Définition de MERVEILLE

DÉFINITIONS - REMARQUE - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : mèr-vè-ll', ll mouillées, et non mèr-vè-ye

DÉFINITIONS

1
Chose qui cause de l'admiration.
La valeur de son père, en son temps sans pareille, Tant qu'a duré sa force, a passé pour merveille
La plus rare merveille, Quand l'esprit la connaît, ne surprend plus l'oreille
Mais de nous charmer les oreilles Par sa merveille des merveilles, Cela ne se peut nullement
de BERTELOT dans Contre Malherbe, dans l'éd. de Ménage, p. 498
Il ne faut jamais dire aux gens : Ecoutez un bon mot, oyez une merveille ; Savez-vous si les écoutants En feront une estime à la vôtre pareille ?
Paroles font en amour des merveilles
de Jean de LA FONTAINE dans Orais.
De la moindre vétille il fait une merveille
Faute de cette connaissance [de l'agrément, en poésie], on a inventé de certains termes bizarres : siècle d'or, merveille de nos jours, et on appelle ce jargon beauté poétique
Quelle partie du monde habitable n'a pas ouï les victoires du prince de Condé et les merveilles de sa vie ?
Élevant son esprit aux choses invisibles de Dieu par les merveilles visibles de la nature
Le public, enrichi du tribut de nos veilles, Croit qu'on doit ajouter merveilles sur merveilles
Lorsque, dans les âges suivants, l'on parlera avec étonnement des victoires prodigieuses et de toutes les grandes choses qui rendront notre siècle l'admiration de tous les siècles à venir, Corneille, n'en doutons point, Corneille tiendra sa place parmi toutes ces merveilles
de Jean RACINE dans Rép. au disc. de récept. de Th. Corneille.
Les grands et les puissants de Pologne, frappés des merveilles que la renommée répand de lui en tous lieux
Je vis près d'Apollon, à son autel de pierre, Un palmier, don du ciel, merveille de la terre
de André CHÉNIER dans l'Aveugle.
Là, près des ruches des abeilles, Arachné tisse ses merveilles
Les sept merveilles du monde, les sept monuments les plus célèbres dans l'antiquité, à savoir les pyramides d'Égypte, les murailles et les jardins suspendus de Babylone, le temple de Diane à Éphèse, celui de Jupiter Olympien à Pise en Élide, le tombeau qu'Artémise fit élever pour Mausole, son mari, le phare d'Alexandrie, et le colosse de Rhodes.
Ainsi fut achevée la ruine de ce tombeau [de Mausole], la dernière des trois merveilles dont l'Asie s'enorgueillissait ; car le temple de Diane à Éphèse et le colosse consacré au soleil à Rhodes avaient depuis longtemps disparu
de SAINTE-CROIX dans Instit. Mém. hist. et litt. anc. t. II, p. 380
Sémantique : Par exagération. C'est une des sept merveilles du monde, se dit d'un superbe édifice, ou de quelque autre chose semblable, étonnante en son genre.
On dit de même : c'est la huitième merveille du monde.
Sémantique : Familièrement. Ce n'est pas grande merveille, ou, par ironie, voilà une belle merveille, ou, elliptiquement, belle merveille, belle merveilles, se dit pour rabaisser une chose, une action que quelqu'un veut faire passer pour admirable.
Belles merveilles ! assembler des voleurs, des scélérats, se faire chef de bandits
Être la merveille de, exciter l'admiration.
Cette princesse est toujours la merveille de la cour
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Lett. quiét. 497
La cour ne le retint guère, quoiqu'il en fût la merveille
Cet État sera la merveille de l'Hespérie
Que le corps de ville [de Paris] demande seulement permission de mettre une taxe modérée et proportionnelle sur les habitants.... que les projets [d'embellissement] soient reçus au concours, que l'exécution soit au rabais, il sera facile de démontrer qu'on peut, en moins de dix ans, faire de Paris la merveille du monde
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Pol. et lég. Embell. de Paris.
Cette femme dont tout le monde parlait, et dont on ne connaissait pas le véritable nom, parut à lord Nelvil l'une des merveilles du singulier pays qu'il venait voir
C'est une merveille.... c'est merveille de.... que de.... c'est-à-dire c'est une chose extraordinaire de.... ou que de.... C'est une merveille de faire cela, ou que de faire cela.
C'était merveille de le voir, Merveille de l'ouïr...
Vous connaissez la manoeuvre des uns et des autres, que c'est une merveille
C'est merveille que, avec le subjonctif.
[Il] Court à son compagnon, lui dit que c'est merveille Qu'il n'ait eu seulement que la peur pour tout mal
Ce n'est pas merveille de, ce n'est pas merveille que.... avec le verbe au subjonctif, ce n'est pas merveille si.... c'est-à-dire il n'y a pas lieu de s'étonner. Ce n'est pas merveille qu'il ait échoué.
Ce n'est pas merveille, s'il faut une force assez sensible
de René DESCARTES dans Mondes, 3
Ce n'est donc pas merveille si les peuples faisaient moins de cas des nouveaux oracles que des anciens
Puisque vous logez chez un médecin, ce n'est pas merveille que vous soyez malade
Pour elle, ce n'est pas merveille De troubler l'ordre de mes jours
de Pierre Jean de BÉRANGER dans Print. et aut.
Sémantique : Familièrement. Faire merveilles, faire des merveilles, se distinguer d'une façon extraordinaire.
Si tu le fais [si le Seigneur conseille le roi], Seigneur, il fera des merveilles
de François de MALHERBE dans II, 1
Ma Chimène, il est vrai qu'il a fait des merveilles
Vous faites des merveilles
Vous avez fait des merveilles d'écrire à Mme de Lavardin
L'on dit que, dans le passage du Rhin, le chevalier de Grignan fit encore des merveilles de valeur et de prudence
Vous savez toutes les merveilles qu'on a faites sur les Turcs [qui venaient d'être battus]
Elle [votre cousine] y a fait merveilles
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans à Bussy, 15 janv. 1687
Mme la Dauphine fait merveilles, et tout le monde en est content
Faire des merveilles à, produire un excellent effet à ou sur.
Hier, le remède de l'Anglais avait fait des merveilles
Les eaux m'ont fait des merveilles
Faire des merveilles à, faire un excellent accueil à.
Mme de Schomberg me fait des merveilles, et son mari à mon fils
Je fus hier avec Mme de Coulanges au Palais-Royal.... Madame me fit des merveilles d'abord ; mais, quand l'abbé de Chavigny fut entré, mon étoile pâlit visiblement
Se faire merveilles, se faire mille amitiés l'un à l'autre.
Praslin et le chevalier de Montfort se firent merveilles
Faire merveille, se dit des choses qui produisent un bel effet, qui plaisent infiniment. Un ruisseau qui fait merveille dans le paysage.
Dire des merveilles de, dire merveilles de, vanter extraordinairement.
On en disait merveilles
de Jean de LA FONTAINE dans Faucon.
On dit des merveilles de notre bon pape
M. le chancelier me dit hier des merveilles de votre conduite
Dire merveilles de sa santé devant des infirmes
Dire merveilles, dire des merveilles, écrire des merveilles, dire, écrire des choses charmantes.
Elle [Mlle de la Vallière entrant aux Carmélites] a fait couper ses beaux cheveux.... elle caquète et dit merveilles ; elle assure qu'elle est ravie d'être dans une solitude
Le roi écrivit hier ici des merveilles
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Lett. quiét. 78
Crier à la merveille, exprimer vivement son admiration.
[Le pacha fixant un maximum fort bas sur les comestibles] le peuple crie à la merveille, mais les marchands ferment leurs boutiques
On dit dans le même sens : crier merveille.
....Un amas de vains admirateurs.... prompts à crier merveille
Sémantique : Fig. Promettre monts et merveilles, promettre merveilles, faire de très grandes promesses.
Elle fait amitié, leur promet des merveilles
Conter monts et merveilles, conter merveilles, conter des merveilles de, faire des récits qui excitent l'admiration pour.
Qu'il conte merveilles à ceux qui l'écoutent, de l'éloquence attique
Ce fut un passe-temps de l'entendre conter Monts et merveilles de la dame
de Jean de LA FONTAINE dans Fiancée.
Ils contaient des merveilles des périls de cette expédition
2
Personne qui excite l'admiration.
La voici, la belle Marie, Belle merveille d'Étrurie
de François de MALHERBE dans III, 1
Je sers, je le confesse, une jeune merveille
de François de MALHERBE dans V, 21
Je vous réponds que vous en ferez une petite merveille
La princesse de Conti.... est enfant au delà de ce qu'on peut imaginer, et Mme la Dauphine est une merveille d'esprit, de raison et de bonne éducation
Soutenir la dignité de merveille entre deux âges où vous m'avez élevée
Du théâtre français l'honneur et la merveille, Il [Racine] sut ressusciter Sophocle en ses écrits
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Poésies div. XIX.
3
Chose qui, excitant l'étonnement, paraît dépasser les forces de la nature.
Par quelle merveille Mon oeil peut-il sitôt démentir mon oreille ?
Les merveilles que Dieu avait opérées en leur pays
Quelle merveille de la grâce ! malgré une vocation si peu régulière, la jeune abbesse devint un modèle de vertu
Une merveille absurde est pour moi sans appas
On ne voit plus pour nous ses redoutables mains De merveilles sans nombre effrayer les humains
Peuple ingrat ! quoi ! toujours les plus grandes merveilles, Sans ébranler ton coeur, frapperont tes oreilles ?
de Jean RACINE dans ib.
Et faites retentir jusques à son oreille De Joas conservé l'étonnante merveille
de Jean RACINE dans ib. V, 3
Tant de merveilles qu'ils [les dieux] ont faites en votre faveur
Il chante les merveilles des dieux
J'oublierai le monde entier pour ne plus m'occuper que des merveilles de votre grâce sur mon âme
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Lazare.
4
A merveille. loc. adv. Très bien, parfaitement.
Et Tartufe ? - Tartufe ? il se porte à merveille, Gros et gras, le teint frais et la bouche vermeille
Tout allait à merveille ; j'avais obtenu, presque arraché l'estime de tout le monde
Au XVIIe siècle on écrivait à merveilles ; c'est l'orthographe du Dictionnaire de l'Académie de 1694.
Je revins chez la d'Escars admirer encore la beauté de notre linge et de nos étoffes ; tout sera à merveilles
Je lui procure.... un bon médecin dont il se trouvera à merveilles
À merveille, se dit aussi ironiquement pour exprimer son mécontentement, son indignation.
5
Sémantique : Familièrement. Pas tant que de merveille, pas beaucoup.
6
Merveille à fleurs jaunes, balsamine des bois.
Se dit de plusieurs variétés de fleurs, et particulièrement de tulipes. Merveille d'Amsterdam, de Harlem.
Merveille du Pérou, plante de cette région, dont la merveille consiste en ce qu'elle porte cinq petites fleurs, en forme de cloche, dont chacune est tout à fait différente des autres ; d'autres disent que c'est tout simplement la belle-de-nuit.
Merveille d'hiver, espèce de poire de novembre.
7
S. f. pl. Merveilles, pâtisserie génevoise, rubans de pâte cuits dans le beurre.
La collation fut composée d'échaudés, de merveilles

REMARQUE

1
FAIRE MERVEILLE, FAIRE DES MERVEILLES. Faire merveille se dit des choses, et signifie que ces choses font très bien : Cette figure fait merveille dans ce tableau. Faire des merveilles ou faire merveilles se dit des personnes, et signifie que ces personnes ont fait des choses merveilleuses : Cet orateur a fait aujourd'hui des merveilles. Telle est la décision de Laveaux. Mais cette distinction n'est pas observée.
Ainsi voici des exemples de Mme de Sévigné, où, suivant cette décision, il faudrait faire merveille : Il [le roi] courut un cerf au clair de la lune ; les lanternes firent des merveilles ; le feu d'artifice fut un peu effacé par la clarté de notre amie
Une grande allée où le couchant fait des merveilles
En voici d'autres de Corneille et de Molière où il faudrait, suivant la même décision, faire des merveilles ou faire merveilles : Déguisant son nom et cachant sa famille, Il avait fait merveille aux guerres de Castille
Au reste, il fait merveille en vers ainsi qu'en prose, Et pourrait, s'il voulait, vous montrer quelque chose

HISTORIQUE

1
XIe s.
Dist li paiens : merveilles en ai grant
dans Ch. de Rol. X
Ce est merveille que Deus le soufre tant [Roland]
dans ib. CXXXII
Non est merveille se Charles ad irur [colère]
dans ib. CCII
2
XIIe s.
N'est pas merveilles se m'aïr [je m'irrite] Vers amor qui m'a tant grevé
dans Couci, III
3
XIIIe s.
Quant li rois Felippes le sot, si en fu merveilles liés [joyeux]
dans Chr. de Rains, 15
Moult grans merveille estoit leur biauté à regarder
Ce n'estoit pas merveille se li cuers lui douloit
dans Berte, XXVIII
À tant [ils] saillent hors du batel, Et vinrent à Jehan isnel, Cui il voient faire mervelles
dans Bl. et Jeh. 4356
Et disoient que il avoient trouvé merveilles de diverses bestes sauvages et de diverses façons
4
XVe s.
Or furent ces trois chevaliers qui merveilles cuidoient faire, plus esbahis que devant
Batailles mortelles, desolations de plusieurs eglises, citez, villes et forteresses, depopulation de moult de pays, et autres merveilles piteuses à recorder
de Enguerrand de MONSTRELET dans Prologue.
Et n'estoit point de merveilles se le roy en avoit crainte ; car son frere eust esté bien grant, se le mariage eust esté fait
de Philippe de COMMINES dans III, 8
Avez-vous merveille [êtes-vous surprise], si je le demande ?
de LOUIS XI dans Nouv. XIX.
5
XVIe s.
Jouer à honnestes jeux, comme aux merveilles, aux estats, aux ventes, aux vertus, aux rencontres et autres
de Jacques YVER dans 524
Ils veulent persuader que leur hierarchie est tant bien ordonnée que merveilles
Homme grand, fort et beau à merveilles
de Jacques AMYOT dans Arist. 34
Chascun luy rapporta qu'il faisoit merveille de le louer partout

ÉTYMOLOGIE

1
Bressan, moraville ; bourguig, morvaille ; Berry, marveille ; provenç. meravelha, meravilla ; espagn. maravilla ; portug. maravilha ; ital. maraviglia ; du lat. mirabilia, choses merveilleuses, pluriel neutre de mirabilis, admirable.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
Les merveilles ne sont pas particulières à Genève ; on en fait aussi dans la Dordogne.
Les merveilles, dans le langage du pays, ce sont des gâteaux légers et sucrés
dans Gaz. des Trib. 7 mars 1876, p. 230, 1re col.
2
XVIe s. Ajoutez :
Et la merveille [sorte de plante] un nom bien avenant
de J. PELLETIER DU MANS dans la Savoye (1572), Chambéry, 1856, p. 294

Synonymes de MERVEILLE

Termes proches de MERVEILLE