Définition de LUI

DÉFINITIONS - REMARQUE - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : lui

DÉFINITIONS

1
Pronom de la 3e personne qui est des deux genres et qui sert de régime indirect. Vous connaissez cette dame ; parlez-lui. Vous lui remettrez cet argent, signifie également vous remettrez à un homme ou à une femme.
Il fallut le mettre dans une litière, où il [Antiochus] souffrit des tourments horribles ; il sortait des vers de son corps, toutes les chairs lui tombaient par pièces
Trop d'éclat l'effarouche ; il voit d'un oeil sévère Dans le bien qu'on lui fait le mal qu'on lui peut faire
2
Lui, qui, d'origine, est des deux genres, n'a gardé ce caractère que quand il précède le verbe ou que, sans préposition, il suit un verbe à l'impératif ; en tout autre cas, c'est-à-dire après un verbe ou après une préposition, il est uniquement masculin. Vous recevrez de lui une récompense, c'est-à-dire de cet homme. Allez à lui, allez vers cet homme.
Tout à coup elle se leva, et, sans parler à lui, partit pleine de dépit que quelqu'un l'osât aimer
de D'URFÉ dans Astrée, I, 3
Un acteur occupant une fois le théâtre, aucun n'y doit entrer qui n'ait sujet de parler à lui
de Pierre CORNEILLE dans 3e discours.
Dieu voulant, par un triste mais heureux abattement, qu'elle ne pensât plus qu'à lui, qu'elle ne se souvînt que de lui, qu'elle ne fût sensible que pour lui
Vous êtes après lui le premier de l'empire
3
Il lui est parent, voy. LEUR.
4
Lui se met quelquefois après le verbe comme régime direct, mais alors il doit être précédé de que, et il est toujours masculin. Vous n'accusez que lui.
....Moi dont l'ardeur extrême, Je vous l'ai dit cent fois, n'aime en lui que lui-même
Lui et surtout lui-même sert encore de régime direct quand dans une énumération il vient après ou avant un autre ou plusieurs autres substantifs. Nous avons avec nous son ami et lui.
Il semble que Valdo ait d'abord eu un bon dessein ; que la gloire de la pauvreté, dont il se vantait, ait séduit lui et ses sectateurs
Il [le mulot] a pour ennemis les loups, les renards, les martes, les oiseaux de proie, et lui-même
5
Lui, d'origine, est un régime, et dans les anciens textes il ne joue jamais d'autre rôle ; mais la langue moderne l'emploie souvent pour sujet, à l'instar de moi, toi, qui sont originairement des régimes.
Si don coursier voulait.... Lui loup, gratis, le guérirait
Notre chien.... Voulut avoir sa part ; et, lui sage, il leur dit : Point de courroux, messieurs, mon lopin me suffit
de Jean de LA FONTAINE dans ib. VIII, 7
Mais lui, voyant en moi la fille de son frère, Me tint lieu, chère Élise, et de père et de mère
Lui dieu ! disait le chat ; eh ! vous n'y pensez pas ; Qui suis-je donc moi qui le mange ?
de LA MOTTE dans Fabl. I, 18
Toujours lui ! lui partout ! ou brûlante ou glacée, Son image [de Napoléon] sans cesse ébranle ma pensée
C'est de cette façon que lui se construit avec un nom de nombre ordinal.
Il est parti lui douzième
Une lettre qui apprend que lui troisième est entré dans la Macédoine
de Jean de LA BRUYÈRE dans Théophr. 23
Créqui échappa à peine lui quatrième
Lui est encore sujet dans : c'est lui (lui est ce). Je le reconnais, c'est lui.
Vient-il ? est-ce lui ? C'est lui qui rassembla ces colombes timides
6
Lui ne se dit pas bien des choses. Ainsi ces phrases-ci ne sont pas élégantes : Lisez ce livre, je lui ai trouvé des qualités ; dites : j'y ai trouvé ; Cette étude m'a captivé, je lui ai donné beaucoup de temps ; dites : j'y ai donné beaucoup de temps : Cette maison n'était pas assez grande, je lui ai ajouté un corps de logis ; dites : j'y ai ajouté.
Cependant, pour peu que l'on puisse personnifier la chose, lui va fort bien.
Vous avez longtemps essayé du monde ; vous ne lui avez point trouvé de fidélité
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Salut.
Les Goths, les Lombards, les Francs, les Allemands ou Germains, qui envahirent l'Italie tour à tour, lui laissèrent au moins son nom
Lui n'est pas plus admissible pour un nom de chose quand il est régime d'une préposition.
Ainsi on n'imitera pas ces exemples : C'est et d'elle et de lui [le trône] tenir bien peu de compte, Que faire une révolte et si pleine et si prompte
Qui vous aima sans sceptre et se fit votre appui, Quand vous le recouvrez est bien digne de lui [sceptre]
de Pierre CORNEILLE dans Sanche, I, 1
Les animaux ne sont pas exceptés de cette observation ; il faut dire : Ce cheval est fougueux, ne vous y fiez pas, et non : ne vous fiez pas à lui. Prenez ce cheval, et montez dessus, et non : montez sur lui. Cependant il est très facile de personnifier les animaux ; et on dit : Le cheval rua, et le charretier lui donna un coup de fouet.
7
Lui représente quelquefois le pronom masculin le ou un nom. Vous l'outragez, lui qui vous aime si tendrement.
C'est cette même vanité qui a fait répéter tant de fois [au cardinal de Retz] : Je suis d'une maison de Florence aussi ancienne que celle des plus grands princes ; lui dont les ancêtres avaient été des marchands, comme tant de ses compatriotes
8
Lui est quelquefois explétif.
Pendant que son père le mariait ici, il s'est marié à Chartres, lui
Ce garçon a de l'esprit ; je gage qu'il ne se plaint pas des femmes, lui
de LEGRAND dans Belphégor, II, 5
9
Lui se dit substantivement, à la façon de moi.
Mon fils me mande des folies, et il me dit qu'il y a un lui qui m'adore, un autre qui m'étrangle, et qu'ils se battaient tous deux l'autre jour à outrance dans le mail des Rochers
10
Lui-même signifie en personne. Il est venu lui-même. Il l'a dit lui-même.
À Rosbac, on vit le roi de Prusse lui-même acheter tout le linge d'un château voisin pour le service de nos blessés ; et, quand il les eut fait guérir, il les renvoya sur parole
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Tactique, notes.
11
Il n'est plus lui-même, se dit d'un homme dont le moral éprouve quelque grand changement. Je l'ai trouvé tout abattu de ce revers, ce n'était plus lui-même.
12
Un autre lui-même, voy. MÊME.
13
Pour lui-même, pour la seule considération de sa personne.
Je ne sais pas s'il avait raison de vouloir qu'on aimât Dieu pour lui-même ; mais M. de Fénelon méritait d'être aimé ainsi
14
Lui ou lui-même s'emploie souvent pour soi ou soi-même.
Le temps qui détruit tout, respectant votre appui, Me laissera franchir les ans dans cet ouvrage ; Tout auteur qui voudra vivre encore après lui Doit s'acquérir votre suffrage
Je sais, et c'est Salomon qui le dit, que celui-là est haïssable qui parle toujours de lui
Pour écarter de lui ses images funèbres, Il [Assuérus] s'est fait apporter....
Vide de vous et rempli de lui-même
Lui, quand il est pour soi, peut se dire des choses. Ce torrent entraîne avec lui tout ce qu'il rencontre ; il ne laisse après lui que du sable et des cailloux.
Mais il [l'amour] traîne après lui des troubles effroyables
Qu'il [les méchants] soient comme la poudre et la paille légère Que le vent chasse devant lui

REMARQUE

1
Lui joint à un nom ou à un pronom soit par et, soit par ni, soit par ou, veut que le verbe qui est auparavant soit précédé d'un pronom de même personne que le pronom adjoint à lui. Je vous accompagnerai vous ou lui ; Vous ne nous aimez ni lui ni moi. Cependant de bons auteurs ont omis le pronom qui précède.
Pénélope, ne voyant revenir ni lui ni moi, n'aura pu résister à tant de prétendants
2
2. Si lui est non avec un pronom, mais avec un substantif, on ne met d'ordinaire aucun pronom. Il semble que Valdo ait d'abord eu un bon dessein, que la gloire de la pauvreté, dont il se vantait, ait séduit lui et ses sectateurs, BOSSUET, Variat. XI, Hist. du Vaudois. Cependant on peut mettre aussi un pronom : Je l'ai vu, lui et son ami ; et encore : Je les ai vus, lui et son ami.
3
3. Avec un verbe à l'impératif, lui se met après le verbe, avec un trait d'union. Portez-lui cet argent. Cependant, s'il y a plusieurs impératifs de suite, et que lui appartienne à l'un de ceux qui suivent le premier, il peut se mettre avant son verbe.
Allez, Lafleur, trouvez-le et lui portez Trois cents louis, que je crois bien comptés
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans la Prude, II, 1
4
4. À tout autre mode que l'impératif lui doit précéder le verbe, toutes les fois qu'il est le terme d'un rapport qui pourrait être exprimé par la préposition à : Je lui ai lu mon ouvrage. Au contraire il doit suivre le verbe, s'il est le terme d'un rapport exprimé par une autre préposition : Nous dépendons de lui ; J'ai parlé pour lui. Même quand lui est avec la préposition à, on le met après le verbe, s'il y a plusieurs régimes indirects : Parlez-vous à moi et à lui ? Parlez à son frère et à lui. Lui-même avec à suit toujours le verbe : J'ai parlé à lui-même.
5
5. Quand lui est avec en, il se met devant en : Je lui en ai parlé ; Vous lui en donnerez.
6
6. Lui ne se construit guère avec y : on ne dit pas : Il a une belle campagne, je lui y rendrai visite. Ce qui paraît s'y opposer, c'est l'oreille blessée de cette rencontre de deux i.
7
7. Lui ne peut représenter qu'une personne spéciale ; par conséquent il ne peut répondre à un nom indéterminé ; et c'est une faute que de dire : Chacun doit prendre garde à lui ; il faut : à soi. Il faut ranger cela dans cette catégorie ; et l'on ne dirait guère aujourd'hui comme fait Molière : Je voudrais bien vous demander qui a fait ces arbres-là, ces rochers, cette terre et ce ciel que voilà là-haut ; et si tout cela s'est bâti de lui-même, D. Juan, III, 1.
8
8. Lui-même ne se dit bien que des personnes. Cependant on trouve dans Molière : Je ne m'abuse point, c'est mon portrait lui-même, Sgan. 9. Massillon aussi a dit : L'usage lui-même de nos fonctions saintes, loin de nous réveiller de notre assoupissement.... Confér. retraite pour des curés. Ces emplois ne sont pas très bons ; mais ils ne sont pas irréguliers, et l'on conçoit qu'ils trouvent quelquefois place.

HISTORIQUE

1
Xe s.
El lienortet [exhorte], dont lei nonque chielt [dont ne lui chaut], Qued elle fuiet le nom christien
dans Eulalie
Quant [un lierre] umbre li fesist
dans Fragm. de Val. p. 468
Acheder [advenir] co que li preirets [prierez] ; preits li que....
dans ib. 469
E elemosynas ent possumus facere, que lui ent possumus proferre
dans ib. p. 469
2
XIe s.
En piez se dresse, si li vient contredire
dans Ch. de Rol. XI
Quant il nous mande, qu'aiez mercit de lui
dans ib. XVI
Li empereres lui tent son gant le destre
dans ib. XX
3
XIIe s.
Rolant [il] apele et dist li son pensé
dans Ronc. 35
Li sans de li [son sang] espant [se répand] parmi la prée
dans ib. 90
Charle [il] connut à l'enseigne levée, Et Charles lui
dans ib. 144
Entour lui [il] vit ses homes seïr et arrangier
dans Sax. VI
Guiteclins de Sassoigne, o son frere Gozon, Lui disieme de rois du lignage Mahom, Sont entré en ta terre
dans ib. XI
Quant l'aurez salué, puis li dites comment....
dans ib. XX
4
XIIIe s.
La mere Dieu de li [par elle] fut souvent reclamée
dans Berte, XLVI
Que Berte nostre fille ne nous vit, ne nous li
dans ib. LXXI
Et li ame de li soit en enfer ravie
dans ib. LXXII
Si come Berte fu en la forest par lui [seule]
dans ib. I
Bele Isabeaus, pucele bien aprise, Aima Gerart, et il li en tel guise....
de AUD. LE BAST. dans Romancero, p. 5
Quant Renart vit que ele est prise. Ne volt laissier à nule guise Que il ne voille o lui [elle] gesir, Et faire de lui [elle] son plaisir
dans Ren. 583
5
XIVe s.
Il avint que Bertrand à l'aduré talent Chevauchoit lui deuxieme, sans plus mener de gent
dans Guesclin. 680
Lui donques entre en la cité
de Pierre BERCHEURE dans f° 45, recto.
6
XVe s.
Par quoy [une oreille coupée] lui qui estoit deliberé estre homme d'eglise, est inhabile à jamais l'estre
7
XVIe s.
Et de faict je tiens tant de ly
de Clément MAROT dans III, 230
Timocreon luy reproche que pour argent il rappelloit beaucoup de bannis, et avoit luy qui estoit son hoste et son amy, pour l'avarice de gaigner une somme de deniers, trahy et abandonné
de Jacques AMYOT dans Thém. 41
Un de ses enfans luy mourut de maladie
de Jacques AMYOT dans Cam. 20
Il trainnoit après luy une grande chevance
de Jacques AMYOT dans P. Aem. 37
Et au mesme temps que l'on luy chassoit sa femme, qu'on luy demolissoit sa maison, qu'on luy tuoit ses amis à Rome, luy faisoit cependant la guerre en la Boeoce
de Jacques AMYOT dans Sylla et Lysand. 9
Le chien qui de bon sang part Va gaillard De luy-mesmes à la chasse
de Pierre de RONSARD dans 881

ÉTYMOLOGIE

1
Wall. lu. Diez le tire de illi-huic, forme pléonastique, comme oïl, de hoc-illud ; cela paraît certain. En effet, il faut le rapprocher de autrui et de l'ancien nului ; on a voulu les tirer de illius, alterius, nullius ; mais, si on dit à la fois illius ( 2nd i bref) et illius ( 2nd i long), on ne dit que alterius et nullius ( i bref dans ces deux derniers mots), de sorte que l'accent serait en défaut ; de plus, il serait singulier que l's eût disparu complétement. Tout cela parle en faveur de l'étymologie de Diez. C'est en raison de cette étymologie, que, à l'origine, dans l'ancienne langue lui, ainsi que autrui et nului, n'a jamais eu d'autre emploi que comme régime.

Synonymes de LUI