Définition de DISTRAIRE

DÉFINITIONS - REMARQUE - SYNONYME - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : di-strê-r'

DÉFINITIONS

1
Séparer, démembrer. On a distrait cette province de sa domination.
La nature divine ne peut être ni séparée, ni distraite
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Trin.
Distraire une somme d'argent, l'employer à un objet autre que celui auquel elle était destinée. De cette somme il faut distraire tant.
2
Sémantique : Terme de jurisprudence. Ôter, enlever quelque partie d'un tout. Distraire une terre d'un apanage.
Opposition à fin de distraire, opposition qui a pour objet une distraction ou répétition de quelque chose compris à tort dans une saisie.
Distraire quelqu'un de ses juges naturels, le traduire devant une juridiction exceptionnelle.
Sémantique : Terme d'ancienne jurisprudence. Distraire la juridiction, se pourvoir devant un juge incompétent.
3
Détourner. Rien n'a pu le distraire de cette résolution funeste.
Je l'encouragerais au lieu de le distraire
César la voit partir sans oser la distraire
de Pierre CORNEILLE dans ib. V, 8
Et j'y cours de ce pas, rien ne m'en peut distraire
Si de son amitié j'ai voulu vous distraire
Les dieux de ce dessein puissent-ils le distraire !
de Jean RACINE dans ib. IV, 4
4
Détourner l'esprit d'un objet, d'une occupation. Il ne faut pas distraire les gens qui travaillent.
On dit dans le même sens, distraire d'une personne, en détourner la pensée qui s'y fixait.
Tout ce qui me distrayait d'elle ne pouvait que m'être désagréable
Détourner l'esprit d'une pensée triste. Il faut tâcher de distraire les affligés.
Quoi ! de ces noirs ennuis rien ne peut vous distraire ?
Dans le même sens, distraire la douleur, l'inquiétude, y faire diversion.
Adieu ; puisse du moins ce peu que je te donne De ta triste mémoire effacer tes malheurs, Et, soigné par tes mains, distraire tes douleurs !
Nature : Absolument.
Eh bien ! cela distrait toujours un peu : il vaut mieux quereller que soupirer
5
Se distraire, Nature : v. réfl. Être séparé, disjoint. Un fief, une fois réuni au domaine de la couronne, ne pouvait plus s'en distraire.
Sémantique : Fig. Détourner son esprit. Il s'est distrait de son affliction par un voyage.
De son image en vain j'ai voulu me distraire
Nature : Absolument. Se distraire, se livrer aux distractions, aux amusements. J'ai besoin de me distraire.
C'est une misérable condition de la nature humaine, que cette nécessité de se distraire
Se distraire, devenir distrait, être en proie à des absences d'esprit.
Sans se distraire à force de combattre les distractions, et sans s'inquiéter de leur fréquent retour

REMARQUE

1
1. J. J. Rousseau a dit (Confess. I) : Trop d'autres goûts me distraisent ; et (Confess. VI) : L'exercice me distraisant sur mon état. Ce sont de grosses fautes ; il faut : distraient et distrayant.
2
2. Si le parfait défini de l'indicatif et l'imparfait du subjonctif manquent aujourd'hui, c'est seulement par défaut d'habitude. Autrefois ces temps existaient, et l'on pourrait les reprendre : je distrayis, que je distrayisse.

SYNONYME

1
DISTRAIRE, DIVERTIR. De ces deux mots, l'un signifie, étymologiquement, tirer de côté et d'autre, l'autre tourner de côté et d'autre. Mais de là ils ont pris respectivement une signification qui les différencie : le divertissement est beaucoup plus que la distraction ; on se divertit quand on se livre à divers amusements, tels que spectacles, bals, fêtes, repas ; pour se distraire, il n'est pas besoin de tout cela ; il suffit de quelques plaisirs même solitaires, de quelques simples satisfactions.

HISTORIQUE

1
XVe s.
De leurs meurs ne te distrais, Ains y soies entendus
de Eustache DESCHAMPS dans Lay du roy.
2
XVIe s.
Or vous ay dit, sans aller au contraire De verité, le triumphant mystere, Ainsy qu'ay peu d'oeil et plume distraire
de Jean des Mares ou Des Marets, dit Jean MAROT dans p. 169, dans LACURNE
Poulser le mespris de la mort jusques à tel degré que de l'employer pour se distraire des [s'arracher aux] honneurs, richesses
de Michel de MONTAIGNE dans I, 250
La philosophie veult qu'au chastiment des offenses receues, nous en distrayons la cholere
de Michel de MONTAIGNE dans IV, 153
Lysimachus, se trouvant de loisir au demourant, et non distrait d'autres affaires, s'en alla incontinent faire la guerre à Pyrrhus
de Jacques AMYOT dans Pyrrhus, 25
Ilz alloient espians les moyens de le distraire et divertir qu'il n'assistast au senat
de Jacques AMYOT dans C. d'Utiq. 29
S'approchans de Lilliers, ville distraitte de deux lieues par de là Pernes
de Martin DU BELLAY dans Mém. liv. VIII, f° 249, dans LACURNE

ÉTYMOLOGIE

1
Wallon, distriî ; provenç. distraire ; catal. distraurer ; espagn. distraer ; portug. distrahir ; ital. distrarre ; du latin distrahere, de dis.... préfixe, et trahere, tirer (voy. TRACTION, TRAIRE).

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
Sémantique : En termes de fabrication des glaces, se distraire se dit du mercure qui disparaît dans l'amalgame.
Quand on étame avec une feuille coulée, le mercure se distrait mieux, et l'amalgame est plus complet
dans Enquête, Traité de comm. avec l'Anglet. t. II, p. 359

Synonymes de DISTRAIRE

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