Définition de MENTIR

DÉFINITIONS - PROVERBES - REMARQUE - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : man-tir

DÉFINITIONS

1
Dire un mensonge.
Il faut bonne mémoire après qu'on a menti
de Pierre CORNEILLE dans le Ment. IV, 5
La première [mère devant Salomon] répliquait : vous mentez ; car c'est mon fils qui est vivant, et le vôtre est mort
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Rois, III, III, 22
Quoique les personnes n'aient point d'intérêt à ce qu'elles disent, il ne faut pas conclure de là absolument qu'elles ne mentent point ; car il y a des gens qui mentent simplement pour mentir
de Blaise PASCAL dans Pens. VI, 29, édit. HAVET.
Ce tombeau s'ouvrirait, ces ossements se rejoindraient et se ranimeraient pour me dire : pourquoi viens-tu mentir pour moi qui ne mentis jamais pour personne ?
de Esprit FLÉCHIER dans Duc de Mont.
C'est alors qu'on trouva, pour sortir d'embarras, L'art de mentir tout haut en disant vrai tout bas
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Sat. XI
Cela ressemble à Arlequin qui se dit curé de Domfront ; et, quand le juge lui fait voir qu'il a menti : monsieur, dit-il, je croyais l'être
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Philos. Bible expl. Machab. VIII
D'un bout du monde à l'autre on ment et l'on mentit ; Nos neveux mentiront comme ont fait nos ancêtres
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Filles de Minée.
Ne sais-tu pas que ceux qui mentent sans esprit, ainsi que ceux qui mentent avec esprit, n'entreront jamais dans le royaume des cieux ?
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. Albergati, 23 déc. 1760
La satire ment sur les gens de lettres pendant leur vie, et l'éloge ment après leur mort
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. Bordes, 10 janv. 1769
Il n'enrage pas pour mentir, se dit d'un homme qui ment habituellement.
Sans mentir, à ne point mentir, il ne faut point mentir, en vérité, à dire vrai.
Et sans mentir, pour voir encore un homme pareil à vous, il est besoin que toute la nature travaille
de Jean-Louis GUEZ de BALZAC dans liv. I, lett. 5
Sans mentir, vous auriez tort de vous faire turc ; car je vous assure que vous avez beaucoup d'amis dans la chrétienté
de Vincent VOITURE dans Lett. 124
Sans mentir, si votre ramage Se rapporte à votre plumage, Vous êtes le phénix des hôtes de ces bois
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. I, 2
....La persécution qui se prépare non-seulement contre les personnes (ce serait peu), mais contre la vérité ; sans mentir, Dieu est bien abandonné
de Blaise PASCAL dans Lett. à Mlle de Roannez, 5
Non ; mais je viens tremblante, à ne vous point mentir....
de Jean RACINE dans Phèdre, IV, 6
Il ne faut point mentir, ma juste impatience Vous accusait déjà de quelque négligence
de Jean RACINE dans Bérén. I, 4
2
Mentir à Dieu, mentir au Saint-Esprit, phrases tirées de l'Écriture.
J'avoue qu'il est rare de trouver de ces âmes noires et maudites de Dieu, qui, de propos délibéré, viennent mentir au Saint-Esprit
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Confess.
Je ne mentirai point au Dieu de vérité
de Marie-Joseph CHÉNIER dans Fénelon, I, 2
3
Il en a menti, c'est-à-dire il a menti sur la chose dont il s'agit.
Ils se servent comme ils doivent du mentiris impudentissime, c'est-à-dire que vous en avez menti, mon révérend père
de Blaise PASCAL dans Lett. de Nicole au père Annat.
.... Vous en avez menti, Reprend le campagnard, et, sans plus de langage, Lui jette pour défi son assiette au visage
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Sat. III
Ceux qui vous l'ont dit en ont menti
de Antoine HAMILTON dans Gramm. 4
Pour rendre le démenti plus offensant, on disait : Il en a menti par la gorge.
Charles-Quint et François Ier se défièrent, s'envoyèrent des cartels, se dirent qu'ils avaient menti par la gorge, et ne se battirent point
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Moeurs, 99
À n'en point mentir, pour n'en point mentir, pour dire la vérité.
Mais, à n'en point mentir, il serait des moments Où je pourrais entrer en d'autres sentiments
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans D. Garc. I, 5
Et, pour n'en point mentir, n'êtes-vous pas méchante De vous plaire à me dire une chose affligeante ?
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Tart. II, 4
Cet en ne se met qu'avec les temps composés et avec l'infinitif ; encore avec l'infinitif il tombe en désuétude.
4
Vous avez fait mentir le proverbe, le mot, se dit à celui qui a fait une chose improbable selon les opinions reçues.
Celle-ci donc ne fit mentir le mot
de Jean de LA FONTAINE dans Fér.
Faire mentir quelqu'un, prouver qu'il s'est trompé dans son jugement.
Je me fais un honneur de faire mentir M. de la Trousse, et je crains quelquefois de ne pas y réussir
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 395
5
Se mentir à soi-même, se persuader à soi-même une chose qu'on sait être fausse.
Se mentir réciproquement, se dire des mensonges les uns aux autres. Ils se sont menti réciproquement. Elles se sont toujours menti.
6
Activement, dans le style élevé, figurer faussement, représenter faussement.
De même qu'avant lui une érudition servile avait mal interprété les vieux monuments de notre histoire pour leur faire mentir la servitude, ainsi souvent Mably leur fait mentir la liberté
de VILLEMAIN dans Tabl. de la littér. du XVIIIe s. 1re part. 17e leçon

PROVERBES

1
Exemple : On sait mentir sans parler, c'est-à-dire on peut vouloir induire en erreur par sa contenance, par ses gestes.
2
Exemple : A beau mentir qui vient de loin, c'est-à-dire celui qui vient de loin, dît-il des mensonges, ne peut être convaincu de fausseté.
3
Exemple : Peut-être garde les gens de mentir, c'est-à-dire dans le discours peut-être est un correctif qui diminue la portée des affirmations.
4
Amplifier n'est pas mentir.
5
Bon sang ne peut mentir, une personne bien née ne dégénère pas.

REMARQUE

1
Mens-je ? ne se dit pas ; on tourne par : est-ce que je mens ?

HISTORIQUE

1
XIe s.
Cuivert [misérables] paien, vus i avez mentit
dans Ch. de Rol. XCIII
2
XIIe s.
Il menti de tot ce que il avoit promis
dans Machab. I, 11
La bele, des nompers la flour, Ne faites vostre pris mentir, Par trop merci contre-tenir
de CHRESTIEN DE TROYES dans poésies mss avant 1300, t. III, p. 1265, dans LACURNE
Dix mil paiens et plus, se je ne ment
dans Ronc. 95
De tout se ment [il ment en tout], bien le poez prover
dans ib. 186
Il boissa [trompa] le roi Charle et sa foi lui mentit
dans ib. 192
Et sachiez bien, se biaus servirs ne ment, Que touz les biens qu'on puet [peut] avoir d'amer, Aura mes cuers [mon coeur] qui adès [toujours] s'i atent
dans Couci, XII
Tant [elle] est belle à regarder, Que nulz n'en porroit mentir [exagérer]
dans ib. p. 123
3
XIIIe s.
Que qu'il se plaint et il se blasme, Li cuers li ment, et il se pasme, Et la parole a jà perdue, Narcisse
dans ms. de St-Germain, f° 130, dans LACURNE
Ensi furent ilec par deux jors, et puis leur menti de quanque il lor avoit en covenant [en promesse]
de Geoffroi de VILLEHARDOUIN dans CLIII
Mais dites verité, n'i ait de riens menti
dans Berte, CXVIII
4
XIVe s.
....Ce seroit Vices très grief et grans d'avoir dit janglerie ; Quar d'armes et d'amours mentir ne doit on mie
dans Girart de Ross. Prol
5
XVe s.
Il nous vaut trop mieux à mentir notre serment envers le duc d'Anjou que devers le roi d'Angleterre
de Jean FROISSART dans II, II, 8
6
XVIe s.
Premierement ils mentent de cela : car il n'est dit nulle part que nostre Seigneur ait commandé cela à ses disciples
de Jean CALVIN dans Instit. 189
Nous disons que vous avez menty par la gorge, et qu'autant que vous le dirés, vous mentirés
dans Gage de bat. de François 1er et de Charles Quint, f° 80, dans LACURNE

ÉTYMOLOGIE

1
Provenç et esp. mentir ; ital. mentire ; du lat. mentiri, de mens, esprit, imagination, parce que mentir c'est imaginer. Si le verbe est irrégulier au présent, cela tient à la place de l'accent dans méntior ; ainsi accentué, mentior a donné je ments, et le reste s'en est suivi.

Synonymes de MENTIR

Termes proches de MENTIR

Phonétiquement proche de MENTIR