Définition de MONTRE

DÉFINITIONS - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : mon-tr'

DÉFINITIONS

1
Action de montrer ; sens qui n'est guère usité que dans la locution : faire montre, montrer avec une sorte d'étalage.
Elle.... Étale ses beautés, fait montre de ses charmes
de François de MALHERBE dans V, 23
Quand un discours naturel peint une passion, ou un effet, on trouve dans soi-même la vérité de ce qu'on entend, laquelle on ne savait pas qu'elle y fût, en sorte qu'on est porté à aimer celui qui nous le fait sentir ; car il ne nous a pas fait montre de son bien, mais du nôtre
de Blaise PASCAL dans Pens. VII, 26, éd. HAVET.
Vous avez beau faire montre d'une vaine intrépidité
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Evid. de la loi.
Autant pour faire montre de leur crédit que pour obtenir quelque nouveau privilége
de ANQUET. dans Ligue, I, 240
2
Ce qu'on montre pour faire juger du reste, échantillon. Une montre de blé, d'avoine.
Le corps de la pièce sera semblable à l'endroit vulgairement appelé la montre, et, au cas qu'il se trouve d'une qualité inférieure, la pièce d'étoffe sera confisquée
dans Arrêt du C. 15 août 1724
Acheter du blé sur montre, l'acheter d'après l'échantillon que le vendeur a apporté au marché.
Sémantique : Fig.
Voilà une petite montre de ce grand commerce de friperie que l'on exerce à la cour
de Jean-Louis GUEZ de BALZAC dans De la cour, 5e disc.
Conserve à nos neveux une montre fidèle Des exquises beautés que tu tiens de son zèle
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Val-de-Grâce.
3
Ce qu'un marchand étale devant sa boutique, pour montrer quelle sorte de marchandise il vend. Tout cela n'est mis que pour servir de montre.
Le brodeur et le confiseur seraient superflus, et ne feraient qu'une montre inutile, si l'on était modeste et sobre
de Jean de LA BRUYÈRE dans VIII
Faire des montres, étaler des marchandises de moindre qualité.
Le marchand fait des montres pour donner de sa marchandise ce qu'il y a de pire
de Jean de LA BRUYÈRE dans VI
Ne point faire de montre, c'est-à-dire faire voir d'abord ce qu'on a de plus beau, de meilleur.
4
Boîte vitrée dans laquelle les orfévres, bijoutiers, etc. mettent leurs marchandises, afin qu'on les voie sans pouvoir y toucher.
5
Ce qui sert d'enseigne, d'annonce.
Semblables à ces figures de carton qui servent de montre à une fête publique, ils [certains grands] jettent feu et flamme, tonnent et foudroient
de Jean de LA BRUYÈRE dans IX.
Sémantique : Fig.
Hypocrites qui, outrageant la vertu dans leurs coeurs, abusent de son image qui leur sert de montre pour se concilier la faveur des hommes
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Sermons, Honneur (fragm. sur le même sujet).
6
Montre d'orgues, devanture qui simule les tuyaux d'orgues, et qui cache les véritables tuyaux.
7
Endroit d'une salle d'armes où sont placés, dans une espèce de râtelier, les fleurets des élèves.
8
Lieu où les marchands de chevaux font voir leurs chevaux à vendre.
La manière dont ils essayent et conduisent ces mêmes chevaux. Prenez-y garde, la montre est trompeuse.
9
Nom que les fabricants de porcelaine donnent aux pyroscopes.
10
Apparence.
Il est des choses qui ont une montre douteuse, et qu'on ne peut tenir pour honnêtes, que premièrement on n'en fasse l'interprétation
de François de MALHERBE dans le Traité des bienf. de Sénèque, IV, 16
Quand sur une si belle montre on a essayé du personnage
de Jean de LA BRUYÈRE dans XV
C'est une question agitée si la réalité nous importe plus que la montre
de LE P. COURBEVILLE dans dans DESFONTAINES
La montre des blés est belle, ils annoncent une bonne récolte.
N'être que pour la montre, se dit de certaines choses qui ne sont que pour l'apparence et dont on ne se sert point.
Ce sont les vignes de la Courtille, belle montre, peu de rapport, ou, simplement, belle montre, peu de rapport, se dit pour exprimer que la personne ou la chose dont on parle, a de belles apparences auxquelles ne répond nullement la réalité.
Le proverbe de la Courtille : belle montre, peu de rapport
de CYRANO DE BERG. dans Pédant joué, II, 2
11
Sémantique : Fig. Parade, étalage.
Si les médecins n'avaient des soutanes et des mules, et que les docteurs n'eussent des bonnets carrés..., jamais ils n'auraient dupé le monde, qui ne peut résister à cette montre si authentique
de Blaise PASCAL dans Pens. III, 3, éd. HAVET.
Malheur à vous, hypocrites.... qui n'avez qu'une vaine montre et une fausse apparence de probité
de Louis BOURDALOUE dans Avent, 55
On dirait qu'il a du zèle pour moi, mais ce n'est qu'une idole et qu'une vaine montre de zèle
de Louis BOURDALOUE dans 5e dimanche après la Pentecôte, Dominic. t. II, p. 742
12
Autrefois, revue de gens de guerre.
Ce qu'il y eut en cette montre [le spectacle, le défilé du triomphe du consul Cornélius] de plus regardé, fut une troupe de Crémonais et de Plaisantins, qui, en habit d'affranchis, voulurent marcher après son charriot
de François de MALHERBE dans Tite Live, l. XXXIIIe, ch. 23
Et comme en une montre où les passe-volants... sont les plus insolents
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Sat. X
Il avait quatre cents hommes d'armes qui étaient payés à la montre, sans avoir ni contrôleur, ni inspecteur
de Charles Pinot, sieur DUCLOS dans Oeuv. t. II, p. 402
Sémantique : Fig. et familièrement. Passer à la montre, être acceptable, en parlant soit des personnes soit des choses.
Chez les provinciaux on prend ce qu'on rencontre, Et là, faute de mieux, un sot passe à la montre
de Pierre CORNEILLE dans Ment. I, I
Ainsi Richard.... Vécut longtemps, et fit force bon tours, Dont celui-ci peut passer à la montre
de Jean de LA FONTAINE dans Richard Minutolo.
Revue passée pour le payement de la solde.
Sémantique : Par extension, un mois, un quartier de solde. Cette compagnie a touché sa montre.
Montre sèche, revue où on ne donnait point d'argent.
13
Ancien terme de guerre. Manoeuvre pour cacher son vrai dessein à l'ennemi.
Après diverses montres de différents côtés et avoir menacé plusieurs de nos places, le prince d'Orange tourna tout à coup sur Namur
de Louis de Rouvroy, duc de SAINT-SIMON dans 30, 92
On dit aujourd'hui démonstration.
14
La platine qui indique les heures dans une horloge ou une montre. Les horloges dans les églises avaient des montres dedans et dehors.
On dit aujourd'hui cadran.
15
Petite horloge qui se porte ordinairement dans une poche destinée à cet usage. Montre d'or, d'argent. Monter sa montre. Ma montre va bien, va mal. Mettre une montre à l'heure.
Ceux qui jugent d'un ouvrage par règle sont, à l'égard des autres, comme ceux qui ont une montre à l'égard des autres ; l'un dit : il y a deux heures ; l'autre dit : il n'y a que trois quarts d'heure ; je regarde ma montre ; je dis à l'un : vous vous ennuyez ; et à l'autre : le temps ne vous dure guère ; car il y a une heure et demie
de Blaise PASCAL dans Pens. VII, 5
En ouvrage de goût, en musique, en poésie, en peinture, c'est le goût qui tient lieu de montre ; et celui qui n'en juge que par règle en juge mal
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Rem. Pens. Pasc. 48
Montre à répétition, voy. RÉPÉTITION.
Montre en bague, montre qui se porte au doigt à l'aide d'une bague où elle est enchâssée.
Si jamais vous voulez orner le doigt de quelque illustre dame espagnole d'une montre en bague.... cela ne se fait que dans mon village, et on y sera à vos ordres
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. Aranda, 20 déc. 1771
Montre marine, montre faite avec beaucoup de précision, en sorte qu'elle conserve toujours l'heure, soit du premier méridien, soit de tout autre lieu dont le méridien est connu. En comparant cette heure avec celle que le calcul donne à bord dans le moment d'une observation, on en déduit le méridien sur lequel on se trouve, c'est-à-dire la longitude du lieu qu'on occupe ; c'est ainsi qu'une montre marine donne les longitudes.
L'Académie avait proposé, en 1767, pour sujet d'un prix la construction d'une montre marine
de Marie-Jean Antoine Caritat, marquis de CONDORCET dans Courtanvaux.
La difficulté était de faire une horloge qui pût marcher régulièrement sur un vaisseau sans cesse agité par les flots ; Sully, artiste anglais établi à Paris, construisit une montre marine en 1726 ; cette horloge n'était qu'un essai
de BAILLY dans Hist. de l'astr. mod. t. III, p. 111
Une montre bien réglée dans un port dont la position est connue, et qui, transportée sur un vaisseau, conserverait la même marche, indiquerait, à chaque instant, l'heure que l'on compte dans ce port
de LAPLACE dans Expos. I, 12
Montre d'ivrogne, celle qu'on peut monter en tournant à droite ou à gauche.
Sémantique : Terme de marine. Montres à dérive, à sillage, appareils dont le but est d'indiquer à tout moment le nombre des degrés de la dérive, le nombre des noeuds du sillage.

HISTORIQUE

1
XIIe s.
Venez et vedez [voyez] les ovres del seignur, lesqueles il posat monstres sur terre
dans Liber psalm. p. 62
Remembrez des merveilles de lui [Dieu], ses monstres e les jugemenz de la buche [bouche] de lui
dans ib. p. 154
2
XIIIe s.
Et le requerant li deit faire la mostre, mais non mie de totes choses
dans As. de J. 62
3
XIVe s.
L'exposant print et mist en son saing une tasse d'argent appelée monstre [ainsi dite parce qu'on y dégustait le vin]
de Victor Henri-Joseph Brahain, dit DU CANGE dans monstra.
4
XVe s.
Et fit le sire de Percy toute maniere de gens armer et appareiller et traire sur les champs et faire leur monstre
de Jean FROISSART dans II, II, 15
Un chascun d'eulx [les trois ordres] son droit estat maintiengne, Car l'exceder est monstre et droicte enseigne De pis avoir pour le peuple et l'eglise
de DESCH. dans Souffrance du peuple.
Ils [les gens de guerre] faisoient monstre tous les moys sur les lieux et recevoient argent
de Philippe de COMMINES dans III, 1
Quiconque amenera es marchés bleds, farines, ou autres grains où il y ait emboucheure, c'est à sçavoir, qui ne soient aussy suffisans et aussy bons dessous comme en la monstre, il perdera les denrées
dans Ordonn. des rois, t. II, p. 354
5
XVIe s.
Mais tout ainsi que qui gaste ou tourmente Le mouvement et secret d'une monstre, L'aiguille faut, et l'heure ne rencontre
de ST-GELAIS dans 177
Et d'aultres lettres, pour le masque et la montre
de Michel de MONTAIGNE dans I, 38
Faire montre d'une chose en public
de Michel de MONTAIGNE dans I, 119
Aussi devons nous, au siecle où nous sommes, si depravé, regarder de près aux choses qui ont belle montre
de Francois LANOUE, dit Lanoue Bras de Fer dans 61
... La premiere place que je mettray en monstre [que je citerai] sera la citadelle d'Anvers
de Francois LANOUE, dit Lanoue Bras de Fer dans 335
L'assemblée de la Rochelle s'engageoit de leur faire toucher deux montres, en attendant le reste de leur payement
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans Hist. III, 505
Toutes oeuvres qui procedent des hommes que Dieu n'a point sanctifiez par son esprit, quelque belle monstre qu'elles ayent....
de Jean CALVIN dans Instit. 609
Quand il en venoit quelques uns qui en apportoient des monstres et des eschantillons seulement [des poésies d'Euripide]
de Jacques AMYOT dans Nicias, 32
La monstre de tout le triumphe fut departie en trois jours
de Jacques AMYOT dans P. Aem. 55
Vos courtisans, qui entendent mieux à monter une montre qu'à affuster ou pointer un canon ou mesme tirer une arquebuzade
de MONTLUC dans Mém. t. II, p. 521, dans LACURNE

ÉTYMOLOGIE

1
Substantif verbal formé de montrer ; wallon, mose ; Hainaut, monte ; provenç. mostra ; espagn. muestra ; ital. mostra. Le cadran qui montre les heures se nommait montre ; puis on a donné au tout le nom de la partie, et dit une montre pour une horloge portative ; c'est au XVIe siècle que l'objet et le nom viennent en usage.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
Montre des pasteurs, instrument portatif composé d'un cylindre et d'un style mobile, et qui donne l'heure par la hauteur du soleil.
2
Montre kilométrique, espèce de compte-pas dit aussi hodomètre, pédomètre, podomètre, instrument indiquant la distance parcourue en marchant, Journ. offic. 14 avr. 1874, p. 2732, 1re c.

Synonymes de MONTRE

Termes proches de MONTRE

Phonétiquement proche de MONTRE