Définition de LÂCHER

DÉFINITIONS - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : là-ché

DÉFINITIONS

1
Faire qu'une chose soit lâche, moins tendue. Cette corde est trop tendue, lâchez-la un peu.
2
Cet aliment lâche le ventre, il rend le ventre libre.
Et le soir, de petits pruneaux pour lâcher le ventre
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Mal. im. III, 14
Nature : Absolument. Les pruneaux lâchent.
3
Sémantique : Terme de manége. Lâcher la bride, voy. BRIDE, nos 2 et 3.
Lâcher la main, voy. MAIN.
Lâcher la gourmette, l'accrocher au second maillon, quand, étant accrochée au premier, elle serre trop le menton du cheval (voy. GOURMETTE).
4
Lâcher pied, lâcher le pied, voy. PIED.
Sémantique : Terme d'escrime. Lâcher la mesure, reculer devant son adversaire.
Nature : Absolument.
Ces misérables sur qui j'allongeais à tout instant et à bras raccourci des bottes qu'ils ne parèrent qu'en lâchant
de Pierre de MARIVAUX dans Pays. parv. 5e part.
5
Laisser aller, en parlant des personnes ou des animaux que l'on tient, ou que l'on a près de soi, sous sa main.
Donnez-nous seulement six pistoles pour boire ; Nous allons vous lâcher
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Mal. im. 1er interm. sc. 8
Je ne laisserais pas de l'avoir [Pauline] auprès de moi ; elle ne saurait être mieux, et je ne vois rien qui mérite que vous la lâchiez et l'envoyiez au grenier
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 27 déc. 1688
S'ils [les faisans] se sont multipliés en Saxe, ce n'a été que par les soins du duc Frédéric, qui en lâcha deux cents dans le pays, avec défense de les prendre ou de les tuer
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Ois. t. IV, p. 64, dans POUGENS
6
Il se dit quand on laisse aller une personne ou des animaux pour qu'ils attaquent quelqu'un ou quelque chose, pour qu'ils aillent quelque part. Lâcher les chiens. Lâcher une laisse de lévriers.
Un vieillard sur son âne aperçut en passant Un pré plein d'herbe et florissant, Il y lâche sa bête....
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. VI, 8
Si un loup avide paraît, il lâche son chien qui le met en fuite
de Jean de LA BRUYÈRE dans X.
On me mena dans la carrière, on me lâcha un lion
de Charles-Louis de Secondat MONTESQUIEU dans Lys.
Il regardait le peuple comme une bête féroce, qu'il fallait lâcher sur leurs voisins, de peur qu'elle ne dévorât ses maîtres
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Dict. phil. Parlement d'Anglet.
Sémantique : Terme de fauconnerie. Lâcher l'autour, lâcher l'épervier, etc. le laisser partir. Lâcher de rebat, laisser partir l'autour, après l'avoir retenu en son premier essor.
Fig et familièrement. Lâcher une personne après une autre, la mettre à sa poursuite, pour l'inquiéter, la tourmenter, ou l'amener à faire ce qu'on désire.
Ils aiment les lettres, ils aiment et disent la vérité, ils sont courageux comme de petits lions ; lâchez-les sur les sots
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. d'Argental, 11 mars 1752
Lâcher les huissiers après un débiteur, leur donner charge de faire contre lui les poursuites nécessaires.
7
Laisser échapper un objet que l'on tient.
Petit poisson deviendra grand, Pourvu que Dieu lui prête vie ; Mais le lâcher en attendant, Je tiens pour moi que c'est folie : Car de le rattraper il n'est pas trop certain
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. V, 3
Lâcher ce qu'on a dans la main Sous espoir de grosse aventure Est imprudence toute pure
de Jean de LA FONTAINE dans ib. IX, 10
Et l'avare Achéron ne lâche point sa proie
de Jean RACINE dans Phèdre, II, 5
Ces deux femmes tiennent la lettre, sans que je puisse deviner celle qui la lâchera
de Denis DIDEROT dans Salon de 1767, Oeuv. t. XIV, p. 370, dans POUGENS
Il jeta sur la table cet écu qu'il avait eu tant de peine à lâcher
de Jean-François MARMONTEL dans Mém. IV
Lâcher prise, voy. PRISE.
Lâchez tout ! signal pour laisser aller les cordes qui retiennent un ballon, un bateau, etc.
À certains jeux de cartes, lâcher la main, la laisser aller à un autre, quoiqu'on ait de quoi la lever.
Au jeu de la paume, lâcher la balle, ne la point toucher, la laisser passer.
8
Lâcher la bonde d'un étang, lâcher une écluse, lever la bonde d'un étang, lever la vanne d'une écluse.
On dit aussi dans le même sens : lâcher les eaux.
Lâcher le robinet d'une fontaine, le tourner de manière que l'eau s'échappe.
9
Ce malade lâche tout sous lui, il ne peut retenir ses excréments.
Sémantique : Familièrement. Lâcher de l'eau, uriner.
Lâcher un vent, laisser échapper un vent par en bas.
10
Lâcher un coup de fusil, un coup de pistolet, un coup de canon, faire partir ces armes, en tirer un coup.
Enfin l'un des deux vaisseaux lâcha à l'autre une bordée si bas et si juste qu'il coula à fond
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Candide, 20
Ce cavalier lâche un coup de pistolet à un autre qui a le sabre levé sur lui
de Denis DIDEROT dans Salon de 1765, Oeuv. t. XIII, p. 169, dans POUGENS
Dans le même sens : lâcher un trait.
Venez voir, cher Hémon, si le ciel en courroux Peut lâcher quelque trait qu'il n'ait lâché sur vous
de Jean de ROTROU dans Antig. III, 2
Sémantique : Populairement. Lâcher un coup. donner un coup.
Turnus, sitôt qu'il l'approcha, Un grand coup de poing lui lâcha
de Paul SCARRON dans Virg. VII
L'autre, qui s'en doutait, lui lâche une ruade
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. V, 8
Sémantique : Fig. Faire partir quelque chose que l'on compare à un coup de fusil, à un trait. Lâcher un pamphlet dans le public.
Ensuite il fait ôter ce présent de ses yeux.... Lâche deux ou trois mots contre cette insolence
de Pierre CORNEILLE dans Pomp. III, 1
Avez-vous à lâcher encore quelque trait ?
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Femmes sav. II, 8
Et que souvent parmi des choses très bien prises, Qui sont du meilleur goût, on lâche des sottises
de Noël LEBRETON, sieur de HAUTEROCHE dans Bourg. de qualité, II, 4
Il [Jésus-Christ] n'a pas plus tôt lâché le mot à saint Jean pour lui dire que Marie est sa mère, qu'incontinent ce disciple se sent possédé de toutes les affections d'un bon fils
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans 2e sermon, Compass. de la Ste Vierge, 2
Vous le voyez, il [Jurieu] a peine à lâcher le mot [imputation de friponnerie contre Bossuet], tant les injures lui coûtent à prononcer ; mais, après qu'il a surmonté cette répugnance, il répète plus aisément la seconde fois : la friponnerie de l'évêque de Meaux
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans 6e avert. 100
Tu es homme à lâcher quelque mauvaise plaisanterie pour l'inquiéter
de Antoine HAMILTON dans Gramm. 3
On m'assure que la Sorbonne lâchera toujours son décret contre Bélisaire [de Marmontel]
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. Damilaville, 22 juill. 1767
Mais, mes divins anges, quand un livre est lâché dans l'Europe, il n'y a plus de remède
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. d'Argental, 8 mai 1763
Ils lui envoyèrent quelques brochures qu'ils avaient lâchées charitablement contre leur ancien concitoyen
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Quest. miracles, lett. 14
Je crois que vous me lâchez des épigrammes, l'amour
de Pierre Augustin Caron de BEAUMARCHAIS dans Barb. de Sév. II, 13
Sitôt qu'il lâche une parole, [il] Veut lire dans vos yeux l'effet de son discours
de Jacques DELILLE dans Convers. II
Lâcher une parole, lâcher un mot, dire inconsidérément quelque chose qui peut nuire ou déplaire.
Vous devez la punir [Cléopatre], si vous la condamnez.... Le mot en est lâché
de Pierre CORNEILLE dans Rodog. III, 4
Je n'ai point sans sujet lâché cette parole
de Jean de ROTROU dans Vencesl. I, 1
Gardez-vous de lâcher le moindre mot qui puisse faire connaître au bon d'Hacqueville que je vous ai envoyé sa lettre
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 242
Lâcher un mot, lâcher une parole signifie aussi : dire quelque chose avec dessein. Il lâcha un mot qui fit impression.
Un prince si habile n'avait pas lâché cette parole sans dessein
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Var. VI, § 5
Lâcher la parole, lâcher le mot, dire le dernier prix qu'on veut avoir ou donner, quand on discute un marché, ou donner son consentement après avoir fait des difficultés. Le mot est lâché, vous ne pouvez vous en dédire.
Prononcer une parole qui coûte à dire, faire un aveu, une concession qui coûte.
Tant on avait de peine à lâcher le mot, que le corps et le sang [de Jésus-Christ] ne fussent donnés que spirituellement, et d'insérer dans une confession de foi une chose si nouvelle aux chrétiens !
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Var. III
Lâcher que...., dire, proférer.
Voilà.... sur quoi [l'aversion de Mme de Grignan] roulent toutes ses pensées [de Retz] ; sur cela je crois avoir dit et ménagé tout ce que l'amitié que j'ai pour vous.... pouvait m'inspirer.... ne lâchant jamais que vous eussiez de l'horreur pour lui, soutenant que vous aviez un fonds d'estime, d'amitié
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 1678, n° 713, édit. RÉGNIER.
11
Nature : V. n. Être détendu. Cette corde lâche trop.
S'échapper, manquer. Prenez garde que ce crampon ne lâche.
12
Se lâcher, Nature : v. réfl. Se détendre, se débander. Un ressort qui se lâche.
Partir, en parlant d'une arme à feu.
Un pistolet qui se lâcha malheureusement
de Jean-François REGNARD dans Voy. de Fland.
Sémantique : Fig. Tenir des propos indiscrets.
[M. de Chaulnes] le mettait [M. de Chevreuse] à bout par ses railleries, auxquelles il se lâchait avec moins de ménagements qu'il ne l'aurait fait avec des étrangers
de Louis de Rouvroy, duc de SAINT-SIMON dans 19, 226
Gardez-vous bien de vous lâcher contre ce tribunal
de Alain René LESAGE dans Diabl. boit. ch. VII, dans POUGENS
Ce secrétaire Walpole s'étant lâché très inconsidérément sur le compte de ma nation, je ne crus pas devoir le souffrir
de Denis DIDEROT dans la Princ. Daschkoff.
13
Dans un langage bas, se lâcher, ne pouvoir retenir un vent. Votre Majesté, je crois, s'est lâchée, Couplet ajouté à la chanson du roi Dagobert.

HISTORIQUE

1
XIe s.
Son cheval [il] broche, si li lasche la resne
dans Ch. de Rol. XCVIII
2
XIIIe s.
Puis laska les bras, et li rois cheï sour le pavement si rudement que à poi que li cuers ne li parti
dans Chr. de Rains, p. 40
3
XVe s.
Et ne demoura gueres que sa maladie luy lascha, tant que comme à Dieu pleust qu'il s'endormist ; si en furent ses gens moult joyeulx quand ilz le virent reposer
dans Lancelot du lac, t. I, f° 136, dans LACURNE
4
XVIe s.
En nous remettant la coulpe, il nous lasche aussi toute la punition que nous avions meritée
de Jean CALVIN dans Instit. 512
Il charge un pistolet et le lasche
de Michel de MONTAIGNE dans I, 109
La peur trouble le ventre et le lasche
de Michel de MONTAIGNE dans III, 49
Sans lascher une parole de foiblesse
de Michel de MONTAIGNE dans III, 100
Lascher un oiseau
de Michel de MONTAIGNE dans III, 44
L'un roidit et tendit les chordes qui estoient trop lasches à Sparte, et l'autre lascha celles qui estoient trop tendues à Rome
de Jacques AMYOT dans Num. et Lyc. comp. 1
L'autre se sentant ainsi mordre lascha incontinent sa prise
de Jacques AMYOT dans Alc. 3
Il faisoit lascher des levriers d'attache sur eulx qui les deschiroient en pieces
de Jacques AMYOT dans Pélop. 53
Le regiment lascha le pied devant ces troupes
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans Hist. II, 160

ÉTYMOLOGIE

1
Berry, lâcher, cesser ; il ne lâche pas de parler ; provenç. laxar, laschar ; espagn. et portug. laxar ; ital. lasciare ; du lat. laxare, rendre lâche, détendu, qui vient de laxus, lâche.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
Nature : S. m. Action de lâcher, de laisser aller.
Environ 100 pigeons avaient été apportés ; le lâcher a été fait dans la prairie
dans Journ. offic. 24 mai 1873, p. 3296, 1re col.
... il arrive que des chasseurs désoeuvrés, dans les environs des gares où les lâchers ont lieu, voyant ces compagnies de pigeons étrangers voleter avant de prendre leur direction vers le nord. les tirent et les abattent
dans Journ. offic. 8 sept. 1874, p. 6427, 1re col.

Synonymes de LÂCHER

Termes proches de LÂCHER

Phonétiquement proche de LÂCHER