Définition de FRANCHIR

DÉFINITIONS - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : fran-chir

DÉFINITIONS

1
Traverser résolûment, franchement, des passages difficiles, de grands espaces. Franchir un détroit. Franchir les murs.
Je voudrais déjà voir tes troupes couronnées D'un pas victorieux franchir les Pyrénées
Les coursiers écumants franchissent les guérets
Je reviendrai, poursuit-elle, et ton âme Ira franchir tous ces mondes flottants, Tout cet azur, tous ces globes de flamme, Que Dieu sema sur la route du temps
de Pierre Jean de BÉRANGER dans Treize à table.
Franchir les limites, franchir les bornes, passer au delà des bornes.
Sémantique : Fig. Franchir les bornes du devoir.
Franchir les bornes de la pudeur
de PATRU dans Plaidoyer 11, dans RICHELET
Quiconque a pu franchir les bornes légitimes, Peut violer enfin les droits les plus sacrés ; Ainsi que la vertu, le crime a ses degrés
2
Sémantique : Particulièrement. Passer en sautant par-dessus quelque chose. Franchir une barrière, une haie.
Sémantique : Terme de marine. Franchir une barre, un écueil, les passer sans échouer.
Franchir la lame, s'élever sur la lame et la descendre facilement.
3
Sémantique : Fig. Il se dit de ce que l'on compare à des passages difficiles, à des obstacles que l'on franchit. Franchir toutes sortes de difficultés, toutes sortes d'obstacles.
Entre le trône et moi je vois un précipice ; Il faut que ma fortune y tombe ou le franchisse
Je la voyais franchir cet immense intervalle Qu'a mis entre elle et moi la majesté royale
Le passage de la physique à la géométrie est franchi, et la question devient purement mathématique
Non, sans ce triste obstacle impossible à franchir....
de BRIFFAUT dans Ninus II, I, 6
Franchir le pas, passer par-dessus quelque chose de difficile, de scabreux.
Mettez la foi à couvert par les oeuvres ; votre esprit refuse de franchir ce pas, semblable à un cheval indompté ; poussez-le avec plus de force
Telle a été leur attente [des protestants qui se sont faits catholiques], et dans cette confiance ils ont franchi le pas
de Louis BOURDALOUE dans Exhort. char. env. les nouv. cath. t. I, p. 123
Mon coeur prêt à franchir un pas si redoutable
de Marie-Joseph CHÉNIER dans Fénel. I, 2
On dit dans le même sens : franchir le saut, mais plus souvent, faire le saut.
Franchir le mot, exprimer en propres termes une chose qu'on hésite à dire pour une raison quelconque. Il a franchi le mot, il lui a dit qu'il était un fripon.
.... Il faudrait bien franchir le mot, et reconnaître que cet être est bon....
de Denis DIDEROT dans Essai sur la vertu.
Il signifie aussi dire le mot essentiel. Il a franchi le mot et promis les vingt mille francs.
4
Nature : V. n. Sémantique : Terme de marine. La pompe franchit, quand elle donne plus d'eau que le vaisseau n'en reçoit, c'est-à-dire que l'eau qui entre dans le bâtiment cesse de gagner.
Le vent franchit, quand il commence à devenir favorable.
L'eau franchit ou se franchit, elle diminue et s'épuise, ce qui s'entend de la pluie ou des vagues qui entrent dans le vaisseau
de GUILLET dans Dict. (1678-1683), dans JAL
5
Se franchir, Nature : v. réfl. Être franchi. Un pareil obstacle ne se franchit pas facilement.

HISTORIQUE

1
XIIe s.
Deus suffri mort en croiz pur s'iglise franchir [affranchir]
dans Th. le mart. 70
2
XIIIe s.
Car tant comme aucun est en servage, il est soz main ; et se il est franchiz, il est hors dou pooir son mestre
dans Liv. de just. 2
Se j'ai mes sers les quix [quels] je tienz du segneur, et je les franciz sans l'autorité de li, je les pert
de Philippe de BEAUMANOIR dans XLV, 18
3
XVe s.
Michault Potier s'obliga en trente-huit solz tournois par an de rente à heritage, à condition d'icelle rente povoir franchir [racheter], touteffois qu'il plairoit au dit Potier
C'est lui [Jésus] qui nous ama tant Qu'il se fit sers pour nous franchir
de Eustache DESCHAMPS dans Poésies mss. f° 548
Il se teut et fit silence, et le chevalier se print à imaginer comment il pourroit franchir [traverser, sauter] la fontaine
dans Perceforest, t. IV, f° 127
4
XVIe s.
Il n'y a que quinze jours que j'ay franchi trente-neuf ans
de Michel de MONTAIGNE dans I, 73
Celui qui a franchi de cent pas les limites....
de Michel de MONTAIGNE dans ib. II, 11
Les anciens franchissoient des nuits entieres à boire
de Michel de MONTAIGNE dans II, 16
Le voleur l'employe [le nom de Dieu] à son ayde pour franchir le hazard et les difficultez qui s'opposent à l'execution de ses meschantes entreprises
de Michel de MONTAIGNE dans I, 402

ÉTYMOLOGIE

1
Franc 3 ; prov. franquir. Jusqu'au XVe siècle, franchir n'a que le sens d'affranchir, sens qui n'existe plus du tout dans la langue moderne. C'est un des cas assez rares où un mot ayant une signification abstraite, morale, en a pris une concrète, physique. Franchir une rente, s'est dit pour s'en délivrer en la rachetant ; de là franchir un fossé, s'en débarrasser en le sautant.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
Sémantique : Terme de marine. Ajoutez :
On dit aussi, activement, franchir les pompes, au lieu de les affranchir.
Dans l'après-midi, le temps s'améliore de plus en plus, on franchit les pompes, on sauve les débris du bout-dehors du grand foc
dans Rapport du capitaine Veillet, dans Journ. offic. 11 mai 1873, p. 3049, 1re col.
2
Ajoutez : A l'appui du passage, dans franchir, du sens moral au sens physique, M. Ph. Roget, de Genève, dit que, en latin, liberare a subi la même extension, et que, venant de liber, il a pris le sens de franchir, traverser, dans Frontin, dans Pétrone et dans Hygin, Fabl. XXV, 7.

Synonymes de FRANCHIR

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