Définition de ÉLEVER

DÉFINITIONS - REMARQUE - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : é-le-vé. La syllabe le prend un accent grave quand la syllabe qui suit est muette : j'élèverai

DÉFINITIONS

1
Faire monter plus haut, porter plus haut. Élever un mur d'un mètre. Ce tableau est trop bas, il faut l'élever. Élever des eaux par le moyen d'une pompe.
À ces paroles, la mère, élevant vers le ciel ses mains tremblantes
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Veillées du chât. t. II, p. 386, dans POUGENS
Le soleil élève les vapeurs, il les attire hors de la terre ou de la mer et les fait monter.
Sémantique : Terme de marine. Élever un bâtiment, se rapprocher de lui ; locution qui vient de ce que, sur mer, à mesure qu'on s'approche d'un objet, il s'élève sensiblement sur l'horizon.
Sémantique : Fig.
Pour t'élever de terre, homme, il te faut deux ailes, La pureté du coeur et la simplicité
Le coup à l'un et l'autre en sera précieux, Puisqu'il t'assure en terre en m'élevant aux cieux
C'est à toi d'élever tes sentiments aux miens
Pendant que la nature nous tient si bas, que peut la fortune pour nous élever ?
Pour vous élever au comble de la joie
Une chute si belle élève sa vertu
Il semble que le ciel T'élève en ce moment au-dessus d'un mortel
Le projet d'élever les établissements danois dans l'Inde à plus de prospérité qu'ils n'en avaient eu, a occupé ensuite les esprits
2
Porter quelqu'un à un haut rang. Louis XIV éleva Colbert au ministère. Ses services l'ont élevé au plus haut rang.
Conte-moi tes vertus, conte-moi tes hauts faits, Et tout ce qui t'élève au-dessus du vulgaire.... Ma faveur fait ta gloire et ton pouvoir en vient, Elle seule t'élève et seule te soutient
Telle fut la reine dans tout le cours de sa vie ; Dieu l'avait élevée sur le trône, afin qu'elle honorât sa religion
Dans l'espoir d'élever Bérénice à l'empire
Nul n'éleva si haut la grandeur ottomane
Ai-je donc élevé si haut votre fortune Pour mettre une barrière entre mon fils et moi ?
Ils ne pensent point à établir ou à élever leur famille : ils sont populaires, simples, modestes, sans faste....
3
Exalter, vanter, préconiser.
On ne l'entend jamais De ce charmant héros élever les hauts faits
À la fin tous ces jeux que l'athéisme élève
Élever quelqu'un jusqu'aux nues, le vanter à l'excès.
Les combats d'Ulysse et sa sagesse furent élevés jusqu'aux cieux
4
Inspirer des sentiments élevés.
Si, après avoir ouï un endroit [d'un ouvrage] plusieurs fois, nous ne sentons point qu'il nous élève l'âme
Ce qui élève l'esprit devrait toujours aussi élever l'âme
de Bernard le Bouyer de FONTENELLE dans Chazelles.
En même temps ma mère s'appliquait à m'élever le courage
Du peuple cette fable éleva le courage
de SAURIN dans Spartac. IV, 3
Tant de générosité, loin de m'humilier, m'élevait au-dessus de moi-même
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Veillées du chât. t. I, p. 346
Des intérêts étrangers et ruineux pour leur patrie élèveront-ils leur âme avilie et corrompue ?
Que la vertu m'élève à cet effort, De remplir mes serments, de détromper Montfort
Élever ses pensées vers Dieu, faire Dieu l'objet de ses pensées. Élever son coeur vers Dieu, faire Dieu le but de ses sentiments.
Nature : Absolument, dans le même sens, élevez vos coeurs.
5
Élever son style, prendre un ton plus soutenu.
6
Augmenter. Élever le prix des denrées, le taux de l'intérêt, la valeur d'une monnaie.
Élever la température, rendre plus chaud.
Sémantique : Terme de mathématique. Élever un nombre au carré, au cube, à une puissance quelconque, le multiplier par lui-même autant de fois que l'indique l'exposant.
7
Élever la voix, parler haut.
Plus haut que les acteurs élevant ses paroles
Prendre un ton de menace ou de supériorité. Dans la discussion, il éleva la voix.
Élever la voix en faveur de quelqu'un, prendre hautement sa défense.
Sémantique : Terme de musique. Élever le ton d'un morceau, transposer un morceau afin qu'il soit exécuté sur un ton plus haut que celui où il avait été composé.
8
Ériger, bâtir. Élever une pyramide. Une statue fut élevée à ce grand homme.
Le tombeau qu'à sa cendre ont élevé mes soins
....Allez et faites promptement Élever de sa mort le honteux instrument
Cet édifice [Saint-Cyr], superbe par l'étendue des bâtiments, fut élevé en moins d'une année, et en état de recevoir deux cent cinquante demoiselles, trente-six dames pour les gouverner
de Mme DE CAYLUS dans Souvenirs, p. 196, dans POUGENS
Ils élevèrent des statues à Brutus et à Cassius près de celles d'Harmodius et d'Aristogiton, anciens libérateurs d'Athènes
Auprès d'André Chénier avant que de descendre, J'élèverai sa tombe où manquera sa cendre, Mais où vivront du moins et son doux souvenir Et sa muse et ses vers dictés pour l'avenir
de M. JOS. dans CHÉN.
Sémantique : Fig.
Souvent, au lieu d'attaquer de front des préjugés dangereux, il vaut mieux élever à côté d'eux les vérités dont la fausseté de ces opinions est une conséquence facile à déduire
Élever autel contre autel, faire un schisme, entrer en rivalité avec quelqu'un.
Sémantique : Terme de géométrie. Élever une perpendiculaire sur une ligne, sur un plan, la tracer à partir de cette ligne ou de ce plan, tandis qu'on abaisse une perpendiculaire quand elle part d'un point extérieur pour aboutir à la ligne ou au plan.
9
Établir, fonder, par comparaison avec une construction qu'on élève. Élever sa fortune. Élever des systèmes.
J'ai vu sur ma ruine élever l'injustice
Sur ces débris du monde élevons l'Arabie
10
Mettre en avant, susciter. Élever une chicane. Élever des doutes. Élever une dispute, une contestation.
De là vient l'injustice de la fraude qui élève sa prétendue justice contre la force
de Blaise PASCAL dans dans COUSIN
Garde-toi d'élever un coupable soupçon
de RAYNOUARD dans États de Blois, I, 5
Sémantique : Terme de pratique. Faire naître, susciter. Élever un incident, une prétention, une fin de non-recevoir.
11
Faire entendre. Élever un cri. La foule éleva de grands cris. Il éleva une plainte.
Qui de nous vers le ciel n'élève pas des cris Pour les jours d'un époux, ou d'un père, ou d'un fils ?
12
Allaiter, nourrir, entretenir un enfant. C'est le devoir d'une mère tendre d'élever elle-même son enfant.
On m'élevait alors solitaire et cachée
Il sentait avec une vive reconnaissance que la compassion l'avait élevé et nourri dès son enfance
Vous, seigneur ! ... ce sérail éleva votre enfance ?
Il se dit aussi des animaux et des plantes. Élever des serins. Élever des pêchers.
Il m'est, disait-elle, facile D'élever des poulets autour de ma maison
13
Instruire, développer, donner de l'éducation. Ce jeune homme fut très bien élevé.
Songe avec quel amour j'élevai ta jeunesse. - Il éleva la vôtre avec même tendresse
Elles élèvent bien leurs petites filles
Combien de jeunes filles fit-elle élever dans des communautés de vierges chrétiennes !
Il faut avoir étudié les enfants pour les bien élever, et, par conséquent, avoir fait plus d'une éducation
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Adèle et Théod. t. II, lett. 47, p. 489, dans POUGENS.
Je n'ai que quinze ans ; j'ai été mal élevée ; plaignez-moi, et soyez sûre que cette terrible leçon m'a corrigée pour la vie
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Th. d'éduc. l'Intrigante, II, 8
Élever à, habituer à.... par l'éducation.
Une personne qui aurait pu être vertueuse si elle eût été élevée à la vertu
Ils élèveront leurs enfants au travail
Toute leur attention est d'élever leurs enfants à la vertu
14
S'élever, Nature : v. réfl. Aller de bas en haut. S'élever en l'air. Ce terrain s'élève en amphithéâtre. Des îles s'élèvent du sein des flots.
Et les Alpes de loin, s'élevant dans la nue, D'un long amphithéâtre enferment les coteaux
Le temps s'élève, il commence à s'éclaircir. Locution qui vient de ce que d'ordinaire, quand il fait beau, les nuages sont hauts.
Sémantique : Fig.
Voilà comment les opinions s'élèvent peu à peu jusqu'au comble de la probabilité
15
Se soulever contre.
Il est temps de s'élever contre de tels désordres
Voilà des nouveautés contre lesquelles on ne peut assez s'élever
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans 3e écrit.
Ils s'élèvent contre le siége de saint Pierre
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Avert.
Tout semble s'élever contre mon injustice
Verrons-nous contre toi les méchants s'élever ?
Le peuple en sa faveur s'élève et s'attendrit
16
Accuser quelqu'un, porter témoignage contre lui. Son péché s'élèvera contre lui.
Sa conscience s'élève contre lui
Je m'élèverai contre eux au jour de ma colère
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Avent, Épiphan.
Ils s'élèveront contre vous
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Avent, Jugement.
Le sang de votre roi s'élève contre vous
Tes mânes irrités s'élèvent contre nous ; Non jamais ton bourreau ne sera mon époux
de BRIFAUT dans Ninus II, IV, 12
Être porté en témoignage. Des charges considérables s'élevaient contre l'accusé.
17
Naître, surgir.
Un grand destin commence, un grand destin s'achève, L'empire est prêt à choir et la France s'élève
Un tumulte, dit-on, s'élève dans la place
Un trouble s'éleva dans mon âme éperdue
Quelle effroyable voix dans mon âme s'élève ?
Le vent s'élève, il commence à souffler avec force.
Voilà les feuilles sans séve Qui tombent sur le gazon, Voilà le vent qui s'élève Et gémit dans le vallon
Nature : Impersonnellement. Il s'élève des opinions nouvelles parmi les hommes. Il s'est élevé de grandes plaintes contre lui. Il s'éleva un vent violent. Il s'était élevé un orage pendant ce temps-là.
Il s'élève un grand bruit et mille cris confus
Il ne s'élevait plus parmi eux aucun prophète
Il s'élève en la mienne [âme] une secrète joie
Et que vous contractez de nouvelles dettes en même temps qu'il s'élève de nouveaux malheureux sur cette terre
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Car. Aumône.
Il s'élevait cependant un homme qui semblait devoir rassurer la fortune de la France, c'était le maréchal de Villars
18
Devenir plus aigu, en parlant des sons. Le diapason s'est élevé peu à peu dans le cours de ces derniers temps.
Devenir plus fort, en parlant de la voix. Sa voix s'éleva dans la contestation.
S'augmenter. La température s'élevait très rapidement.
Aller jusqu'à, en parlant de nombres, de quantité. Cette somme s'élève à tant. Le chiffre de la dépense s'éleva beaucoup au delà de ce qu'on avait voulu.
19
Se couvrir de boutons. À la moindre irritation sa peau s'élève partout. On dit dans le même sens, avec ellipse du pronom personnel : Un rien lui fait élever toute la peau.
20
Être bâti, dressé. Cette construction s'élève rapidement. Ce village s'est élevé sur l'emplacement d'une villa romaine.
Être établi, fondé.
Par ses soins se sont élevées des écoles où la jeune noblesse des deux sexes est instruite dans les sciences utiles, dans les arts agréables
21
Se porter, être porté dans un rang élevé. S'élever aux premières charges de l'État.
Il est assez naturel aux hommes de vouloir s'élever aux lieux éminents pour étaler de loin, avec pompe, l'éclat d'une superbe grandeur
Il n'y a au monde que deux manières de s'élever, ou par sa propre industrie, ou par l'imbécillité des autres
de Jean de LA BRUYÈRE dans VI
Sémantique : Fig.
L'incrédule s'y élève insensiblement sur les débris de votre culte
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Car. Mélange.
22
S'enorgueillir. Celui qui s'élève sera abaissé.
Je le perds, il suffit, ma fierté s'en élève
Du même fond d'orgueil dont on s'élève fièrement au-dessus de ses inférieurs. l'on rampe vilement devant ceux qui sont au-dessus de soi
de Jean de LA BRUYÈRE dans VI
23
Devenir moralement grand. L'esprit s'élève par la contemplation de la nature.
On s'élève par cette passion et on devient toute grandeur
de Blaise PASCAL dans dans COUSIN
Guillaume Pitt avait la passion des grandes choses, une éloquence sûre d'entraîner les esprits, le caractère entreprenant et ferme : il avait l'ambition d'élever sa patrie et de s'élever avec elle
S'élever au-dessus des intérêts humains, des passions, s'y rendre inaccessible.
C'est là [dans les hôpitaux] que, s'élevant au-dessus des craintes et des délicatesses de la nature, pour satisfaire à sa charité au péril de sa santé même, on la vit....
24
Se dit aussi de l'esprit qui devient supérieur à lui-même. S'élever aux idées d'ordre, de justice.
L'esprit de l'homme ne peut s'élever jusque-là, il ne peut comprendre cela.
25
Sémantique : Terme de marine. S'élever en latitude, s'écarter de l'équateur. S'élever en longitude, s'éloigner du premier méridien. S'élever dans le vent ou au vent, s'approcher de l'origine du vent. S'élever de la côte, s'en écarter, en tenant le plus près du vent. S'élever bien à la lame, céder facilement à son action.
Les galères nous aidèrent, le jour du combat, à nous élever au vent
de VILLETTE dans Mémoires, 1704, dans JAL
On a essuyé une tourmente aussi rude et aussi grande que celles qu'on a accoutumé de souffrir en hiver, et d'autant plus fâcheuse que le vent ne nous permettait pas de nous élever de la côte autant qu'on avait raison de le désirer
de D'ESTRÉES dans à Seignelay, 1680, dans JAL
Le temps qu'il fut à s'apprêter donna aux ennemis celui de s'élever un peu au vent, parce que nous restâmes toujours en panne
de J. BART dans Rapport, 11 juillet 1694, dans JAL
On dit aussi qu'un navire s'élève à vos yeux, quand il se rapproche de vous.
26
Recevoir la nourriture et l'entretien destinés aux enfants. Cet enfant s'élève bien, il n'éprouve rien qui entrave sa santé, sa croissance.
Se dit aussi des animaux et des plantes. Les dindons s'élèvent difficilement. Les pêchers ne s'élèvent pas sans soins.
Recevoir de l'éducation. La jeune génération s'élève dans les colléges et dans les écoles.

REMARQUE

1
Vaugelas observe avec raison qu'il faut dire lever les yeux au ciel, et non les élever.

HISTORIQUE

1
XIe s.
Qui tort eslevera ou faus jugement fera
dans Lois de Guill. 41
2
XIIe s.
Esleverent li flum [les fleuves], sire, esleverent li flum lur voix
dans Liber psalm. p. 136
Je eslef mes mains à tun saint temple
dans ib. p. 33
Quant il ellevarent lur oez [yeux]
dans Job, 453
Com plus esgarde la pense alleveie sa vertut [plus la pensée voit sa vertu élevée]
dans ib. 479
Avient ke de ce dont il soi aesment [estiment] estre plus destruiz, soi ellievent plus riche à la construction del celeste païs
dans ib. 466
3
XIIIe s.
Je vi le felon essaucié et eslevé ausi comme les cedres del mont Lyban
dans Psautier, f° 46
S'a ele [ainsi la reine Blanche a] assez fier cuer, ce m'est avis, Pour faire honte à un bien haut baron, Et élever un traïtor felon
de H. DE LA FERTÉ dans Romancero, p. 183
Prie à ton fil Qu'il nous entende, et nous esleve De l'ordure qu'aporta Eve, Quant de la pomme osta la seve
dans Fabliaux mss. n° 7218, f° 328, dans LACURNE
4
XVe s.
Quand le comte Derby vit l'archevesque de Cantorbie venir devers lui, tout le coeur lui eleva, et se rejouirent ses esprits
Mais avoir [je] vueil femme benigne, Humble, simple, pou [peu] emparlée, Bien besongnant, pou eslevée, Juene et chaste de bouche et mains
de Eustache DESCHAMPS dans Poésies ms. dans LACURNE
Et avoit le coeur très eslevé pour ceste duché [qu'il venait de conquérir]
de Philippe de COMMINES dans IV, 1
5
XVIe s.
Il ralluma son courage, et s'eslevant en pieds, tout ensanglanté....
de Michel de MONTAIGNE dans II, 33
On m'a ainsi eslevé
de Michel de MONTAIGNE dans II, 73
La somptuosité des monuments eslevez à cette fin
de Michel de MONTAIGNE dans II, 135
De quoi le peuple ayant eslevé des cris de joie
de Michel de MONTAIGNE dans II, 193
Toute la Gaule s'estant eslevée pour luy courre sus
de Michel de MONTAIGNE dans III, 172
On pourroit envoyer après eux mille chevaux, et deux mille harquebusiers, et faire eslever toutes les forces des provinces où ils s'arresteroyent

ÉTYMOLOGIE

1
Provenç. et espagn. eslevar ; ital. elevare ; du latin e, et levare (voy. LEVER).

Synonymes de ÉLEVER

Termes proches de ÉLEVER

Phonétiquement proche de ÉLEVER