Définition de MONSTRE

DÉFINITIONS - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : mon-str'

DÉFINITIONS

1
Corps organisé, animal ou végétal, qui présente une conformation insolite dans la totalité de ses parties, ou seulement dans quelques-unes d'entre elles. Les fleurs doubles sont des monstres. Cette femme est accouchée d'un monstre.
Les miracles sont plus rares que les monstres
On peut réduire en trois classes tous les monstres possibles : la première est celle des monstres par excès ; la seconde, des monstres par défaut ; et la troisième, de ceux qui le sont par le renversement ou la fausse position des parties
La plupart des monstres le sont avec symétrie, le dérangement des parties paraît s'être fait avec ordre
M. Lemery soutenait que la formation des monstres était due uniquement à des causes accidentelles qu'il assignait, et qu'il savait employer avec beaucoup de sagacité et d'esprit
M. Winslow laissait là tout cet attirail d'explications physiques, et, le scalpel à la main, il prétendait trouver, dans certains monstres, des preuves incontestables que leur formation était due uniquement à des oeufs originairement monstrueux
de Charles BONNET dans ib.
2
Les êtres physiques imaginés par les mythologies et par les légendes, dragons, minotaures, harpies, divinités à formes étranges, etc. Les Centaures étaient des monstres. La Chimère était un monstre. Polyphème était un monstre.
Vous adorez en vain des monstres impuissants
Tous les monstres d'Égypte ont leurs temples dans Rome
de Pierre CORNEILLE dans ib. IV, 6
Aucuns monstres par moi domptés jusqu'aujourd'hui Ne m'ont donné le droit de faillir comme lui [Thésée]
L'onde approche, se brise, et vomit à nos yeux Parmi des flots d'écume un monstre furieux
de Jean RACINE dans ib. V, 6
La tête d'un homme sur le corps d'un cheval nous plaît ; la tête d'un cheval sur le corps d'un homme nous déplaira ; c'est au goût à créer des monstres
3
Sémantique : Par assimilation, les êtres allégoriques auxquels on donne soit des formes étranges, soit des inclinations malfaisantes.
Cependant cet oiseau qui prône les merveilles, Ce monstre composé de bouches et d'oreilles, La renommée...
Et le barreau n'a pas de monstres si hagards Dont mon oeil n'ait cent fois soutenu les regards
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans ib. III
Il y a deux monstres qui désolent la terre en pleine paix : l'un est la calomnie, et l'autre l'intolérance ; je les combattrai jusqu'à ma mort
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Mél. litt. Réfut. d'un écrit anonyme.
4
Sémantique : Par exagération, les animaux d'une grandeur extraordinaire.
Sémantique : Poétiquement. Les monstres des forêts, les bêtes féroces qui habitent les forêts.
Croit-on que dans ses flancs un monstre m'ait porté ?
Sémantique : Fig.
L'Américain farouche est un monstre sauvage Qui mord en frémissant le frein de l'esclavage
Monstres marins, les grands cétacés.
Sémantique : Par extension. On a servi des monstres sur cette table, on y a servi des poissons d'une grandeur extraordinaire.
Mais enfin il les sut engager à lui servir d'un monstre [poisson] assez vieux pour lui dire Tous les noms des chercheurs de mondes inconnus
5
Sémantique : Fig. Un monstre, une chose dont on s'effraye.
La Mousse [à propos d'un projet de voyage en province] a été un peu ébranlé des puces, des punaises, des scorpions, des chemins et du bruit qu'il trouvera peut-être ; tout cela était un monstre dont je me suis bien moquée
Cette timidité, en nous montrant sans cesse des monstres où il n'y en a pas
Faire un monstre d'une chose, la représenter comme dangereuse, pénible, etc.
Et puisqu'elle vous blâme, et que sa fantaisie Lui fait un monstre affreux de votre jalousie
Vous lui faites sans cesse un monstre de l'amour
de Thomas CORNEILLE dans Baron d'Albikrac, III, 4
Se faire un monstre de quelque chose, s'imaginer qu'une chose est très pénible, très difficile.
Il n'y, a point de faute aussi pardonnable qu'une sensibilité comme la mienne ; ne vous en faites donc point un monstre, Marianne, ajouta-t-il, en pliant le genou devant moi
Se faire des monstres de tout, s'exagérer les difficultés de toute chose.
Une mère peu éclairée se fait des monstres de tout
6
Sémantique : Fig. Par analogie et par transition du physique au moral, personne cruelle, dénaturée, ou remarquable par quelque vice poussé à l'excès.
T'ai-je peint ces tristes Tisiphones [les femmes qui haïssent leurs enfants], Ces monstres pleins d'un fiel que n'ont point les lionnes ?
Caligula, Néron, Monstres dont à regret je cite ici le nom
Monstre qu'a trop longtemps épargné le tonnerre
On passe pour un monstre quand on manque de reconnaissance
Ah ! je suis un monstre à vos yeux
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Théât. d'éduc. les Faux amis, II, 11
Quels monstres le hasard rassemble sous nos yeux ! Tibère et Néron se regardent
Il se dit, par antiphrase, de quelque qualité qui nous cause autant de peine que ferait un vice.
Une femme constante est un monstre nouveau Que le ciel a produit pour être mon bourreau
Monstre s'est dit, par esprit d'intolérance, des hérétiques, des infidèles et des athées.
Un Spinosa, ce monstre, qui après avoir embrassé plusieurs religions, finit par n'en avoir aucune
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Doutes.
Le monstre ! il [Galilée] ose prouver que c'est la terre qui tourne
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Philos. Disc. Belleguier.
Julien [l'empereur] est sobre, chaste, désintéressé, valeureux, clément ; mais il n'était pas chrétien ; on l'a regardé longtemps comme un monstre
Sémantique : Populairement, dans le même sens, un monstre de nature.
Ce doit être un monstre de nature
On a dit dans un sens analogue : des monstres de la société des monstres qui outragent la société.
Il faudrait que ce fussent des monstres de la société, s'ils ne trouvaient pas en eux-mêmes les sentiments nécessaires à cette société
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Traité de métaphysique, IX
C'est un monstre d'ingratitude, un monstre d'avarice, de cruauté, etc. se dit d'une personne qui montre une noire ingratitude, qui est d'une sordide avarice, etc.
Sors donc de devant moi, monstre d'impiété
Deux fils [d'Hircan] qui étaient des monstres de perfidie, d'avarice et de cruauté
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Philos. Sommaire de l'Hist. juive.
Monstres d'hommes, hommes remarquables par leur méchanceté.
Quelques monstres d'hommes tels qu'ont été un Diagore mélien, un Évhemère tégéate, et un Théodore cyrénien, qui ne voulaient pas même reconnaître une cause première
de LAMOTHE LE VAYER dans Vertu des païens, 1, Observ. sur les trois états.
Monstre se dit aussi, par exagération et par plaisanterie, d'une personne à qui on reproche quelque énormité. Ces monstres d'hommes n'en font pas d'autres.
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Sémantique : Par exagération, personne extrêmement laide.
Son avarice.... Le fit dans une avare et sordide famille Chercher un monstre affreux sous l'habit d'une fille
De six monstres qui se disaient filles d'honneur, et d'une duègne autre monstre qui se portait pour gouvernante de ces rares beautés
On dit dans le même sens : un monstre de laideur.
8
Sémantique : Fig. Toute chose qui est comparée à un monstre pour sa grosseur, sa laideur, sa grossièreté, sa disproportion, son abomination.
Que nous avons nommé le monstre de l'octave, ou une octave défectueuse
de René DESCARTES dans Mus.
Apprenez enfin qu'un gentilhomme qui vit mal est un monstre dans la nature
S'il [l'homme] se vante, je l'abaisse ; s'il s'abaisse, je le vante ; et le contredis toujours, jusqu'à ce qu'il comprenne qu'il est un monstre incompréhensible
Cette négligence [des indifférents en matière de religion].... est un monstre pour moi
L'orgueil contre-pèse et emporte toutes les misères ; voilà un étrange monstre et un égarement bien visible
de Blaise PASCAL dans ib. XXIV, 10 bis.
Je vous conjure que ma fille ne réponde point à cette lettre, c'est un monstre d'écriture : je n'ai rien à faire, je me porte bien, et c'est mon unique plaisir de vous parler
Quels monstres d'opinions se faut-il mettre dans l'esprit ?
Il avait toujours regardé le libertinage [irréligion] comme un monstre dans les armées
Être chrétien et n'être pas pénitent était un monstre et une nouveauté sans exemple
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Jeûne.
Une armée de monstres va ressusciter dans votre coeur
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Rechute, 1
Vous vivrez sans joug et sans règle, vous entasserez monstre sur monstre
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Inconst.
Lorsque ni l'une ni l'autre [partie] n'y consentent, c'est un monstre que le divorce
Et de là sortiront des merveilles ou des monstres de raisonnements sans nombre
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Nature des anim.
9
Sorte de ciseaux à longs anneaux.
10
Nom vulgaire de la mésange à longue queue.
11
Monstre double, monstre simple, nom de deux variétés de tulipes.
12
Nature : Adj. Dans le langage populaire, prodigieux, monstrueux, énorme, extraordinaire. Un bouquet monstre. Un dîner monstre. Un concert monstre.

HISTORIQUE

1
XIIe s.
Dont poroies veoir un molt horrible monstre.... si tu les oylz [yeux] del cuer avoies enlumineiz
de SAINT BERNARD dans p. 562
2
XIIIe s.
Il atendoit que li poinz apareust et li mostres que Merlins li dist ; mais ne demora puis gaires que li mostres lor aparut en l'air
dans Merlin, f. 51, verso
Et quant ele [une infirme] aloit, ele portoit son chief près de terre pié et demi, apuiée d'un baston.... et sembloit un mostre, si que, quant les enfanz la veoient, il s'enfuioient
dans Miracles St Loys, p. 127
3
XVIe s.
Une beauté cruelle est un monstre en nature
de Philippe DESPORTES dans Cartels et masquarade, pour le roy Henri III
La cour est un monstre de plusieurs testes et consequemment de plusieurs langues et plusieurs voix
de DES AUTELS dans dans LIVET, la Gramm. franç. p. 126
Je diray un monstre [une chose monstrueuse], mais je le diray pourtant
de Michel de MONTAIGNE dans II, 124
Des gens barbus [les Espagnols], montez sur des grands monstres incogneus [les chevaux]
de Michel de MONTAIGNE dans IV, 18
Si une chacune ame est sujette à tous ces monstres de vices
Tous ceux qui violent l'authorité paternelle ou par mespris, ou par rebellion, sont monstres et non pas hommes
de Jean CALVIN dans ib. 300
Question laquelle toutes gens craignans Dieu à bon droit ont en horreur comme un monstre detestable
de Jean CALVIN dans ib. 357

ÉTYMOLOGIE

1
Provenç. mostre ; espagn. monstruo ; portug. monstro ; ital. mostro ; du lat. monstrum, qui vient directement de monere, avertir, par suite d'une idée superstitieuse des anciens : quod moneat, dit Festus, voluntatem deorum. Monstrum est pour monestrum ; monstrare (voy. MONTRER) est le dénominatif de monstrum.

Synonymes de MONSTRE

Termes proches de MONSTRE