Définition de DÉFIER

DÉFINITIONS - REMARQUE - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : dé-fi-é

DÉFINITIONS

1
Provoquer à un combat, à une lutte.
Défiant leurs nombreuses cohortes
Toi, superbe Orbassan, c'est toi que je défie
Sémantique : Par extension. Défier quelqu'un à la course, à la paume, aux échecs. Défier quelqu'un à boire.
Défier aux chansons les oiseaux dans les bois
Sémantique : Fig. Son teint peut défier la rose.
2
Déclarer à quelqu'un qu'on ne le croit pas en état de faire une chose. Vous me menacez de me battre, je vous en défie. Je vous défie de deviner cette énigme.
J'ose le défier de me pouvoir surprendre
Je défie la calomnie, et je la mets à pis faire
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Lett. à Voltaire, 26 oct. 1762
Sémantique : Familièrement. Je le défie d'être plus votre serviteur que moi.
Je n'aime point, ma fille, que vous disiez que vos lettres sont insipides et sottes ; voilà deux mots qui n'ont jamais été faits pour vous ; vous n'avez qu'à penser et à dire ; je vous défie de ne pas bien faire
Sémantique : Poétiquement.
Je défiais ses yeux de me troubler jamais
3
Affronter, braver.
Je m'en vais défier les vents au milieu de l'Océan
Sa bonne conduite défie la fortune
Ce qui devait tenir contre les vents et défier la durée même des siècles
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Car. Inconst.
Instruite à défier le péril et la mort
Le brave la défie [la mort] et marche au-devant d'elle
Vous croyez à l'abri de votre caractère Pouvoir impunément défier ma colère
4
Sémantique : Terme de marine. On défie une embarcation d'un choc, en en modérant la vitesse, ou en l'éloignant au moyen d'une gaffe ; on défie le navire de la lame, en manoeuvrant de façon à empêcher le choc violent que la lame peut lui donner ; on le défie du vent en gouvernant de manière à empêcher qu'il ne vienne trop au vent, JAL.
Défie de l'arrière ! commandement adressé au timonier, lorsqu'un bâtiment navigue au plus près.
Défie du vent ! commandement de mettre la barre au vent.
Défie tout ! ordre de faire agir vivement le gouvernail sous le plus grand angle possible, pour éviter que le vent ne masque les voiles.
Dans ces termes de marine, défier a le sens de se défier (ne pas se fier), en changeant le pronom réfléchi en un nom ou pronom direct. Défier un navire de la lame, c'est se défier de la lame (le navire au lieu de se), ne pas le fier à la lame.
5
Se défier, Nature : v. réfl. Se provoquer. Ces deux ennemis se défiaient l'un l'autre.
6
Avoir de la défiance, être en garde contre. Il est plus honteux de se défier de ses amis que d'en être trompé.
Si c'est te faire tort que de m'en défier....
De tous ses mouvements mon esprit se défie
Et je me défierais d'un trop prompt changement
Quand on tue celui qui ne s'en défie en aucune manière
Je me défie des allures des gens
Roxane, qui depuis, loin de s'en défier, à ses desseins secrets voulut m'associer
Et quand de toi peut-être un père se défie....
Ils commençaient à se défier de tous les Grecs
Tous les animaux se défient de l'homme et n'ont pas tort ; mais sont-ils sûrs une fois qu'il ne leur veut pas nuire, leur confiance devient si grande qu'il faudrait être plus que barbare pour en abuser
Nature : Absolument.
Non, mais il fut surpris et Créon se défie
Exemple : Défiez-vous, soyez sur vos gardes, se dit souvent entre ouvriers qui soulèvent un lourd fardeau ou font toute autre manoeuvre qui peut avoir du danger si on se néglige.
7
Avoir peu de confiance dans.
De mes faibles efforts ma vertu se défie
Vous, favori ! vous, grand ! défiez-vous des rois ; Leur faveur est glissante, on s'y trompe, et le pire C'est qu'il en coûte cher....
Celui qui sollicite son juge ne lui fait pas honneur ; car il se défie de ses lumières et même de sa probité
de Jean de LA BRUYÈRE dans XIV
Se défier de soi-même, de ses forces, etc. avoir peu de confiance en soi, en ses forces. Le silence est le parti le plus sûr pour celui qui se défie de soi-même. Si, avant que d'agir et de décider sur des choses essentielles, vous vous étiez défié de vous-mêmes, BOURDAL., Sur la fausse consc. 1er Avent.
En ce sens il se construit aussi avec que.
Quelque ardeur qu'un chrétien fasse paraître pour la cause de son Dieu, je me défierai toujours, ou plutôt je désespérerai toujours, que de la délicatesse des repas, des habits, de l'équipage et du train, il accepte de passer à la rigueur des prisons, des roues et des chevalets
de Louis BOURDALOUE dans Car. t. I, p. 232
Se douter, soupçonner, prévoir.
Une chose vous manque, à vous et à vos semblables, vous ne vous en défiez pas : et je vais vous jeter dans l'étonnement ; une chose vous manque, c'est l'esprit
Ils commencent à se défier du contraire
En ce sens il se construit aussi avec que.
Et, ma foi, je m'étais toujours bien défié Que ce jeune galant cajolait Isabelle
Qu'il est difficile, quand on peut tout, de se défier qu'on peut aussi trop entreprendre !
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Louis le Grand.
Il ne s'était même jamais avisé de se défier que la voie où il marchait.... pût le conduire à la perdition
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Car. Mauv. riche.
Qui se serait jamais défié que Manassès, qui avait introduit l'abomination dans le lieu saint.... dût devenir un jour le restaurateur du temple et des sacrifices ?
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Mélange.
Il [l'impie] se défie seulement qu'il n'y a rien après cette vie, et là-dessus il le croit
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Vér. d'un avenir.
Vous n'en avez pas usé de même, et c'est sur quoi je commençai à me défier que vous agissiez avec passion

REMARQUE

1
Défier, dans le sens de provoquer, faire un un défi, veut à : défier quelqu'un à boire. Dans le sens de mettre à pis faire, de déclarer impossible, il veut de : je le défie d'y aller.

HISTORIQUE

1
XIe s.
[Je] Desfi les en, sire, vostre veiant
dans Ch. de Rol. XXIV
Par nule guise ne m'aviez desfiet
dans ib. CXLVII
Je desfiai Rolant le poigneor
dans ib. CCLXXIV
2
XIIe s.
Et dist à Pinabel : Je vous desfi, vassal
dans Ronc. p. 193
Et Gilemers l'Escot dit outrage et folie, Quant de ceste besogne devant tous vous desfie
dans Sax. X
Ils vous ont desfié de [à] guerre moult prochaine
dans ib. XX
Richarz li respundi par ire e par buffei : " Quant ne volez venir ensemble od mei al rei, Or vus desfi-ge dunc e des miens et de mei "
dans Th. le mart. 51
Coment, fait saint Thomas, avez me desfié ? Nenal, fait Jocelins, mais ço vus ad mandé Li reis ....
dans ib. 130
3
XIIIe s.
Et distrent que bon seroit que il envoiassent à lui bons messages pour demander leur covenances, et si il le vouloit faire, il le preissent, et se ce non, si le defiassent de par els
Et manda li quens Ferrans au roi Phelippe qu'il li rendist les chastiaus et les cités que vous avez oï, ou se çou non, il le deffioit et bien seüst qu'il enterroit en sa terre en brief tans
dans Chron. de Rains, 144
L'en demain par matin quant l'aube fu crevée, Bauduin de Rohais [les Turcs] ont parole mandée, Par un lor latinier qui lui a bien contée, Que il deviegne turc, s'ait sa loi defiée, Trois cos [queues] se face faire à l'us de lor contrée
dans Ch. d'Ant. VI, 9
Se l'amiral eust esté refusé, il eust presenté au roy ces trois coutiaus pour le deffier
4
XVIe s.
Tu me sembles aulcunement doubter, voyre deffier de ma paternité
Cesar se print à desfier le Dieu Neptunus
de Michel de MONTAIGNE dans I, 22
Il desfia le roy de le combattre en chemise avec l'espée
de Michel de MONTAIGNE dans I, 59
Il estoit garni des biens et des thresors qui desfient la fortune
de Michel de MONTAIGNE dans IV, 316
Il cassa la compagnie de trois cents satellites de Romulus, disant qu'il ne se vouloit point desfier de ceulx qui se fioient en luy
de Jacques AMYOT dans Numa, 12
Il deffia au combat d'homme à homme le plus vaillant des Gaulois
de Jacques AMYOT dans ib. 22
Il se partit pour aller au devant de luy, ne se deffiant pas que Caesar ne fust pour luy pardonner, ains....
de Jacques AMYOT dans Cicéron, 49

ÉTYMOLOGIE

1
Dé.... préfixe, et fier, v. a. ; provenç. desfiar, desfizar ; ital. disfidare, diffidare. La série des sens est : démentir la foi de quelqu'un (dé-fier, dé-fiance), puis, de là, provoquer, et, avec le pronom réfléchi, n'avoir pas foi, confiance.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
2. Corneille a supprimé le pronom personnel dans cette phrase : Annibal, qu'elle vient de lui sacrifier, L'engage en sa querelle et m'en fait défier, Nicom. I, 1. J. J. Rousseau aussi : Malgré ma prévention pour le talent des autres, qui m'a toujours fait défier des miens, Confess. VII. Cette tournure est correcte, mais peu usitée ; on dit plutôt : m'a fait me défier.
2
3. Le même a dit : Tous les plaisirs ont beau être pour les méchants, en voilà pourtant un que je leur défie de goûter, Lettre à Milord Maréchal, 31 mars 1764. C'est une faute ; il faut : je les défie.

Synonymes de DÉFIER

Termes proches de DÉFIER

Phonétiquement proche de DÉFIER