de ceux qui sont élevés au-dessus des roturiers, soit par leur naissance, soit par des lettres du prince.
Rome n'attache pas le grade à la noblesse
de Pierre CORNEILLE dans Sertor. II, 2
La noblesse, de soi, est bonne ; c'est une chose considérable assurément
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans G. Dand. I, 1
Apprenez qu'un gentilhomme qui vit mal est un monstre dans la nature ; que la vertu est le premier titre de noblesse ; que je regarde bien moins au nom qu'on signe, qu'aux actions qu'on fait
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans D. Juan, IV, 6
Le peuple.... croit que la noblesse est une grandeur réelle, et il considère presque les grands comme étant d'une autre nature que les autres
de Blaise PASCAL dans Disc. cond. des grands, I
La noblesse n'est souvent qu'une pauvreté vaine, ignorante et grossière ; oisive, qui se pique de mépriser tout ce qui lui manque ; est-ce là de quoi avoir le coeur si enflé ?
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Oblig. de l'état relig. 3
Le grand saint Paulin, en faisant le panégyrique de sa parente sainte Mélanie, a commencé les louanges de cette veuve si renommée par la noblesse de son extraction
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Gornay.
Si, pour votre noblesse, il vous manque des titres, Il faudra recourir à quelques vieilles vitres, Où nous ferons entrer d'une adroite façon Une devise antique avec votre écusson
de BOURS. dans F. d'Ésope, III, 4
La noblesse, Dangeau, n'est pas une chimère, Quand, sous l'étroite loi d'une vertu sévère, Un homme issu d'un sang fécond en demi-dieux Suit comme toi la trace où marchaient ses aïeux
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Sat. v.
Savez-vous si.... Et si leur sang tout pur, ainsi que leur noblesse, Est passé jusqu'à vous de Lucrèce en Lucrèce ?
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans ib.
Le ciel a sur son front imprimé sa noblesse
de Jean RACINE dans Iphig. III, 4
Cette disposition de coeur et d'esprit qui passe des aïeux par les pères dans leurs descendants, est cette bravoure si familière aux personnes nobles, et peut-être la noblesse même
de Jean de LA BRUYÈRE dans IX.
Si la noblesse est vertu, elle se perd par tout ce qui n'est pas vertueux ; et, si elle n'est pas vertu, c'est peu de chose
de Jean de LA BRUYÈRE dans XIV
Le roi Jean anoblit son chancelier Guillaume de Dormant ; car alors aucun office de clerc, d'homme de loi, d'homme de robe longue, ne donnait rang parmi la noblesse, malgré le titre de chevalier ès lois et de bachelier ès lois que prenaient les clercs
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Moeurs, 98
Un marchand nommé Maître Jean, séduit par les bontés du roi [Louis XI], qui le faisait souvent manger avec lui, s'avisa de lui demander des lettres de noblesse ; ce prince les lui accorda ; mais, lorsque le nouveau noble parut devant lui, il affecta de ne le pas regarder
de Charles Pinot, sieur DUCLOS dans Oeuv. t. III, p. 341
Noblesse d'extraction, celle dont l'origine est inconnue.
Noblesse d'épée, celle qui était regardée comme originairement acquise l'épée à la main, mais à une époque déjà reculée.
Noblesse militaire, celle qui appartenait de droit aux roturiers parvenus à certains grades.
Noblesse de robe ou d'office, celle que conférait la possession de certains offices de judicature.
L'édit de 1644 a prévalu : les cours de judicature ont joui des priviléges de la noblesse, et la nation ne les a pas contestés à ceux qui jugent la nation
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Moeurs, 98
Noblesse de finances, titre de noblesse que l'on acquérait en achetant des titres.
L'acquisition qu'on peut faire de la noblesse à prix d'argent encourage beaucoup les négociants à se mettre en état d'y parvenir
de Charles-Louis de Secondat MONTESQUIEU dans Esp. XX, 22
Noblesse de la cloche, celle qui venait de mairie ou d'échevinage.
Noblesse dormante, noblesse suspendue à cause de quelque acte dérogeant
de CHÉRUEL dans Dict. de la France
Noblesse présentée, les nobles qui vont à la cour.
Il n'y a de bon que les moines, la noblesse présentée....
de Paul Louis COURIER dans Lettre 9e au censeur.
Fausse noblesse, se disait de l'acquisition des fiefs ou terres nobles par les non-nobles, la possession d'un marquisat ou d'un comté ne faisant ni un marquis ni un comte.
Soutenir noblesse, faire une dépense convenable à la noblesse de sa naissance.
Sémantique : Fig.
Et l'italien, l'oubliez-vous ? j'en lis toujours un peu pour entretenir noblesse
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 7 juin 1671
2
Sémantique : Terme d'ancienne jurisprudence. Fief qui dépendait immédiatement du souverain, et dont la possession anoblissait.
3
Nature : Au plur. Joyaux de la couronne.
Le roi promet aussi [lors de son sacre] de conserver la souveraineté, les droits et noblesses de la couronne de France, sans les aliéner ou transporter à personne
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Polit. XVII, v, 18
Nature : Au plur. Se disait, dans les tournois et les cours plénières, des livrées, des insignes, des décorations qu'on donnait comme marques d'honneur.
4
Noblesse personnelle, illustration qui dépend de la personne même et non des aïeux.
Vous verrez le père Bourgoing, illustre d'une autre manière [que par ses ancêtres], et noble de cette noblesse que saint Grégoire de Nazianze appelle si élégamment la noblesse personnelle
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Bourgoing.
5
Tout le corps des hommes qualifiés nobles. Les trois états du royaume étaient le clergé, la noblesse et le tiers état.
Vous avez voulu tâter de la noblesse, et il vous ennuyait d'être le maître chez vous
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans G. Dand. I, 3
Comme notre Bretagne est toute pleine de noblesse qui n'aime pas à sortir de son pays, et de beaucoup d'autres hommes à proportion, il [le duc de Chaulnes] a levé en un moment un régiment de dragons le plus beau du monde.... le corps de la noblesse pour l'arrière-ban est d'une grandeur et d'une magnificence surprenante
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 16 mars 1689
Il gagna la noblesse, déjà presque demi-séduite
de Esprit FLÉCHIER dans Duc de Mont.
Bientôt, pour subsister, la noblesse sans bien Trouva l'art d'emprunter et de ne rendre rien
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Sat. V
Sylla, Pison, Crassus, les chefs de la noblesse
de Jean RACINE dans Brit. III, 5
La noblesse expose sa vie pour le salut de l'État et pour la gloire du souverain
de Jean de LA BRUYÈRE dans IX.
La cérémonie, partout employée jusqu'à outrance, est le cheval de bataille de la noblesse campagnarde
de Antoine HAMILTON dans Gramm. 10
Il faut que je cherche comme dans des abîmes les anciennes prérogatives de cette noblesse qui, depuis onze siècles, est couverte de poussière, de sang et de sueur
de Charles-Louis de Secondat MONTESQUIEU dans Esp. XXXI, 8
Il est contre l'esprit du commerce que la noblesse le fasse dans la monarchie
de Charles-Louis de Secondat MONTESQUIEU dans ib. XX, 22
Je n'aime point ces distinctions de colléges et d'académies qui font que la noblesse riche et la noblesse pauvre sont élevées différemment et séparément
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Gouvern. de Pologne, ch. 4
Si vous connaissez la noblesse d'Angleterre, vous savez qu'elle est la plus éclairée, la mieux instruite, la plus sage et la plus brave de l'Europe
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Hél. I, 62
M. de Linné obtint, quelques années après, un rang dans la noblesse suédoise
de Marie-Jean Antoine Caritat, marquis de CONDORCET dans Linné.
Haute noblesse, la partie de la noblesse qui a le plus d'ancienneté ou d'illustration.
S'il y a du fabuleux dans l'origine des grandes noblesses, du moins il y a une sorte de fabuleux qui n'appartient qu'à elles et qui devient lui-même un titre
de Bernard le Bouyer de FONTENELLE dans Argenson.
Petite noblesse, celle qui en a le moins.
Ancienne noblesse, celle qui existait en France avant la révolution de 1789 ; et, nouvelle noblesse, celle qui a été créée depuis.
Assemblée de noblesse, assemblée particulière de gentilshommes.
Noblesse de l'Empire, titre de noblesse conféré par Napoléon Ier à certains personnages, et principalement à des généraux.
6
Sémantique : Fig. Grandeur, élévation, dignité, en parlant soit des personnes, soit des choses. La noblesse de son maintien, de sa physionomie.
On remarquait, dans les deux princesses, la même noblesse dans les sentiments, le même agrément, et, si vous permettez de parler ainsi, les mêmes insinuations dans les entretiens
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Anne de Gonz.
La noblesse de ses expressions [de Louis XIV] vient de celle de ses sentiments ; et ses paroles précises sont l'image de la justesse qui règne dans ses pensées
de Bernard le Bouyer de FONTENELLE dans Mar.-Thér.
Qu'il y a une pureté de moeurs plus estimable que celle du sang, et une noblesse spirituelle qui consiste à être conforme à l'image de Jésus-Christ
de Esprit FLÉCHIER dans Aiguillon.
Mais enfin, l'indigence amenant la bassesse, Le Parnasse oublia sa première noblesse
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Art p. IV
La noblesse d'une science se tire de la noblesse de son objet : c'est un grand principe
de Nicolas MALEBRANCHE dans Rech. vér. IV, 7
7
Sémantique : Terme de littérature. Qualité du style noble. La noblesse du style est une des variétés de l'élégance.
Le génie de Corneille, malgré ses négligences fréquentes, a tout créé en France ; avant lui, presque personne ne pensait avec force, et ne s'exprimait avec noblesse
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Comm. Corn. Héracl. IV, 4
À cette première règle... si l'on joint de la délicatesse et du goût, du scrupule sur le choix des expressions, de l'attention à ne nommer les choses que par les termes les plus généraux, le style aura de la noblesse
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Disc. de récept.
La noblesse des termes est indépendante de l'idée ; c'est l'usage qui la donne ou qui la refuse à son gré
de Jean-François MARMONTEL dans Oeuvr. t. VI, p. 185
En peinture et en sculpture, le caractère élevé de la composition.

PROVERBES

1
Exemple : Noblesse vient de vertu, c'est-à-dire un homme n'est proprement au-dessus d'un autre que par la vertu et par le mérite.
On dit que la noblesse a la vertu pour mère ; S'il est vrai, ses enfants ne lui ressemblent guère
de BOURSAULT dans Ésope à la cour, IV, 4
2
Exemple : Noblesse oblige, c'est-à-dire quiconque prétend être noble, doit se bien conduire.

HISTORIQUE

1
XIIIe s.
Jeromes dit : soverainne noblesce est la clarté de vertu
de Brunetto LATINI dans Trésor, p. 344
[Constance].... en qui fu courtoisie Et noblesse et valeur sans nule vionie
dans Berte, CXLIV
Deus damoiselles moult mignotes, Qui estoient en pures cotes Et trecies à une tresce, Faisoient Deduit, par noblesse, Emmi la carole [danse] baler
dans la Rose, 768
Noblece vient de bon corage ; Car gentillece de lignage N'est pas gentillece qui vaille
dans ib. 18819
2
XIVe s.
Les uns [membres] sont principaus en noblece, si cum le cuer [coeur]
de Henri DE MONDEVILLE dans f° 36
3
XVe s.
Et entra le jeune roi en la cité de Reims, bien accompagné de noblesses, de hauts seigneurs et de menestrandies
de Jean FROISSART dans II, II, 74
Vous acquestez maintes richesces, Vous usez de toutes noblesces
de Eustache DESCHAMPS dans Poésies mss. f° 427
Grant deduit fut de veoir porter les jolivetez et noblesses que dames et damoiselles envoyent aux jeunes chevaliers leurs amoureux, pour eulx parer pour l'amour d'elles
dans Perceforest, t. I, f° 24
4
XVIe s.
Le plus souvent nous logeons par honneteté en quelque mestairie, et puis aux noblesses [maisons des nobles] parfois
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans Faen. III, 1
Jamais vilain n'aima noblesse
de Antoine LE ROUX DE LINCY dans Prov. t. II, p. 90
Le tiers estat est le seminaire de noblesse
de Antoine LE ROUX DE LINCY dans ib.
Nul noblesse de paresse
de Antoine LE ROUX DE LINCY dans ib.
Vraye noblesse nul ne blesse
de Antoine LE ROUX DE LINCY dans ib.
Longueur du temps n'esteint noblesse ni franchise
de Antoine LOYSEL dans Inst. cout. 36

ÉTYMOLOGIE

1
Provenç. nobleza, noblessa ; espagn. nobleza ; portug. nobreza ; anc. ital. nobilezza ; d'un thème fictif nobilitia (comme paresse, de pigritia), qui vient de nobilis, noble. On a dit aussi nobleté, de nobilitatem.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
NOBLESSE. Ajoutez : - REM. Le mot devenu proverbial : noblesse oblige, ne paraît pas ancien ; du moins tout porte à croire qu'il est dû au duc de Lévis, qui commence par là un chapitre sur la noblesse, Maximes, préceptes et réflexions, p. 86, 5e éd. Paris, 1825.

Synonymes de NOBLESSE

Termes proches de NOBLESSE