Définition de DEUIL

DÉFINITIONS - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : deull, ll mouillées

DÉFINITIONS

1
Profonde tristesse causée par une grande calamité, par la perte de quelqu'un. La perte de plusieurs navires, corps et biens, jeta ce port de mer dans le deuil. Le jour de sa naissance fut un jour de deuil pour sa mère.
.... L'extrême deuil dont mon âme est atteinte
de Jean de MAIRET dans Sophon. I, 3
Il est très assuré que je mourrais de deuil, Si le glaive des miens l'avait mis au cercueil
de Jean de MAIRET dans ib. II, 2
Et la peur d'être ingrat étouffe votre deuil
de Pierre CORNEILLE dans Tois. I, 1
Où prends-tu cette audace et ce nouvel orgueil De paraître en des lieux que tu remplis de deuil ?
de Pierre CORNEILLE dans Cid, III, 1
Et vous, allez au temple Y changer l'allégresse en un deuil sans pareil
de Pierre CORNEILLE dans Rodog. V, 4
Une consolation si peu attendue redouble son deuil
de SAINT-ÉVREMOND dans Matrone d'Éphèse, dans RICHELET
Sa mort mit en deuil une armée de trois cent mille hommes, et fit pleurer tous les princes chrétiens
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 230
Achille mit vingt fois tout Ilion en deuil
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Ép. I
Ils pleurèrent beaucoup Jonathas et ceux qui étaient avec lui, et tout Israël en fit un grand deuil
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Machab. I, XII, 52
Votre fin soudaine et surprenante répandra le deuil parmi nous
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Car. Impénit.
Les marques de deuil, chez les Israélites, étaient de déchirer ses habits, sitôt que l'on apprenait une mauvaise nouvelle
de FLEURY dans Moeurs des Israélites, titre XVIII, 2e part. p. 222, dans POUGENS.
On venait d'apprendre la mort d'Alfieri ; c'était un deuil général pour tous les Italiens qui voulaient s'enorgueillir de leur patrie
de Anne Staël-Holstein, dite Mme DE STAËL dans Corinne, XIX, 5
Toutes [les nymphes] frappant leur sein, et traînant un long deuil, Répétèrent hélas ! autour de son cercueil
de André CHÉNIER dans Élég. 20
Les cieux nous enviaient Sombreuil ; Ils ont repris leur exilée : Nous tous, bannis, traînons le deuil !
de Victor HUGO dans Odes, II, 9
Sémantique : Familièrement. Faire son deuil d'une chose, n'y plus compter, et se résigner à sa perte.
2
Sémantique : Fig. et poétiquement. Le deuil de la nature, l'aspect triste de la nature par l'effet de l'hiver ou de toute autre cause.
La terre qui s'ébranle et se couvre de deuil
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Car. Passion.
De la croix où ton oeil sonda ce grand mystère, Tu vis ta mère en pleurs et la nature en deuil
de Alphonse de LAMARTINE dans Médit. II, 22
Salut ! derniers beaux jours ; le deuil de la nature Convient à la douleur, et plaît à mes regards
de Alphonse de LAMARTINE dans ib. I, 29
3
Il se dit des signes extérieurs du deuil.
On prend ici le deuil de M. le duc d'Anjou
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 69
Mlle Duplessis en grand deuil
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 431
Elle est en deuil de son beau-frère
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 459
On prend aujourd'hui le deuil de la reine d'Espagne
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 523
Il faut porter un deuil éternel au dehors
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Lett. Corn. 83
Ce long deuil que Titus imposait à sa cour
de Jean RACINE dans Bérén. I, 4
Ses nymphes de regret prirent toutes le deuil
de Jean RACINE dans Poésies, 1
Un amant en grand deuil a toujours son mérite
de Jean-François REGNARD dans Distrait, II, 7
C'est à Misène, dans le lieu même où nous sommes, que la veuve de Pompée, Cornélie, conserva jusqu'à la mort son noble deuil
de Anne Staël-Holstein, dite Mme DE STAËL dans Corinne, XIII, 4
Grand deuil, le costume de deuil dans toute sa rigueur pendant les premiers temps qui suivent la mort de la personne perdue. Petit deuil, costume de deuil devenu moins sévère à mesure qu'on s'éloigne davantage de l'époque de la mort.
Une dame là-bas, monsieur, avec sa suite, Qui porte le grand deuil, vient vous rendre visite
de Jean-François REGNARD dans Légat. III, 5
Deuil de cour, costume de deuil que prend la cour quand meurt quelqu'un de la famille régnante ou quelqu'un des princes des maisons souveraines de l'Europe.
Ne vois-tu pas, Hector, que c'est un deuil de cour ?
de Jean-François REGNARD dans le Joueur, II, 14
4
Couleur de deuil. Le deuil est noir pour les particuliers. Le violet est le deuil des rois.
Très familièrement. Avoir les ongles en deuil, les avoir noirs, malpropres.
5
Dépenses faites pour prendre le deuil. Donner tant à une veuve pour son deuil.
6
Le temps du deuil. Elle attend la fin de son deuil.
7
Cortége de parents et d'amis dans les funérailles.
Conduire le deuil, être en tête du cortége funéraire.
Le chevalier n'aura point un enterrement magnifique, comme on prétendait : ils voulaient un prince du sang pour conduire le deuil ; M. le prince a dit qu'il était incommodé ; M. le duc, que cela était bon du temps passé, et que les princes du sang de ce siècle-ci sont plus grands seigneurs qu'ils n'étaient
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 127
8
Les étoffes, ordinairement noires, dont on tend une chambre, une église, etc. Tendre une chambre, une église de deuil.
9
Demi-deuil, moitié du temps du deuil.
Costume que les parents d'un défunt portent après que la moitié du temps de leur deuil est expirée. Le demi-deuil n'est pas aussi sévère que le grand deuil.
Sémantique : Fig.
À l'heure où de la nuit le lugubre flambeau D'un pâle demi-deuil revêt tes sept collines
de Alphonse de LAMARTINE dans Médit. II, 20
10
Dans la botanique et l'entomologie, deuil se dit d'êtres qui, dans leur coloration, offrent un mélange de noir et de blanc.
Grand deuil, petit deuil, espèces de papillons.
Demi-deuil, nom vulgaire de l'argé galatée (lépidoptères diurnes), appelée aussi galatée, et par certains auteurs, satyre galatée ; tandis que d'autres la nomment satyre demi-deuil, LEGOARANT.

HISTORIQUE

1
XIe s.
Donc [il] ad tel doel, pour poi d'ire ne fent
dans Ch. de Rol. XXII
Dient Franceis : Deus ! quel doel de [de la mort du] prodhome
dans ib. CXV
Charles se gist, mais doel a de Rolant
dans ib. CLXXX
Ce dist li reis : Seigneur, vengez vos doels
dans ib. CCLXV
2
XIIe s.
Les dox [régime pluriel]
dans Ronc. p. 4
Voir, dit Rolant, ce est diaus et pitiés
dans ib. p. 66
Comenciez est li dex et li estriz
dans ib. p. 72
Charles fait duel, onques hon ne fit tel
dans ib. p. 149
Car cil qui voit tel amor desevrer [séparer], A assez plus de duel et de pesance Que n'auroit jà li rois s'il perdoit France
dans Couci, XXIV
De duel pleure li dux, et de pitié souspire
dans Sax. X
Deus ! quel duel des prelaz que lur mestier ne funt ! Mucie est la lumiere qui esclaire le munt [le monde]
dans Th. le mart. 69
3
XIIIe s.
Blanchefleurs fait tel duel, que près li cuers lui fent
dans Berte, IX
Qant li dels fu un poi lessiez Et il fu del tot abessiez, Emperere, font li baron....
dans Ren. 10131
Du duel lessier moult la requistrent, Moult de beles raisons li distrent
dans la Rose, 8659
Mais ele qui son duel menoit, Ung coutel en son sein tenoit Repost [caché]....
dans ib. 8671
Por que cis duel plus ne te tiengne, De Mainfroi voil qu'il te soviengne, De Henri et de Corradin
dans ib. 6777
El [tristesse] ne se vosist [voulût] pas retraire Ne reconforter à nul fuer Du duel qu'ele avoit à son cuer
dans ib. 310
Maint grant deul en furent en cest monde, et maintes grans joies en sont en paradis
de Jean, PRINCE DE JOINVILLE dans 201
4
XIVe s.
Si comme Dido la royne, qui mourut de deul que elle perdit son amant
de Nicolas ORESME dans Eth. 83
Il n'est doelz c'on n'oublie à terme bien prochain
dans Baud. de Seb. I, 865
5
XVIe s.
Pense il que la pelade soulage le dueil [affliction] ?
de Michel de MONTAIGNE dans I, 22
Les chiens se laissent mourir de dueil de la perte de leurs maistres
de Michel de MONTAIGNE dans I, 101

ÉTYMOLOGIE

1
Voy. DOULOIR. Picard (Boulonnais), dol ; Mayenne, duel ; wallon, doû ; rouchi, doel ; provenç. dol ; espagn. duelo ; ital. duolo. Il est très probable que l'auteur du jeu des trois rois (mystère du XVe s.) prononçait duel comme on prononce dans la Mayenne ; car il fait rimer avec hardel ce mot, qui pour lui est de deux syllabes, tandis que dans les textes plus anciens duel, prononcé deul, est constamment monosyllabe : Tuer nous fault, par grand desroy, Tous les enfans que trouverons.... Tant qu'arons tué le hardel, Qui tant de peine et de duel Nous fait ; avant, ne lessons rien. Dans l'ancienne langue, au nominatif, li dels, li dex, li diaux, au régime, le duel.

Synonymes de DEUIL

Termes proches de DEUIL