Définition de MOU, MOLLE

DÉFINITIONS - REMARQUE - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : mou, mo-l'

DÉFINITIONS

1
Qui cède facilement au toucher, à la pression, tout en conservant une certaine adhérence. Du fromage mou.
De même que le feu terrestre partage tellement sa vertu, qu'il y a des choses qu'il fait plus fermes, et qu'il y en a d'autres qu'il rend plus molles
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans 2e serm. Pentec. 2
On apporte à l'instant ses somptueux habits, Où sur l'ouate molle éclate le tabis
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Lutr. IV
Son menton sur son sein descend à double étage, Et son corps, ramassé dans sa courte grosseur, Fait gémir les coussins sous sa molle épaisseur
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans ib. I
.... Un ruisseau qui, sur la molle arène, Dans un pré plein de fleurs lentement se promène
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Art p. I
....Mangez sur ma parole ; J'aime à voir aux lapins cette chair blanche et molle
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Sat. III
Tout ce qui est humide est en même temps mou, c'est-à-dire moins dur que ce qui est sec ; aussi n'y a-t-il de parfaitement solide que ce qui est entièrement sec
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Min. t. I, p. 43
Le canon tirait contre la maison ; mais, les pierres étant fort molles, il ne faisait que des trous et ne renversait rien
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Charl. XII, 6
Poires molles, voy. POIRE.
Sémantique : Terme de physique. Corps mous, ceux qui ne tendent pas à reprendre la figure que le choc ou la compression leur a fait perdre.
Sémantique : Terme d'anatomie. Parties molles du corps, ensemble des chairs ou des organes qui recouvrent le squelette.
Nature : S. m. Ce qui est mou, chose molle.
....L'une voudra du mou, L'autre du dur....
de Jean de LA FONTAINE dans Mazet.
....L'un demande du mou, L'autre du dur
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Dép. amoureux, IV, 2
Nature : S. m. pl. Nom qu'on donne quelquefois aux mollusques.
2
Sémantique : Par extension. Le temps est mou, le vent est mou, le temps est relâché, le vent est chaud et humide.
3
Sémantique : Fig. Qui a peu de vigueur. Ce cheval est mou. Homme mou au travail.
Qui a peu de suite, de ténacité. Cet homme est mou à servir ses amis.
M. de la Poplinière, qui a du pouvoir sur cette âme molle [Thiriot], et qui a quelque intérêt que la mollesse n'aille pas jusqu'à l'ingratitude
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. Helvétius, janvier 1739
Il se dit aussi des choses.
Et tous mes voeux pour vous seront mols et timides
de Pierre CORNEILLE dans Héracl. III, 1
Style mou, style qui manque de vigueur.
Sémantique : Terme de peinture. Touche molle, manière molle, faiblesse d'expression dans le mécanisme de l'art.
Pauvre, sale, mou de touche
de Denis DIDEROT dans Salon de 1767, Oeuvres, t. XIV, p. 47, dans POUGENS.
On dit dans le même sens : un pinceau mou.
4
Qui perd sa vigueur dans les plaisirs, dans une vie énervante.
Les hommes sont lâches dans les petites tentations ; ils sont mous dans les plaisirs
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans t. XVII, p. 281
Savez-vous, leur dit-il, à quels ennemis vous aurez affaire ? à des hommes mous, lâches, efféminés, déjà à demi vaincus par les délices
de Charles ROLLIN dans Hist. anc. Oeuv. t. II, p. 147, dans POUGENS
La Grèce entière est libre, et la molle Ionie Sous un joug odieux languit assujettie
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Brutus, I, 2
Ce peuple mou, volage et facile à fléchir
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans M. de Cés. II, 4
5
Qui appartient à une âme sans vigueur.
Qu'à tant de violence Il oppose, non plus une molle prudence, Mais un courage mâle
de Pierre CORNEILLE dans Théod. V, 6
L'amour que j'ai pour vous hait ces molles bassesses
de Pierre CORNEILLE dans Perthar. IV, 5
Et dont, à tous propos, les molles complaisances Donneraient de l'encens à mes extravagances
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Mis. II, 5
N'est-ce pas ainsi qu'une molle complaisance a perdu tant de femmes, et tous les jours en perd tant d'autres ?
de Louis BOURDALOUE dans 2e dim. après l'Épiphan. Dominic. t. I, p. 104
Je craignais beaucoup plus sa molle résistance
de Jean RACINE dans Alex. II, 5
Les molles faiblesses d'un coeur fragile
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Mélange.
Je suis persuadé que ceux qui ont dit que je m'étais emporté dans cette dernière réponse sont les mêmes qui ont dit que mes précédentes réponses étaient molles et marquaient un ménagement trop timide
de BAYLE dans Lett. à des Maizeaux, 23 juill. 1706
Nos moeurs sont trop molles ; j'aurais dû peindre avec des traits plus caractérisés la fierté sauvage des Tartares et la morale des Chinois
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. d'Argental, 17 septembre 1755
Qui éteint la vigueur de l'âme.
Qui s'apprête à mourir, qui court à ses supplices, N'abaisse pas son âme à ces molles délices
de Pierre CORNEILLE dans Théod. IV, 6
Ils [les grands] livrent leurs coeurs aux vaines douceurs d'une vie molle et oisive
de Esprit FLÉCHIER dans Aiguillon.
Vous avez eu une éducation molle
de Esprit FLÉCHIER dans I, 220
....Bajazet dédaigna de tout temps La molle oisiveté des enfants des sultans
de Jean RACINE dans Baj. I, 1
La molle volupté, sur un lit de gazons, Satisfaite et tranquille, écoute leurs chansons
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Henr. IX
Par la molle douceur de ses impressions [de l'amour]
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Adél. du Guesclin. II, 1
Et dont la danse molle aiguillonne aux plaisirs
de André CHÉNIER dans Élég. XXIX.
6
Sémantique : Terme de marine. Se dit d'un navire qui tient mal le vent, qui va mal.
Molle mer, mer étale, intervalle entre le flux et le reflux.
Cordage mou, cordage lâche qui n'est pas roidi.
Nature : S. m. Le mou d'un cordage, la partie d'un cordage qui n'est pas roidie.
Donner du mou à une manoeuvre, à un câble, en diminuer la tension. Embraquer le mou, roidir un cordage.
7
Bronze mou, bronze chauffé au rouge et trempé dans l'eau fraîche.
8
Sémantique : Terme de pêche. Molle salée, morue à laquelle on n'a pas donné assez de sel.

REMARQUE

1
Dans le style soutenu et surtout en poésie, on dit quelquefois mol au masculin quand le mot qui suit commence par une voyelle : un mol abandon.
Qui le souffre a le coeur lâche, mol, abattu
de Pierre CORNEILLE dans Cinna, II, 1
Cependant, même quand le mot commence par une consonne, la poésie peut préférer mol à mou : L'affront que m'eût fait ce mol consentement
de Pierre CORNEILLE dans Hor. III, 5
S'il pardonne, il est mol, s'il se venge, barbare
de Jean de ROTROU dans Vencesl. I, 4
On n'en voudrait pas [de l'argent gagné au jeu], s'il était offert ; ce n'est pas cet usage mol et paisible et qui nous laisse penser à notre malheureuse condition, qu'on recherche....
de Blaise PASCAL dans Pensées, éd. LAHURE, t. I, p. 265

HISTORIQUE

1
XIIe s.
Si aturnad un mol mangier devant lui à son oes [à sa commodité]
dans Rois, p. 163
2
XIIIe s.
Soies [sois] movans, mais non pas mos
de Brunetto LATINI dans Trésor, p. 385
Et quant li airs iert [sera] apaisiés, Et li tens cler et aesiés, Et li vens mol et delitables
dans la Rose, 8442
Se ge disoie d'eus parole Qui ne lor fust plaisante et mole
dans ib. 11002
Atant me vindrent dui [deux] vilain, Chascun un baston en sa main, Qui tant me donerent de cous Que tous les costez en ai mous
dans Ren. 18823
3
XVe s.
Par estre trop mol, les franchises de Gand se pourroient perdre qui estoient si très nobles
de Jean FROISSART dans II, II, 53
Tendres et mols comme un petit oison
de Eustache DESCHAMPS dans Poe sies mss. f° 207
Est bon avoir grant garnison de potz plains de mol savon
dans le Jouvencel, f° 90, dans LACURNE
4
XVIe s.
Nostre corps sera cendre esteinte, et l'esprit sera espars comme le mol air, et nostre nom sera oublié avec le temps
de LA NOUE dans 5
N'ayans autre but qu'un mol et vain plaisir exterieur
de LA NOUE dans 205
Croupir en mols plaisirs et paresse
de LA NOUE dans 210
Ses gents faisans plus molle garde
de Michel de MONTAIGNE dans I, 28
J'admire de les veoir si doulces et molles [les guerres civiles]
de Michel de MONTAIGNE dans I, 170
Une beauté molle, affettée, delicate, artificielle
de Michel de MONTAIGNE dans I, 177
Pour arracher de leur bouche quelque parole molle et rabaissée
de Michel de MONTAIGNE dans I, 242
Ô ployables esprits, o consciences molles, Temeraires jouets des vents et des paroles
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans Tragiques, Princes.

ÉTYMOLOGIE

1
Picard, mau ; Berry, mou, mouillé, moule, mouillée ; wallon, mô, au fém. mole ; namur. mol ; Hainaut, mo ; provenç. molh ; cat. moll ; esp. mole, muele ; port. et ital. molle ; du lat. mollis, pour molvis, comme l'indiquent les formes en u du persan et du sanscrit ; pers. mardu ; sanscr. mridu. Palsgrave écrit au pluriel molz, prononcé moz, p. 25

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
Sémantique : En termes d'artillerie, on dit qu'un tir est mou, quand la charge employée est faible et que l'angle de tir est très élevé.

Termes proches de MOU, MOLLE