Définition de ENRAGER

DÉFINITIONS - REMARQUE - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : an-ra-jé. Le g prend un e devant a ou o : j'enrageai, nous enrageons

DÉFINITIONS

1
Être pris de la rage. Ce chien a été mordu ; il est à craindre qu'il n'enrage.
2
Sémantique : Par extension, souffrir une douleur excessive. Il enrage du mal de dents.
Il n'enrage pas de mentir, ou il n'enrage pas pour mentir, c'est un grand menteur, c'est-à-dire que, mentir ne lui causant aucune souffrance, il s'abandonne à toute sorte de mensonges.
En même temps la renommée, Qui souvent est mal informée Et n'enrage pas pour mentir
de Paul SCARRON dans Virg. III
Pour le portrait de Mezzetin, La Fontaine a fait un sixain Où l'on voit cet acteur traité d'incomparable ; Si la Fontaine a cru la chose véritable, Je n'oserais le garantir : Mais je sais bien qu'étant fort porté pour la fable, Il n'enrage pas pour mentir
de GACON dans Épigramme.
3
Être tourmenté d'un violent désir. Enrager de soif, de faim. Il enrage de jouer, de parler.
Tantale enrage de manger ; De mets friands sa table on couvre
de Paul SCARRON dans Virg. VI
4
Éprouver un violent dépit, une grande impatience.
Mille fâcheux cruels, qui ne pensent pas l'être, De nos faits avec moi, sans beaucoup me connaître, Viennent se réjouir pour me faire enrager
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Amph. III, 1
On sait assez que le destin Adresse là les gens quand il veut qu'on enrage
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. VI, 18
Les valets enrageaient, l'époux était à bout
de Jean de LA FONTAINE dans ib. VII, 2
Quand vous devriez en enrager
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 441
Quelle sérénité ! savez-vous, quand j'enrage, Que j'enrage encor plus, si l'on n'enrage aussi ?
de Alexis PIRON dans Métrom. I, 4
Ces lentes formalités de justice qui tant de fois le firent enrager [le cardinal de Retz], comme lui-même le raconte
de Paul Louis COURIER dans I, 173
Il se construit avec de et le verbe à l'infinitif.
J'enrage de me taire et d'entendre mentir
de Pierre CORNEILLE dans Ment. I, 5
J'enrage de trouver cette place usurpée, Et j'enrage de voir ma prudence trompée
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Éc. des f. III, 5
J'enrage de voir de ces gens qui se traduisent en ridicule malgré leur qualité
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Critique, 6
Il se construit aussi avec que et le verbe au subjonctif.
J'enrage que mon père et ma mère ne m'aient pas fait bien étudier dans toutes les sciences, quand j'étais jeune
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Bourg. gent. II, 6
Sémantique : Fig. Il ferait enrager bête et marchand, ou la bête et le marchand, se dit d'un homme qui tracasse sur tout, qu'on ne saurait satisfaire sur rien.
Prendre patience en enrageant, c'est-à-dire malgré soi.

REMARQUE

1
Enrager se construit avec l'auxiliaire avoir, quand on veut marquer l'action : le chien a enragé et s'est enfui ; avec l'auxiliaire être, quand on veut marquer l'état : le chien est enragé depuis hier.

HISTORIQUE

1
XIIe s.
Tel duel [deuil] en ot [il], par un petit n'enrage
dans Ronc. p. 81
En la curt l'arcevesque vindrent li enragié ; Tut dreit devant la sale sunt descendu à pié
dans Th. le mart. 138
Là l'unt trait et mené li ministre enragié : Asolez [absolvez], funt il, cels qui sunt escumengié [excommuniés], E cels qui sunt par vus suspendu e lacié[liés]
dans ib. 148
2
XIIIe s.
S'en venoit li lions comme beste enragie
dans Berte, II
Or vous dirons dou roi Ricart qui estoit en Cypre, et ot eu lettres d'Acre qui prise estoit, et en fu si courrouciés qu'à poi qu'il n'erragoit
dans Chr. de Rains, p. 40
[La jalousie] Qui tous jors d'autrui joie enrage
dans la Rose, 7442
Sa char soit or livrée as lous, Et les os as chiens enragiés !
dans ib. 9159
3
XVe s.
Là estoit le comte [de Flandre] qui les prioit et admonestoit de bien faire et de prendre la vengeance de ces enragés de Gand
de Jean FROISSART dans II, II, 94
4
XVIe s.
Ibycus les appelle Andromanes, c'est à dire enrageans [désirant] d'avoir le masle
de Jacques AMYOT dans Lyc. et Num. comp. 6
Ilz se jetterent hors de toute raison et de toute humanité pour servir à la passion de leur furieuse haine et enragé courroux
de Jacques AMYOT dans Cicér. 58
Les autres asseuroyent que l'eau de la mer guerissoit les enragez, si on les jette dedans ; et de faict on les mene maintenant à la mer, comme le plus asseuré remede
de GUILL. dans BOUCHET, VII Serée.

ÉTYMOLOGIE

1
En 1, et rage ; bourguign. enraigé ; provenç. enrabiar, enratjar, enrapjar, enranjar. Il y avait aussi la forme esrager.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
Enrager après, éprouver une violente passion pour.
L'un enrage après les femmes, l'autre veut toujours avoir le ventre à table
de François de MALHERBE dans Lexique, éd. L. Lalanne.

Synonymes de ENRAGER

Termes proches de ENRAGER